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Hamid Bentahar : « Pour multiplier la croissance par 5, il faut multiplier les moyens par 5 »

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Au lendemain de la première saison estivale post-Covid, Hamid Bentahar, président de la Confédération nationale du tourisme dresse un bilan de la relance du secteur et apporte les éléments de réponse concernant les moyens qui permettraient que cette reprise soit renforcée et pérenne.

Challenge : Comment se porte le secteur du tourisme au Maroc aujourd’hui ? A-t-il réussi à retrouver sa vitesse de croisière et à récupérer ses parts de marché d’avant pandémie ?

Hamid Bentahar : Le tourisme revient en force partout dans le monde. La reprise vigoureuse du secteur a repris dès l’ouverture des frontières. Au Maroc, les voyages s’accélèrent à un rythme très encourageant. Nous enregistrons tout d’abord une reprise indéniable du tourisme interne qui a un taux de récupération de 93% sur la période de janvier à juillet 2022. Nous pouvons d’ores et déjà dire que nous terminerons l’année au même niveau qu’en 2019. Pour l’international, le taux de récupération sur l’été est bon. Par contre, sur le cumul, nous ne sommes qu’à la moitié du chemin.

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Les résultats sont impactés bien évidemment par les premiers mois de l’année où nos frontières étaient fermées. Le potentiel est donc loin d’être optimisé. Nous demeurons optimistes, mais prudents car certaines régions comme Ouarzazate, Fès ou encore Meknès… n’ont pas bénéficié de la relance de la période estivale.

Challenge : Quelle est la position des professionnels du tourisme par rapport à la feuille de route annoncée par le ministère avec comme ambition de doubler le nombre d’arrivées d’ici 2030 ?

Nous sommes au début du processus pour la co-construction de la feuille de route qui doit confirmer avec une approche pragmatique, concentrée et concertée, les hypothèses et confirmer les modalités d’exécution et les moyens financiers pour y arriver. Concrètement, si nous voulons multiplier par 5 le taux de croissance historique, nous devons multiplier au moins par 5 les moyens pour concrétiser cette feuille de route. C’est mathématique. Quand je parle de moyens, il s’agit des moyens pour renforcer la connectivité aérienne et maritime, les moyens pour aligner l’offre à la demande nationale et internationale, les moyens pour stimuler les investissements publics comme privés autour des produits et filières prioritaires comme l’animation ou encore l’écotourisme.

Challenge : Le ministère de tutelle a insisté sur la nécessité de changer le paradigme de gouvernance du secteur, en intégrant un partenariat public-privé fort et des relais au niveau territorial. Ce partenariat a-t-il déjà commencé ?

Effectivement, si nous voulons changer le résultat, nous devons changer la méthode avec un changement de paradigme complet de la gouvernance du secteur. La CNT et la CGEM, dans le cadre du livre blanc, ont déjà fait des propositions à ce sujet. Nous avons besoin d’une task-force public-privé interministérielle portée au niveau de l’exécutif. Une synchronisation territoriale avec un partenariat fort public-privé dans toutes les régions est une priorité. Le secteur du tourisme nécessite une mobilisation générale non seulement du ministère de tutelle mais également du ministère du Transport, de l’Intérieur, de la Culture, de l’Education – Des sujets comme la formation, nous ne pouvons y arriver qu’avec le ministère de l’Education.

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Pour le tourisme sportif, nous avons besoin du ministère de la Jeunesse et des Sport etc. Nous avons besoin d’une coordination avec le plus grand nombre de départements pour développer les réservoirs de croissance. Au niveau régional, il est primordial de renforcer la coordination avec les élus et les autorités locales pour stimuler les opportunités d’emplois et d’investissement. Nous ne le disons pas assez, ils jouent un rôle très important, voire essentiel pour accélérer le rythme de croissance.

Challenge : Vous avez justement tenu des ateliers et des séances de travail avec le ministère de tutelle et l’Office national marocain du tourisme, entre autres, comment se sont déroulées ces rencontres dont le but, j’imagine, est d’élaborer des plans d’action de manière conjointe?

