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La traversée de l’Atlantique depuis le Maroc à bord d’un bateau en papyrus

Dans les années 1970, Thor Heyerdahl (1914-2002), explorateur norvégien des plus célèbres de l’histoire, choisit le Maroc pour lancer une expédition. Il tente ainsi, à deux reprises, de regagner la Barbade à partir du Maroc, à bord d’un bateau en papyrus. Si sa première expédition échoue à des kilomètres de la terre ferme, la deuxième sera une réussite.

Nous sommes en 1969, Heyerdahl, voulant prouver une théorie selon laquelle «les civilisations de deux côtés de l’Atlantique auraient pu avoir un contact à l’aide de bateaux» fait construire un bateau de papyrus qu’il baptisera Ra, en allusion au dieu solaire égyptien. «Construit devant la pyramide de Khéops en Égypte, le bateau est transporté jusqu’à la ville côtière de Safi au Maroc, où il fut mis à l’eau», raconte le musée Kon-Tiki d’Oslo sur son site.

Un équipage de sept hommes, tous de nationalités différentes, est alors formé pour accompagner l’explorateur, qui voulait aussi «démontrer qu’un groupe aussi hétérogène pouvait travailler ensemble dans des conditions difficiles et stressantes». L’équipage était composé, en plus de Heyerdahl, de Norman Baker (États-Unis), Carlo Mauri (Italie), Yuri A. Senkevich (Russie), Santiago Genoves (Mexique), Georges Sourial (Egypte) et Abdullah Djibrine (Tchad).

Après un départ depuis Safi le 25 mai 1969, Ra I réussit, cette année-là, à parcourir 5 000 kilomètres en huit semaines, mais l’expédition est abandonnée, car «le papyrus prenait l’eau, et Heyerdahl craignit que Ra ne sombre avec tout son équipage».

Dix mois plus tard, le Norvégien est plus que jamais déterminé à aller jusqu’au bout. Il fait ainsi appel à des indiens pour construire Ra II, bateau en papyrus, plus court que son frère aîné, mais d’une construction plus solide. Thor Heyerdahl convoque ainsi le même équipage, en plus du Japonais Kei Ohara. Encore une fois, Safi est choisie comme point de départ de l’expédition.

L’équipage à bord du navire Ra 1. / Ph. kon-tiki.no

Une deuxième aventure depuis Safi

Après six semaines de construction, le bateau est fin prêt. Il traverse ainsi la ville à bord d’un camion, devant les Mesfious, tel un pharaon marchant devant les yeux de ses sujets. Mais à la dernière minute, un Tchadien Abdullah Djibrine quitte l’équipage pour des raisons familiales. Le Norvégien devait ainsi trouver un remplaçant. C’est alors que le Marocain Madani Ait Ouhanni, originaire de Marrakech, est choisi comme nouveau membre.

«J’étais directeur de l’Hôtel Atlantic à Safi. Heureusement pour moi, ils étaient hébergés dans cet établissement. Je les avais connus lors de la première expédition», confie-t-il dans une émission de la série Amouddou.

«Il est venu me demander si je voulais partir avec eux. Pour moi, le Maroc devait prendre part à ce genre d’expédition. J’ai donc donné mon OK, et je suis devenu le 8ème membre de l’équipage.»

Madani Ait Ouhanni

Ainsi, le départ se fera dimanche 17 mai 1970. «C’était à 8h20 exactement. 70% des habitants de Safi étaient descendus vers le port. Les bateaux de pêche étaient préparés à nous accompagner» à quelques miles de la côte, se remémore le Marocain. Un singe, nommé Safi et une oie nommée Sinbad accompagnaient aussi l’équipage.

L'équipage de Ra II. / Ph. kon-tiki.noL’équipage de Ra II. / Ph. kon-tiki.no

Après le départ, le navire en papyrus Ra II lorgnera les côtes marocaines jusqu’au nord d’Agadir avant de s’aventurer dans l’océan ténébreux. Il navigue près de 6 100 kilomètres du Maroc à l’île de la Barbade dans les Caraïbes, en 57 jours, non sans incidents. Il acostera le 12 juillet 1970 dans cet Etat insulaire. 

«A l’approche de la terre ferme, la femme de l’explorateur et sa fille, à bord d’un navire, rencontreront Ra II à quelques kilomètres de la Barbade. L’accueil a été très chaleureux puis nous sommes ensuite partis à New York pour un déjeuner en notre honneur», raconte Madani Ait Ouhanni.

Après son retour au Maroc, il recevra des hommages et des distinctions, dont un Wissam et une audience accordée par le roi Hassan II, après avoir pris part dans l’une des expéditions des plus suivies sur la planète.

Une double mission couronnée de succès pour Ra II

Ra II mènera sa double mission anthropologique et environnementale avec succès. D’un côté, les «anthropologues du monde entier se virent obligés de rejeter l’ancien dogme selon lequel il n’y avait pas pu avoir de contact entre les nations méditerranéennes et les nations d’Amérique du Sud et Centrale avant que Christophe Colomb ne découvre ce continent», affirme le musée Kon-Tiki.

De plus, Ra II permettra de mettre l’accent sur la pollution des océans, déjà abordée lors de l’expédition Ra I. «Durant la traversée avec Ra, l’équipage se rendit compte que l’océan Atlantique était pollué – ils trouvèrent des flaques de pétrole plus ou moins étendues à la surface de l’océan», raconte-t-on. C’est grâce à cela que l’ONU accordera son flag au navire Ra II, demandant à son équipage de faire des observations quotidiennes de la pollution de l’océan. «Des résidus de pétrole furent observés 43 des 57 jours que dura la traversée», est-il rapporté. «Au cours des années 1970, Thor Heyerdahl a été l’une des personnes les plus importantes et les plus franches pour la prise de conscience du rôle mondial vital de la mer, contribuant à faire comprendre aux gens que les océans du monde sont un seul système interconnecté», relate un document de l’UNESCO.

Madani Ait Ouhanni, le seul marocain de l'équipage de Ra II. / DRMadani Ait Ouhanni, le seul marocain de l’équipage de Ra II. / DR

Le rapport élaboré par Heyerdahl sera l’un des éléments «sur lesquels se fondent les efforts considérables déployés par la communauté internationale pour améliorer l’état des océans du monde après un symposium organisé par l’ONU en 1972», à Stockholm, ajoute-t-on.

Après l’expédition, Thor Heyerdah publie un livre sur ses deux expéditions Ra. Un hommage au Norvégien, son équipage et son expédition a eu lieu le 30 septembre 2005 dans la ville de Safi où un mémorial porte leurs noms. Le navire Ra II se trouve, depuis, au Musée Kon-Tiki d’Oslo, en Norvège. 


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