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Le dessalement de l’eau au Maroc, une option mais pas la solution

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Alors que le Maroc vit sa sécheresse la plus dure de ces quarante dernières années, 2022 risque de boucler la quatrième année où le pays aura vécu peu de jours pluvieux. La situation exacerbe le stress hydrique déjà installé, poussant à la prise de décisions sur la rationalisation des ressources potables, ou encore sur l’usage de l’eau dans l’agriculture. Le royaume est également membre parmi les 17 pays du Centre régional pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique (RCREEE), basé au Caire (Egypte). Cette organisation intergouvernementale est dotée d’un statut diplomatique, dans le cadre d’actions couvrant la région arabe, pour repenser plus globalement le défi de l’eau, dans une logique de développement durable.

Marocain installé au Caire, Jauad El Kharraz est le directeur exécutif de cette institution technique officielle de la Ligue des Etats arabes. Selon lui, la situation au Maroc nécessite d’«investir dans toutes les options possibles en même temps, surtout que le dessalement, en débat actuellement, nécessite un temps de préparation de l’infrastructure et du démarrage». «Dans des situations d’urgence, il est important de recourir d’abord aux solutions les moins coûteuses, comme le traitement avancé des eaux usées, la régularisation effective de l’usage des eaux superficielles et souterraines, en privilégiant la gestion de la demande à la gestion de l’offre», a-t-il déclaré à Yabiladi.

Docteur en télédétection spatiale à l’Université de Valence (Espagne), Jauad El Kharraz travaille sur cette thématique dans le cadre du nexus eau, énergie, agriculture. Selon lui, les outils de la télédétection spatiale appliqués au domaine de l’eau permettront au Maroc de «savoir exactement combien d’eau peut-on utiliser pour quelles plantations et quelles cultures». «C’est important, surtout lorsqu’on sait qu’au Maroc, près de 88% de l’eau utilisée est destinée à l’activité agricole. Nous avons une marge de manœuvre importante pour améliorer l’efficacité de chaque goutte, pour que ce secteur ne soit plus gourmand en eau à ce point», nous a-t-il déclaré.

Innover dans les technologies durables pour la gestion des ressources hydriques

Il y a une semaine, Jauad El Kharraz a fait partie des signataires de la Déclaration de Benguérir pour la gestion de l’eau, à l’issue d’une journée d’étude sous l’égide du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger et de l’Université Mohammed VI polytechnique. Ancien chercheur au Système euroméditerranéen de l’information dans le domaine de l’eau (SEMIDE) en France, il estime auprès de Yabiladi que la mise en place d’un système national d’information sur l’eau permet de «gérer cette ressource en ayant des données précises, collectées de manière continue».

Au sein du Centre de recherche sur le dessalement au Moyen-Orient (MEDRC) au Sultanat d’Oman, le spécialiste a également développé ses recherches sur les technologies du dessalement de l’eau à usage potable et agricole, de façon à cette option repose sur une technologie durable et utilise de plus en plus les énergies renouvelables, pour alimenter les stations de dessalement, au lieu d’utiliser des énergies polluantes.

De cette expérience accumulée sur plus de vingt ans dans la Méditerranée et le Moyen-Orient, Jauad El Kharraz commente l’option du dessalement au Maroc en rappelant que le coût énergétique est très conséquent, mais que le progrès de ces vingt dernières années a permis de le réduire considérablement, dans l’optique de décarboner cette technique. «Au Maroc, c’est une alternative viable et sérieuse. Quant on parle de la pénurie en eau, on doit travailler sur la gestion intégrée des ressources, à partir de plusieurs options. On ne peut pas dire que le dessalement est la solution, mais c’est une solution parmi d’autres», a-t-il souligné.

«Il est important de développer un portfolio de solutions au stress hydrique et à la sécheresse. Il faut investir à partir d’une politique globale, à commencer par la législation du dessalement, afin de réguler l’intervention du secteur privé dans l’investissement et le financement de ces projets, dans le cadre de partenariats publics-privés.»

Jauad El Kharraz

Pour le chercheur, il est nécessaire de commencer par «imposer des conditions au rejet de saumure dans l’eau de mer, en utilisant des technologies qui diluent cette matière afin de ne pas affecter l’écosystème marin, de proposer d’autres solutions de pompage, ou encore des technologies plus avancées, comme l’extraction des minéraux qui existent dans cette saumure pour d’autres utilisations, comme la culture de microalgues, le compostage et les fertilisants, en plus d’autres applications industrielles, notamment cosmétiques».

Questionner les besoins agricoles en eau

Les autres solutions moins coûteuses sont notamment la réutilisation des eaux usées, rappelle le spécialiste. «Au Maroc, beaucoup sont encore déversées en mer, mais leur traitement est possible et moins cher, surtout s’il s’agit de les destiner à l’irrigation des espaces verts, ou encore de variétés d’arbres cultivés. Des traitements plus avancés permettent une réutilisation dans l’irrigation des champs de fruits et de légumes», souligne-t-il, insistant sur l’amélioration de la gouvernance de l’eau pour une rationalisation des usages.

«Dans son contexte régional, le Maroc est leader au niveau des énergies renouvelables. Beaucoup d’institutions nationales ont fait un travail exemplaire. Mais je pense qu’il faut profiter de ce potentiel pour l’utiliser dans le domaine de la gestion de l’eau», propose-t-il. «A titre d’exemple, le pompage solaire est important, mais il doit aussi être régularisé dans son usage dans l’agriculture, dans le dessalement et d’autres domaines, dans une logique de nexus et non pas de façon séparée, car l’interconnexion entre les ressources naturelles et l’usage de l’eau est incontestable», indique Jauad El Kharraz.

Dans le contexte du Maroc, le spécialiste pense surtout qu’il est «plus que jamais important de répondre aussi à la question de quelle agriculture nous voulons pour le Maroc de demain. «Tout le monde questionne l’adaptation de l’agriculture aux ressources naturelles disponibles, comme dans l’exemple de la pastèque et de l’avocat. De ce fait, la politique agricole doit suivre un choix qui ne soit pas aux dépens de notre développement local et dont nous seront les plus grands perdants», plaide-t-il.


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