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Implications pour le Maroc et ajustements politiques nécessaires (Suite)

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Le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) de l’Union Européenne représente l’une des composantes d’un cadre complexe de politiques et de mesures visant à atteindre l’objectif européen de neutralité carbone d’ici 2050. 

Une analyse signé Par Veronika Ertl, Dr. Lahcen Haddad et Ayoub Touati, s’intéresse, en particulier, à l’impact de CBAM sur l’économie marocaine.

Options de réponse pour le Maroc

A la lumière des impacts potentiels de CBAM sur l’économie marocaine, plusieurs options pour répondre au nouveau mécanisme ont été suggérées par les experts et les intervenants. 

Une réponse possible est d’adopter des politiques climatiques plus strictes pour minimiser les effets du CBAM sur les exportateurs marocains. L’idée consiste à augmenter les investissements dans les énergies renouvelables et les technologies à haut rendement énergétique afin de réduire les émissions de carbone intégrées dans les produits d’exportation.

En outre, il convient d’étudier la possibilité de mettre en œuvre ses propres mécanismes de tarification du carbone, en utilisant un contrôle rigoureux et un suivi objectif, facilement reconnus par les partenaires de l’UE comme équivalents, ce qui pourrait aider à prévenir des taxes supplémentaires par le biais du CBAM.

Le Maroc pourrait également faire part à l’UE de ses préoccupations concernant des aspects spécifiques du CBAM et suggérer des adaptations qui tiennent compte des défis auxquels sont confrontés les pays du Sud. Les experts soulignent le concept de responsabilité commune mais différenciée (CBDR), un aspect important dans ce contexte qui devrait ouvrir la possibilité de fournir un soutien financier aux pays en développement pour qu’ils investissent dans l’adaptation au CBAM.

Des pays comme le Maroc pourraient également négocier une exemption ou un taux réduit pour les exportations marocaines vers l’UE ou, du moins, une adaptation progressive qui laisserait plus de temps que ce qui est prévu dans le CBAM – tant que ces adaptations ne menacent pas la compatibilité du CBAM avec les règles de l’OMC.

Des efforts diplomatiques devraient être déployés pour convaincre l’UE de reconnaître les efforts avancés du Maroc pour réduire ses émissions de carbone et pour soutenir la transition du pays vers une économie à faible émission de carbone. En outre, le Maroc pourrait également négocier des accords bilatéraux avec l’UE afin de promouvoir le commerce de produits et de services à faible teneur en carbone.

D’autre part, le Maroc pourrait diversifier ses marchés d’exportation au-delà de l’UE en augmentant ses exportations vers d’autres régions, telles que l’Afrique, les Amériques, le Moyen-Orient et l’Asie. Une politique de diversification réduirait la dépendance du Maroc à l’égard du marché de l’UE et offrirait au pays la possibilité de promouvoir ses produits et services à faible teneur en carbone sur de nouveaux marchés. Une telle réponse ne devrait toutefois pas se faire au détriment d’efforts concertés visant à réduire l’intensité en carbone des industries marocaines.

Recommandations concrètes 

Au-delà des lignes directrices générales sur la façon de répondre au CBAM – et compte tenu de la réalité du CBAM qui entrera en vigueur en octobre 2023 – ce document vise également à fournir des recommandations politiques concrètes pour le Maroc sur la façon de se préparer et de s’adapter au CBAM. Étant donné que le CBAM doit être considéré comme un élément d’un ensemble plus large visant à la décarbonisation, les décideur-ices politiques marocains devraient réévaluer les stratégies de décarbonisation existantes, en particulier dans les secteurs affectés par le CBAM, mais aussi au-delà.

Les stratégies existantes devraient être mises à jour et recalibrées en vue des nouveaux défis posés par le CBAM et d’une accélération globale des efforts de décarbonisation, estiment les auteurs qui sont respectivement Directrice du KAS – REMENA, président de la Commission parlementaire mixte Maroc-UE, et Chargé de projet et de communication au KAS – REMENA. 

Développer et mettre en œuvre des politiques ciblées pour soutenir les secteurs susceptibles d’être affectés par le CBAM : Les décideurs politiques au Maroc devraient prendre en compte l’impact potentiel du CBAM sur des industries telles que la production de ciment, d’acier et d’engrais, qui seront directement affectées. Alors que les industries liées aux phosphates passeront par un processus d’ »écologisation », les décideurs politiques devraient utiliser le même modèle pour développer et mettre en œuvre des politiques ciblées pour soutenir les autres secteurs, y compris des mesures visant à améliorer l’efficacité énergétique et à réduire les émissions de gaz à effet de serre grâce à l’utilisation de sources d’énergie renouvelables. Les systèmes de certification et de suivi nécessaires devraient également être mis en place et soutenus. 