Nous avons des rencontres régulières avec le département de tutelle, ainsi qu’avec l’ONMT pour mettre en place les actions qui s’imposent pour le secteur. Les professionnels, tous métiers et toutes régions confondues sont des forces de propositions exceptionnelles. En étant sur le terrain et avec l’expérience des années, ils sont au cœur de l’action et maitrisent le secteur en étant en contact permanent avec les clients et les prescripteurs de voyage nationaux et internationaux. Leur voix doit être entendue.

Challenge : Pensez-vous que ces ambitions et les chiffres annoncés par le ministère soient réalisables, au vu du déroulement de cette saison et de la dynamique de reprise avec les moyens et les leviers dont nous disposons actuellement ?

Avec les moyens actuels, la réponse est bien évidemment non. Si nous voulons provoquer une rupture dans le rythme de croissance, de création d’emplois et de génération de devises, nous devons, je le répète, avoir les moyens de nos ambitions. Si nous voulons multiplier la croissance par 4 ou 5, nous devons d’abord multiplier par 4 ou 5 les moyens. Nous devons également capitaliser sur la vision royale qui a fait du Maroc un champion national et continental, mais aussi capitaliser sur tous les investissements déjà réalisés.

Challenge : Quelles sont les priorités et les mécanismes à mettre en place pour concrétiser cette vision et redimensionner le tourisme marocain ? Quel est selon vous aujourd’hui, le principal levier ?

Le principal levier est indéniablement l’aérien. Avec un effort massif sur le développement de l’aérien, nous assurerons une augmentation de l’activité de tous les acteurs du tourisme directs et indirects. Il y a les hôteliers, les restaurateurs, les agences, les transporteurs mais aussi les chauffeurs de taxis, les cafés, les artisans, les fournisseurs… La chaine de valeur est importante pour une meilleure rentabilité des investissements, une croissance des opportunités d’emplois, des recettes en devises etc. Nous devons travailler non seulement sur l’augmentation de la capacité, mais également sur la multiplication des liaisons.

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Challenge : Qu’en est-il des stratégies de séduction pour vendre la destination Maroc? Notre pays et l’ONMT ont fait beaucoup d’efforts dans ce sens, en témoigne la dernière campagne « Terre de lumière ».

Vous avez raison de le souligner, l’ONMT fait un travail formidable. Grâce à l’Office et les études qu’il a effectuées, nous avons une meilleure connaissance de l’évolution des attentes et des tendances de voyages marché par marché. Le Maroc est également revenu en force dans le monde entier grâce à la campagne remarquable « Terre de lumière » déployée pour la première fois simultanément dans 19 pays. C’est une prouesse.

Challenge : Vous avez déclaré que « Le temps du tourisme est arrivé », après les traumatismes et les chocs de la pandémie, pouvez-vous nous en dire plus ?

Le moment est venu de réaliser l’énorme potentiel du tourisme. La reprise rapide et puissante du secteur partout dans le monde n’est que la conséquence de cette envie de « RevengeTravel ». Il y a une prise de conscience du besoin de voyager depuis la crise comme un élément vital pour chacun. Voyager c’est changer d’air, c’est partager, c’est s’ouvrir sur les autres. Nous avons la chance de vivre dans un pays aux multiples facettes qui a le potentiel d’offrir aux touristes tout cela à la fois. Nous pouvons en être fiers. Nous devons à présent nous outiller pour que notre secteur puisse tirer les bénéfices de tout son potentiel.

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Challenge : Pour finir, pensez-vous au lendemain de cette crise mondiale que nous pouvons être optimistes pour le secteur du tourisme marocain, pour toute cette industrie et pour les 500.000 employés directs qu’elle absorbe ?

Nous devons être optimistes mais prudents. Nous devons rester vigilants, regarder les performances marché par marché et destination par destination, pour ne laisser personne sur le bas-côté.  Les perspectives sont globalement positives, mais nous devons doubler d’efforts pour une relance équitable des régions et des métiers du tourisme. Et nous devons absolument mettre les moyens nécessaires à la hauteur de l’ambition affichée. C’est notre challenge à tous, à présent, public et privé, pour une relance équitable, responsable et durable.


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