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«Le mouvement du 23 mars», de la naissance à la création de l’OADP

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Comme tout pays qui a subi l’injustice et l’oppression du colonisateur, ainsi que la répression postcoloniale, le Maroc a lui aussi disposé de ses organisations secrètes et clandestines. Des groupuscules destinés tantôt à lutter contre le protectorat français et espagnol, tantôt à mener la vie dure au roi Hassan II. En effet, l’ère tristement célèbre de «années de plomb» au Maroc a été précédée par la naissance de plusieurs organisations ayant opéré dans la clandestinité. Leur objectif ? Renverser le pouvoir du roi Hassan II par tous les moyens.

Deux mouvements sont célèbres : Le mouvement Ila Al Amam et le Mouvement du 23 mars. Ce dernier verra le jour en 1968, deux avant le mouvement «Ila Al Amam», comme le rapporte Bouchra Sidi Hida dans son ouvrage «Mouvements sociaux et logiques d’acteurs. Les ONG de développement face à la mondialisation et à l’Etat au Maroc : L’altermondialisme marocain» (Editions Presses univ. de Louvain, 2007).

UNEM et l’UNFP vent debout contre le régime Hassan II

Nous sommes au lendemain de l’indépendance du Maroc en 1956. Plusieurs événements ont alors marqué la scène politique du pays à l’instar du décès du roi Mohammed V en 1961, l’intronisation du roi Hassan II la même année et ensuite la guerre des Sables en 1963. Bien avant son arrivée au pouvoir, les relations entre le futur roi et le Mouvement national étaient plus que tendues, surtout avec le limogeage du gouvernement d’Abdellah Ibrahim que feu Mohammed V venait de nommer pour calmer ses détracteurs. Une succession d’événements avaient même poussé l’opposition à boycotter le référendum sur la Constitution de 1962.

Feu le roi Hassan II le jour de son intronisation au palais royal de Rabat. / Ph. Phillipe Le TellierFeu le roi Hassan II le jour de son intronisation au palais royal de Rabat. / Ph. Phillipe Le Tellier

Mais le règne de feu Hassan II ne connaissaient pas seulement une opposition ardue des partis du Mouvement national. Sur un autre front, l’Union national des étudiants du Maroc (UNEM) avait, elle aussi, choisi de se ranger du côté de l’opposition. C’est en août 1963 que le syndicat estudiantin organisait un congrès durant lequel les militants appelaient explicitement au renversement du pouvoir du roi Hassan II. L’UNEM estimait que «l’abolition du système est une condition sine qua non pour que le pays sorte de la crise ouverte ou constante où il patauge depuis l’indépendance».

Le 23 mars 1965, les pavés de plusieurs rues de Casablanca sont entachés de sang au lendemain d’une révolte des élèves ayant été lourdement réprimée par les balles des éléments des Forces armées royales (FAR). Plusieurs disparitions et décès sont alors à déplorer lors d’un événement douloureux de l’histoire du Maroc contemporain. En juin de la même année et pour la première fois dans l’histoire du Maroc, l’Etat d’exception est déclarée par le monarque, en même temps que la dissolution du Parlement. La situation est plus que tendue entre la monarchie et certaines formations politiques, dont l’Union nationale des forces populaires (UNFP).

Naissance, arrestations et condamnations lors des années de plomb

Fin octobre 1965, l’assassinat du leader tiers-mondiste, Mehdi Ben Barka, représentera un tournant décisif dans l’histoire de la gauche marocaine. Sa disparition convaincra certains Marocains d’emprunter la voie de l’opposition armée pour renverser le régime du roi Hassan II. C’est à cette époque que sont nés plusieurs mouvements prêts à faire appel aux armes pour renverser le système, comme le cas du Tanzim, la branche radicale de l’Union nationale des forces populaires. C’est durant cette période aussi que le rôle de l’UNEM dans l’encadrement des jeunes marocains est de plus en plus pregnant.