Élaborer une feuille de route pour la décarbonisation des secteurs cruciaux : Les décideurs politiques devraient élaborer une feuille de route complète pour la décarbonisation des secteurs cruciaux, même s’ils ne sont pas directement touchés par le CBAM, tels que l’énergie, l’agriculture, les transports, les industries extractives et autres. La feuille de route devrait inclure des objectifs clairs, des calendriers et des mesures politiques spécifiques pour atteindre ces objectifs.

Renforcer le cadre réglementaire pour soutenir la décarbonisation des secteurs clés : Afin de permettre un processus de décarbonisation accéléré, les décideurs politiques devraient réviser et renforcer le cadre réglementaire, afin de mettre en place des incitations et de fournir une sécurité juridique et une visibilité aux entreprises. Des aspects tels que la promotion du développement des énergies renouvelables, l’amélioration de l’efficacité énergétique et la mise en œuvre de pratiques durables d’utilisation des sols devraient être pris en compte.

Promouvoir les efforts de renforcement des capacités pour soutenir la transition vers une économie à faibles émissions de carbone : Les décideurs politiques devraient promouvoir les efforts de renforcement des capacités pour soutenir la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. La formation et l’éducation des travailleurs dans les secteurs clés, la promotion de la recherche et du développement de nouvelles technologies et leur adaptation aux industries, ainsi que l’amélioration des systèmes de certification, de contrôle et d’information pour suivre les progrès accomplis sont quelques-unes des initiatives qui pourraient être prises.

Favoriser les approches innovantes de la décarbonisation : Outre les mesures plus traditionnelles, les décideurs politiques marocains devraient également explorer des idées novatrices pour la décarbonisation, telles que la coopération entre les industries et les agriculteurs pour séquestrer le CO2 et vendre des crédits de carbone, ainsi que créer les cadres réglementaires nécessaires pour de telles collaborations novatrices.

Tirer parti du secteur des énergies renouvelables : Le Maroc occupe une position forte dans le secteur des énergies renouvelables, qui peut être exploité pour stimuler les exportations du pays en réduisant l’empreinte carbone de la production industrielle. Les décideurs politiques devraient donc continuer à encourager le développement des énergies renouvelables – à la fois en vue d’une utilisation domestique et dans le but de transformer le Maroc d’un importateur de combustibles fossiles en un exportateur d’énergies renouvelables. Ils devraient également prendre les mesures nécessaires (législatives, réglementaires et techniques) pour permettre à toutes les entreprises d’utiliser les énergies renouvelables. 

Investir dans l’efficacité énergétique : Le gouvernement marocain devrait intensifier ses efforts pour aider les entreprises à améliorer leur efficacité énergétique. Réduire l’empreinte carbone tout en restant compétitif (l’argument commercial en faveur de la durabilité), et en même temps contribuer aux ambitions plus larges du Maroc en matière d’efficacité énergétique et d’approvisionnement en énergie durable est une approche prometteuse dans ce sens. 

Renforcer les partenariats avec l’UE pour accélérer les efforts de décarbonisation : Les décideurs politiques au Maroc devraient s’engager avec leurs homologues de l’UE pour renforcer et approfondir les partenariats soutenant la décarbonisation de l’économie. Cet engagement pourrait inclure le partage des connaissances et des meilleures pratiques, le développement de projets et d’initiatives communs, ainsi qu’un soutien financier pour les mesures d’efficacité énergétique. Un autre domaine dans lequel le soutien financier de l’UE pourrait aider le Maroc est la rénovation de son infrastructure énergétique afin de minimiser les pertes d’énergie et d’adapter les réseaux à l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables. 

Utiliser le CBAM comme une opportunité de communication politique positive autour de la décarbonisation : Un effort de décarbonisation holistique au Maroc nécessite l’adhésion de toutes les parties prenantes nécessaires. C’est pourquoi les décideurs politiques, dans leur communication autour du CBAM et de la décarbonisation, devraient mettre l’accent sur le potentiel commercial présenté par le CBAM et sur la manière dont il peut aider l’économie marocaine à accélérer sa transition vers une économie à faible émission de carbone.

L’argumentaire en faveur de la décarbonisation doit être étayé par des arguments économiques solides. D’un point de vue plus large, l’adaptation au CBAM peut donc être considérée comme un soutien aux ambitions climatiques et à la réputation internationale du pays, ainsi qu’à la compétitivité de son économie. Compte tenu de ces avantages potentiels, les avancées en matière de décarbonisation devraient être présentées comme étant véritablement dans l’intérêt du Maroc, afin qu’il reste un acteur économique et politique fort sur la scène mondiale.

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