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La bataille de Bougafer ou la résistance acharnée des Ait Atta contre les forces coloniales

La bataille de Bougafer, également connue sous le nom de «bataille de Saghro», est l’un des affrontements les plus féroces des combattants marocains contre les forces coloniales françaises. L’intervention militaire française avait certes débuté le 13 février, mais les ambitions du Protectorat ne datait pas de 1933. Les combattants marocains, issus des tribus d’Ait Atta, s’étaient montrés beaucoup plus combatifs que prévu. Leur détermination leur a valu une résistance qui a duré plus de quarante jours face à 83 000 soldats français soutenus par 44 avions militaires. Mais avant de contextualiser cette bataille, il est impératif de rappeler, ne serait-ce que brièvement, l’histoire de la famille Oubasslam. Originaire de la tribu amazighe montagnarde du Saghro des Ait Atta, elle a joué un rôle central contre l’occupation française au début du XXe siècle.

Assou Oubasslam ou l’histoire d’un leader spécial amazigh

C’est à 20 km de Tinghir, dans la circonscription de Tafraout, qu’Issa Ou Ali N’Ait Baslam, alias Assou Oubasslam, voit le jour en 1860. A 29 ans, grâce à ses multiples qualités humaines et militaires, il succède à son père Ali Oubasslam à la tête de sa tribu et décroche le titre d’Amghar. Dans son ouvrage «Henry De Bournazel» (édition Plon, 1939), le romancier et historien français Henri Bordeaux le qualifie «d’homme au beau visage grave, au corps maigre et musclé, impassible et indifférent d’apparence, mais fier et plein de dignité, et qui imposait la confiance». L’homme amazigh est aussi un militaire rusé qui a su profiter de la situation géographique et politique de sa région pour mettre en place des stratagèmes indéfectibles pour résister à l’occupation.

Dès 1919, il commence à réunir des armes à feu, volées des soldats français, acquises par le biais des tribus pacifiées ou encore fabriquées localement par ses combattants. D’ailleurs, cette année était aussi marquée par une première intervention militaire dans la région, menée par le Pacha de Marrakech, Thami El Glaoui dans la haute vallée du Dadès.

Entre 1920 et 1930, Assou Oubasslam intente à travers des guérillas ses premières provocations destinées aux forces coloniales. Celles-ci provoqueront la colère du général Hubert Lyautey qui aurait, à en croire le cinquième volume des «Mémoires du patrimoine marocain» (Edition Nord Organisation, 1985), augmenté les financements destinés à pacifier les tribus de cette région. Une mission loin d’être du pain béni pour les forces françaises ; c’est que Jbel Saghro est un sommet qui culmine à 2 712 m d’altitude…

Plusieurs tentatives vouées à l’échec

Située à moins de 100 km au sud du Haut Atlas central, dominant les vallées du Draâ et du Dadès, la zone est sous la responsabilité du général Georges Catroux. Ce dernier, après avoir tenté à maintes reprises de s’emparer de Bougafer, finit par faire appel à des renforts. Une première tentative a donc eu lieu plusieurs mois avant le 13 février de l’année 1933, marquée par un échec décevant des forces coloniales. Plusieurs bataillons français s’étaient alors penchés sur la préparation d’un plan d’intervention pour soumettre les tribus d’Ait Atta et contrôler Bougafer.

Le plan suggérait d’attaquer la zone par plusieurs points, notamment le sud-est, vers Marrakech et l’ouest, au niveau de la frontière avec l’Algérie française. Quatre colonnes, divisées en deux groupes, ont été placées sous le commandement des généraux Catroux et Giraud. Les colonnes des colonels-lieutenants Tarrit et Despas se dressent côté Est, tandis que l’Ouest accueille celle de Chardon et de Spillmann. Toutes les quatre devaient converger vers Bougafer. Un bombardement de la région était aussi prévu, puis finalement abandonné compte tenu de la géographie de la région. Les forces coloniales avaient alors mobilisé 83 000 soldats et 44 avions militaires pour attaquer 1 200 combattants d’Ait Atta, soutenus par des femmes et des enfants.

L’offensive militaire est donc lancée lundi 13 février 1933. Près de 14 jours après, les Français, surpris par la force et la détermination de l’adversaire, décident alors de mandater un émissaire pour négocier une trêve et rencontrer Assou Oubasslam. Mais ce dernier refuse même de rencontrer l’émissaire, provoquant ainsi la colère des colonels qui déploient encore plus de moyens pour soumettre les combattants.

Des résistants amazighs d’Ait Atta. / Ph. Zamane

Une trêve négociée après 42 jours de résistance

Sur cette partie de la bataille, le militaire et écrivain français Georges Spillman, cité dans les «Mémoires du patrimoine marocain», indique que «plusieurs assauts furent lancés contre cette forteresse naturelle, venant de l’est et de l’ouest». «Ils furent tous repoussés de façon sanglante. Nous y perdîmes quatre officiers tués du côté de Marrakech et six officiers tués du côté des confins algéro-marocains, dont hélas ! Mon ami le capitaine de Lespinasse de Bournazel, héros légendaire du Maroc», écrivait-il.

Un carnage a donc eu lieu, encerclant Bougafer. Face à la fatigue, la fin et les blessures, et après une énième attaque le 28 février, les Amazighs maintiennent leur résistance après ce sévère blocus, avant que certains d’entre eux finissent par trahir la cause. C’est alors que le virus de typhus, transmis par les animaux morts et les cadavres des combattants, commence à contaminer ceux encore en vie.

Après 42 jours de résistance, Assou Oubasslam est alors contraint à négocier. Il descend de sa montagne non pas pour se rendre, mais pour sauver ce qui reste des Ait Atta. Le 25 mars 1933, la vie de 3 000 combattants marocains est sauvée après le décès de 1 300 Amazighs d’Ait Atta, contre 3 500 soldats français.

Une rencontre entre le Général Huré et Assou Oubasslam de la tribu Aït Atta en 1933, annonçant la fin de la bataille de Bougafer, dans le Saghro. / Ph. «Mémoires du patrimoine marocain»

 «Que Dieu bénisse les martyrs et leur pardonnera leurs péchés. Nous avons été créés d’argile sèche et nous y retournons. Espérons que Dieu célébrera cette mémoire dans le cœur de nos enfants», aurait-il dit avant de s’adresser aux forces de l’occupation. Jbel Saghro venait tout juste de rendre ses armes et de se soumettre à l’occupation coloniale. La résistance, elle, n’en était qu’à ses balbutiements.

Promu caïd en 1939 après sa soumission au général Giraud, Assou Oubasslam garda cette fonction jusqu’à sa mort en 1960.


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