Aux origines de l’hôtel Cecil, l’établissement tangérois qui renaitra bientôt de ses cendres

La ville de Tanger abritait les hôtels les plus luxueux du Maroc et du monde. Hormis le légendaire Continental, l’hôtel Cecil, situé boulevard Mohammed VI et construit dans les années 1860, sera bientôt rénové.

Selon Abdou Benattabou de l’association Zanka 90 basée à Tanger, «la réhabilitation de la zone côtière à Tanger nécessite que les autorités rénovent cet hôtel». «Mais nous ne savons pas qui sera responsable de ce projet», a-t-il déclaré à Yabiladi.

Le média local Tanja 24 a également confirmé l’information, précisant il y a quelques jours que c’est la commune urbaine de Tanger qui prendra en charge ce projet.

Hôtel Cecil sera bientôt rénové. / Ph. Tanja24

Selon un article écrit par les historiens Andrew Clandermond et Terence MacCarthy et intitulé «No Better Address! A brief social history of the hotel Cecil, Tangier», l’hôtel a été construit en 1865 et son inauguration a été relayée par le journal Al-Maghreb Al Aksa le 25 février 1988. «L’inauguration de l’hôtel Cecil, situé sur la plage, a eu lieu samedi soir», avait écrit le journal, cité par les deux historiens.

«Le bâtiment qui était autrefois occupé par Senor Recio’s Universal Hotel a été entièrement reconstruit et le nouvel hôtel est sous la direction de M. John Sacone».

Andrew Clandermond et Terence MacCarthy

Un légendaire hôtel de luxe

Pour une visite à l’intérieur de l’hôtel, le journal local Tanger Gazette décrivait, le 23 juin 1923, «des chambres bien ventilées avec les dernières installations sanitaires, des suites de chambres avec salles de bain privées et toilettes, une salle à manger spacieuse, des dessins et des salles de lecture et de billard».

L’hôtel disposait aussi d’une lumière électrique, de grandes terrasses, un kiosque et un terrain de tennis sur gazon. Clandermond et MacCarthy avaient affirmé que l’hôtel ressemblait à un club britannique. Il «a été aménagé dans le style d’un club exclusif d’Indian Hill Station», avaient-ils écrit.

«Son salon était vanté de nombreux canapés recouverts de coussins confortables et rembourrés, des tables d’appoint octogonales islamiques en bois de rose, richement incrustées de motifs géométriques complexes en ivoire ou en os, de lampes suspendues en laiton émaillé et de murs décorés de sabres et de riffs croisés.»

Andrew Clandermond et Terence MacCarthy

L’architecture magnifique et la décoration intérieure de l’hôtel Cecil attiraient surtout des riches européens et des personnalités. En effet, le Cecil était, à son époque, l’un des meilleurs hôtels de la ville du Détroit et avait acquis tant de prestige en raison de sa clientèle inattendue. Cet hôtel était un repère et un lieu de prédilection pour les expatriés, les familles royales européennes, les diplomates et les personnalités politiques en visite à Tanger.

Un salon de l’hôtel Cecil. / Ph. DR

Henri d’Orléans, Winston Churchill ou encore Walter Harris

Le prince Henri d’Orléans, qui était «le fils de H.R.H. Le prince Louis Philippe, duc d’Orléans et petit-fils de Sa Majesté le roi Louis-Philippe Ier de France» a, en effet, séjourné dans cet hôtel, un an après son inauguration. Une visite qui marquera un tournant pour Hôtel Cecil, qui deviendra une destination royale. En 1907, la princesse Margaret Mathilde de Saxe a réservé une suite dans l’hôtel tangérois, avait rapporté Al-Maghreb Al Aksa. Et d’autres responsables avaient suivi les traces du Prince Henri d’Orléans et de la princesse Margaret.

Les archives de l’établissement tangérois, publiées par les deux historiens, montrent que Winston Churchill, le prince Charles Murat, la princesse Schronburg et R. B. Cunnighame-Graham avaient aussi séjourné à l’hôtel Cecil.

L’hôtel a été construit en 1865. / Ph. DR

En dépit de sa réputation et de son prestige, l’hôtel a été aussi le théâtre d’évènements étranges et exceptionnels. Selon la même source, l’hôtel Cecil aurait été un refuge pour le journaliste du Times, Walter Harris. Ce dernier et après avoir été relâché par des hommes de Moulay Ahmed Raissouni, aurait «abandonné sa villa isolée au profit d’une suite à l’hôtel Cecil».

De plus, à cause de sa clientèle riche, l’établissement hôtelier avait même été accusé d’être une plateforme importante pour «la franc-maçonnerie au Maroc», indiquait un article d’Al-Maghreb Al Aksa, cité par les deux historiens. Le journal rapportait cette information le 23 août 1902.

Hélas, l’hôtel Cecil avait fini par tomber en disgrâce au fil des ans. «Tragiquement, ce qui était autrefois l’une des grandes institutions de Tanger avait connu un déclin prolongé», ont déclaré Clandermond et MacCarthy. Mais il semblerait que les prières des deux historiens et la mobilisation des défenseurs tangérois du patrimoine auraient finalement été entendues.


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