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Après 5 années chaotiques, le secteur accuse d’un recul de 40 ans (Bouhout)

Doucement, mais sûrement, le secteur du tourisme reprend petit à petit au Maroc, après deux ans de crise sanitaire due au Covid-19 qui ont donné un coup de grâce au secteur. Si certains opérateurs touristiques au Maroc, et dans certaines régions, ont pu respirer un peu après la pandémie, d’autres ne se sont pas remis de la crise. 

En effet, dans une analyse livrée à Hespress Fr, Zoubir Bouhout, expert et analyste dans le secteur du tourisme se penche sur la situation de la destination Ouarzazate, réputée pour ses paysages paradisiaques et ses sites de tournage de films et séries mondialement connus, qui continue de vivre dans une crise structurelle suite aux problèmes qui se sont accélérés depuis 2018 ainsi que l’aggravation de la situation en 2020 et 2021 en raison de la pandémie.

« En 2022 le tourisme peinait toujours à décoller à Ouarzazate et le secteur est toujours en danger. Les raisons de cette crise sont multiples et sont dues notamment à l’enclavement aérien et terrestre, au manque d’attractivité des investissements, ainsi que l’accélération des fermetures d’hôtels, en plus de l’absence ou de la faiblesse des budgets de promotion« , explique l’expert dans son analyse.

Le décor planté, Bouhout poursuit que le secteur du tourisme continue d’enregistrer des baisses inquiétantes qui pourraient atteindre – 64%, en termes de volume de nuitées au cours de l’année 2022 par rapport à l’année 2019, sachant que les statistiques officielles disponibles jusqu’aux 10 premiers mois de 2022 indiquent une baisse en pourcentage de – 65% pour le nombre d’arrivées et de – 61% pour les nuitées enregistrées dans les établissements classés, par rapport à la même période en 2019, souligne-t-il.

De ce fait, ce professionnel du domaine estime qu’en 2022, Ouarzazate aura bouclé les pires 5 années de l’histoire du secteur (2018-2022), idem pour d’autres secteurs tels que le cinéma ou la santé, « ce qui la fait reculer d’environ 40 ans pour retrouver les niveaux enregistrés au cours des années quatre-vingt« , déplore l’expert.

Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette crise, notamment la Covid-19, puisque le nombre de nuitées est passé de 380.000 .en 2019 à 71.607. seulement en 2020, soit – 81 % (-72 % au niveau national).

Ouarzazate n’a pas bénéficié de la reprise de 2021

De plus, poursuit-il, « Ouarzazate n’a pas bien bénéficié de la reprise de 2021, le nombre de nuitées n’a augmenté que de 6%, alors que le taux de croissance avoisinait les 32% à l’échelle nationale. En outre, le taux de récupération au cours de 2022 par rapport à 2019 est d’environ 34% pour Ouarzazate, soit moins de la moitié du taux enregistré au niveau national, qui sera d’environ 73% ».

Dans les détails, Bouhout note qu’au cours des dix premiers mois de l’année 2022, l’activité touristique à Ouarzazate a connu une baisse spectaculaire sur tous les marchés, par rapport à la même période en 2019. Le marché français a baissé de – 62%, le marché italien – 66%, le marché espagnol – 75%, le marché anglais – 79%, tandis que le marché allemand a enregistré une baisse de – 88 %.

« De ce fait, la crise due à la covid-19 ne peut être tenue pour seule responsable des défaillances de ce secteur vital. En se référant aux performances du secteur avant cette crise, on comprend relativement les raisons de ce revers. En 2017, Ouarzazate a enregistré le deuxième plus grand taux de croissance du nombre de nuitées (+37%), soit plus du double du taux de croissance des nuitées enregistrées au niveau national (+ 15 %). Cependant, avec le début de 2018, des signes de dégringolade ont commencé à paraître et le taux de croissance des nuitées de Ouarzazate qui était de +37% en 2017 est passé à +4% seulement en 2018 au moment où le taux de croissance a atteint +8% au niveau national », explique l’expert.

La situation va encore aller de pire en pis pour les acteurs du secteur en 2019, constate Bouhout, notant que les indicateurs vont reculer à tous les niveaux, en enregistrant notamment – 8% en volume de nuitées par rapport à l’année précédente, alors qu’un taux de croissance de + 5% a été enregistré au niveau national.

Ainsi, Ouarzazate qui challengeait en 2017 pour la première place en termes de croissance de nuitées (+37 %), est devenue une zone sinistrée enregistrant un déclin (- 8 % en 2019), explique Bouhout, avant de préciser que la crise du Covid-19 n’a fait qu’aggraver une situation déjà compromise et dont les causes remontent à 2018.

Zoubir Bouhout

Aucune initiative sérieuse de la part des responsables locaux

L’ensemble de ces problèmes ont conduit, selon l’expert en tourisme, à une accélération du rythme de fermeture des établissements touristiques au cours de l’année écoulée (5 établissements) et le nombre total des établissements fermés a dépassé les 20 unités.

De plus, Zoubir Bouhout souligne le fait qu’aucune initiative sérieuse n’a été enregistrée de la part des responsables locaux pour pallier cette carence (fermetures et baisse drastique de la capacité d’hébergement), tandis que les investisseurs qui ont manifesté leur intention de s’engager ont subi soit l’indifférence soit le rejet injustifié de leurs projets, se désole-t-il, notant que de réelles opportunités de développement ont été gâchées en perdant du temps à formuler des programmes anodins sur le papier, sans impact tangible sur le développement local.

« Ouarzazate a besoin d’efforts concertés impliquant les différents acteurs et forces vives ainsi qu’un travail de terrain sérieux selon une véritable approche participative. Aussi, un audit et un examen minutieux par qui de droit réussiraient à élucider cette situation chaotique et les raisons de cet échec, loin des rapports et comptes rendus élogieux de phrases rhétoriques sans aucun lien avec la réalité de Ouarzazate et dont le seul et unique but est d’obtenir des gains individuels au détriment de la population de Ouarzazate ainsi que de son principal secteur vital qui est le tourisme en plus d’autres secteurs, notamment le cinéma ou encore le secteur de la santé », plaide Bouhout.

Il rappelle, en ce sens, que les opérateurs du tourisme et les acteurs actifs de la société civile avaient déjà envoyé des messages de détresse pour sauver Ouarzazate. Une lettre ouverte a également été adressée au chef du gouvernement et au ministre de l’Intérieur, leur demandant d’intervenir de toute urgence pour sauver la région, fait-il savoir.

Mais pas que ! Le tissu Associatif de Ouarzazate pour le développement avait  précédemment publié un communiqué où il a exprimé son inquiétude quant aux conditions sociales, économiques et culturelles de la ville, soulignant qu’après les répercussions de la pandémie, Ouarzazate continue de connaître des reculs importants à divers niveaux, notamment en termes de déficit en matière de connectivité, de faible attractivité des investissements et de la fermeture en série des établissements hôteliers ainsi que le déclin de l’activité cinématographique.

Le tissu associatif a également signalé que Ouarzazate continue de vivre un marasme avec l’occultation de nombreuses activités rayonnantes qui exprimaient le visage culturel, artistique et valorisant de la ville et de la région, rappelle Bouhout.

Pour conclure, et en attendant des initiatives sérieuses qui remettraient Ouarzazate sur son vrai chemin de développement, Bouhout soutient que la population attend toujours un geste du gouvernement et des responsables centraux pour sauver la ville et faire en sorte que l’expérience de Ouarzazate ne soit plus reproduite pour éviter toute souffrance future des populations d’autres villes du pays.

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