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Abou Nawas, le poète bachique qui chantait son amour pour les jeunes garçons

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Al-Ḥasan Ibn Hāni’ al-Ḥakamī, connu comme Abou Nawas, fut l’un des poètes les plus marquants de la dynastie Abbasside (750 – 1258). Natif d’Ahwaz (sud-ouest de l’Iran actuel) en 757, d’une mère perse et d’un père damascène, il perdit ce dernier dès le jeune âge. Il fut ainsi envoyé à Bassora pour travailler dans une parfumerie.

Abou Nawas profitait de sa présence en Irak pour ne pas rater une soirée de poètes. Il fut repéré là-bas pour sa grande intelligence. «Il se distinguait par une poésie exquise et un verbe raffiné qu’il développa en étudiant longuement les poètes classiques et la langue arabe authentique», écrivit Chawqi Daïf dans «Histoire de la littérature arabe : la première période abbasside».

Un poète doté d’une riche connaissance en littérature comme en religion

Il était connu pour chanter les joies du vin et des spiritueux. Sa poésie séduisit le calife abbasside Hâroun ar-Rachîd (786 – 809), qui le joignit ainsi à sa cour après avoir été fasciné par la beauté et l’éloquence de ses textes. Abou Nawas lui consacrait ses meilleurs éloges et vivait dans le luxe des palais abbassides. Cependant, ar-Rachîd l’emprisonna souvent à cause de ses mentions érotiques et explicitement sexuelles, afin de lever toute ambiguïté sur ses relations avec lui.

Hassan Jafar Khreibani le rappela dans son ouvrage «Ecrivains et poètes arabes», expliquant que Hâroun ar-Rachîd érigea Abou Nawas en tant que poète attitré de la cour car ce dernier était le meilleur poète de son temps. «Cependant, il n’était pas toujours source de fierté pour le calife abbasside qui ne voyait pas d’un bon œil son goût pour la poésie bachique, libertine et érotique», nota le chercheur.

Abou Nawas semblait ainsi un «mal nécessaire» à la cour califale, d’autant plus qu’il était réputé pour sa grande culture et ses connaissances approfondies en matière de jurisprudence religieuse. Il était en somme «un érudit qui maîtrisait parfaitement les règles et la fatwa». «Il était clairvoyant, doté d’une grande capacité à mémoriser et à assimiler de nouvelles connaissances ; il connaissait parfaitement le Coran avec ses points et ses virgules», écrivit pour sa part Abdullah bin Mohammed bin Mu’taz Abbasi dans «Le livre des poètes».

Dans ce sens, Chawki Daïf retint que «ce Perse avait un fort caractère et avait connaissance de toutes les cultures dans lesquelles il baigna, notamment la perse, l’arabo-musulmane, l’indienne, la grecque, la juive et la chrétienne»

Le pionnier de la poésie bachique

Abou Nawas s’est fait connaître pour ses poésies faisant la part belle aux vins, aux boissons (khamriyyat) et à son amour pour les jeunes garçons (mujuniyyat), qu’il écrivait dans une langue arabe parfaitement épurée. Hassan Jafar Khreibani retint que dans son amour pour les spiritueux, ce poète «atteignait les limites du culte et du sacré, toujours en quête des bonheurs et des plaisirs de la vie».

Il marqua également la poésie arabe en exprimant ouvertement son homosexualité et surtout son attirance pour les jeunes du même sexe. «Il ne se contentait plus seulement de faire l’éloge des garçons sur un ton grivois, mais il faisait aussi des descriptions des femmes dont il n’aimait ni la féminité ni la tendresse, préférant celle de jeunes arrivés à peine à la fin de leur adolescence en faisant l’éloge de leurs qualités physiques qu’il décrivait en détail», écrivit encore Hassan Jafar Khreibani dans «Ecrivains et poètes arabes».

Le poète décida pourtant de quitter le luxe des palais abbassides de Baghdad pour vivre en Egypte, sauf que le décès de Hâroun ar-Rachîd le fit revenir en Irak, où Al-Amin (809 – 813) hérita du pouvoir de son père. En effet, le nouveau calife rappela Abou Nawas à la cour et le prit lui aussi comme poète attitré car connu pour son éloquence. Mais Al-Amin s’aligna entièrement sur l’attitude de son père. Pour faire taire toutes les rumeurs sur les rapports entre lui et Abou Nawas, lui aussi l’emprisonna plusieurs reprises.

Au regard de nombreux critiques, Abou Nawas était «le poète du vin et le porte-voix d’un renouveau dans la poésie» et la littérature arabe. «Si son œuvre ne plaisait pas en termes de mœurs, elle constitua une contribution capitale à la littérature. Et si elle fut détestée par les religieux, elle fut admirée par les férus et les connaisseurs d’art», lit-on en préface de l’un de ses recueils de poèmes.

En effet, Nidal Al Amiouni souligna dans «Le phénomène du temps dans la poésie arabe ancienne : Bashar ibn Bard et Abou Nawas» que ce dernier «intégra à la poésie écrite arabe quelque chose de nouveau comme aucun de ses prédécesseurs ne fit».

Les historiens soulignèrent qu’à la fin de sa vie, Abou Nawas aurait imploré la clémence divine en regrettant ce qu’il considéra comme «des erreurs du passé», en allusion à son amour sacralisé pour le vin ou encore les jeunes de son sexe. Sa mort en 815 à Bagdad conservera une grande part de mystère, puisque les récits historiques ne s’accordent pas sur le contexte de ce décès et s’il était survenu en prison ou ailleurs.


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