Casablanca. 16 mai 2003 : 20 ans après

Trente trois victimes et une centaine de blessés. 45 morts si l’on compte les terroristes auteurs des attentats-suicides. Ce jour-là n’est pas à oublier. Y faire face efficacement, mais aussi objectivement et patiemment, c’est déraciner la haine aveugle qui nourrit de pareils actes.

La fin du 20ème siècle, qui a annoncé le début d’un nouveau millénaire, a été marquée par la fin de systèmes politiques en Europe de l’Est et l’implosion de l’URSS. Les systèmes bureaucratiques autoritaires à « emballage socialiste » ne tenaient plus. Pour autant, ce n’était nullement la « fin de l’Histoire », comme le claironnait un certain Francis Fukuyama. Au même moment, un grand souffle de démocratie et des droits humains se propageait sur le monde. L’espoir renaissait avec le mouvement altermondialiste, ouvrant de nouvelles perspectives de justice sociale, de liberté et de lutte contre le réchauffement climatique. La fin de la « guerre froide » devait, en principe, permettre aux Etats de réorienter leurs ressources vers l’amélioration des conditions humaines dans le monde, vers la protection de l’environnement et donc vers la paix. Mais, un « 11 septembre » était au rendez-vous. Et, avec la « guerre des civilisations », un certain Samuel Huntington prit la relève. Le « terrorisme international » remplaça le concept de « guerre froide » pour ressusciter le sentiment d’insécurité et justifier la continuité des dépenses dans l’« industrie de la mort ». Ainsi, après le « printemps mondial » au cours duquel le monde assista à la chute de nombreuses dictatures, notamment en Europe de l’Est, mais aussi en Amérique Latine, sans oublier la fin du régime d’apartheid en Afrique du Sud, la violence armée reprit pour embraser plusieurs régions, en particulier au Proche et au Moyen-Orient.

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A cette époque, le Royaume du Maroc vivait son propre printemps, à sa manière. Un processus de réconciliation fut entamé, avec notamment le « rapport du cinquantenaire », la création de l’Instance Equité et Réconciliation (IER), la lutte contre la pauvreté, un nouveau code de la famille, un statut d’autonomie régionale avancée pour les provinces du Sud du Royaume (…). Mais le « monstre » guettait d’un mauvais œil cette évolution. Le terrain propice de la pauvreté lui facilita la tâche. La « haine » est comme ce feu qui se propage facilement dans les zones longtemps asséchées (humainement). Comme l’a si bien décrit Mahi Bine Bine, dans « Les Etoiles de Sidi Moumen », repris par Nabil Ayouch dans le film «  Les Chevaux de Dieu », la misère est le meilleur terreau où la haine aveugle trouve sa substance première et se développe à merveille. Les douze auteurs directs des attentats du 16 mai 2003 sont tous originaires du bidonville de Sidi Moumen. Un bidonville qui a vu le jour pendant la période coloniale et qui continua à être alimenté, après l’indépendance, par les flux de l’exode rural. Certes, la relation entre misère et violence aveugle n’est pas mécanique. Néanmoins, la première conditionne et nourrit la seconde. Aussi, si la répression pénale du terrorisme est indispensable pour être plus efficace, elle doit nécessairement être articulée à un mode d’action plus global pour s’attaquer aux conditions sociales, morales, psychologiques (…).

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En mettant fin aux bidonvilles, en priorisant des politiques publiques favorables au développement de l’éducation, à la formation qualifiée, à l’emploi, aux loisirs, aux sports, à la culture (…), le phénomène du terrorisme peut être vaincu dans ses racines. Mieux, le coup fatal à ce phénomène ne peut être porté qu’à travers un réel processus de démocratisation, comme « antidote » contre toutes les tendances extrêmes pouvant nourrir la violence aveugle.

     


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