Une photo de la manifestation du 23 mars 1965 à Casablanca. / Ph. DRUne photo de la manifestation du 23 mars 1965 à Casablanca. / Ph. DR

Bien avant la création du M23, l’un de ses fondateurs, le grand résistant Mohammed Bensaïd Ait Idder, est condamné à mort pour complot contre la monarchie dès 1963. «Moumen Diouri a été arrêté et a avoué l’implication de Fqih Basri et Mehdi Ben Barka dans ce complot. Nous avons appris qu’Hassan II préparait une grande campagne contre nous à son retour de France. Fqih Basri a été arrêté donc en 1963 (…) J’ai échappé à l’arrestation. Mais, je suis resté caché à Marrakech jusqu’à 1964 pour me diriger par la suite vers l’Algérie», raconte-t-il lors d’une interview accordée en mars 2014 à nos confrères de Zamane. Mohammed Bensaïd Ait Idder partira ensuite en France avant de commencer à chercher «un nouveau cadre politique».

Dans l’autre rive de la Méditerranée, Ahmed Herzenni et d’autres jeunes militants de la section estudiantine de l’UNFP fonderont en 1968 le mouvement d’extrême-gauche du 23 mars. Un hommage aux victimes de la révolte estudiantine de 1965. A cette époque, la direction de l’UNFP a déjà «accepté de combiner l’action politique et les opérations armées», indique Mohammed Bensaïd Ait Idder.

«Des jeunes militants de l’organisation 23 mars m’ont contacté par le biais d’Ahmed Herzenni. Ce dernier m’a parlé de résistants à Agadir qui pourraient fournir les armes à cette organisation. Je lui ai conseillé d’éviter les résistants, car ils étaient infiltrés par la police. Effectivement, des militants de 23 mars ont été arrêtés pendant qu’ils cherchaient à se procurer des armes.»

C’est juste après cette période que le bras de fer entre le régime et cette organisation secrète éclatera. Plusieurs de ses militants seront arrêtés et envoyés à Tazmamart. Le M23 continuera ses actions, notamment avec la publication, en 1979, du magazine Anoual.

Mouvement du 23 mars, l’OADP jusqu’à la FGD d’aujourd’hui

De la clandestinité, le mouvement se transformera dès 1983 en un parti politique totalement reconnu par les autorités. En effet, amnistié en 1981, Mohammed Bensaïd Ait Idder, figure de proue du Mouvement du 23 mars réunira autour de lui ses camarades avant de fonder, en 1983, l’Organisation de l’action démocratique populaire et le mensuel Anoual, publication du M23 deviendra hebdomadaire dès 1982.

Mais ce que peu de gens savent, c’est d’abord que le M23 connaîtra deux scissions, comme le rapporte l’écrivain Said Ouajanni. Les «anoualistes» s’opposeront à un autre courant, dit des «takatoulistes» (pro-coalition) qui fonderont le mouvement «Li Nakhdoum Achaâb».  

Le M23 tentera même, au début de sa création, de coordonner avec Ila Al Amam. Un mouvement avec lequel l’organisation secrète d’extrême-gauche diverge sur certains points, dont le dossier du Sahara. Si Ila Al Amam soutenait publiquement «le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination», le Mouvement du 23 mars a souvent soutenu une «lutte commune» du peuple marocain pour la liberté et la démocratie. «Mes amis du Mouvement du 23 mars et moi avions critiqué les choix stratégiques du Polisario. (…) Nous avons affirmé à El-Ouali (El-Ouali Mustapha Essayed a été l’un des pères-fondateur du Front Polisario, ndlr) que la priorité devait aller, non pas à la création d’un petit Etat dans la région mais à la lutte commune pour la liberté et la démocratie qui garantiraient les droits des régions, du citoyen et des minorités ethniques ou religieuses», raconte Bensaïd Ait Idder.

Mohammed Bensaid Ait Idder en compagnie de Nabila Mounib, secrétaire général du PSU. / Ph. DRMohammed Bensaid Ait Idder en compagnie de Nabila Mounib, secrétaire général du PSU. / Ph. DR

L’OADP fusionnera en 2002 avec trois autres formations politiques pour créer le mouvement de la Gauche socialiste unifiée (GSU). Une autre fusion, trois ans plus tard, donnera la naissance en 2005 du Parti socialiste unifié (PSU), lui-même susceptible de fusionner encore une fois pour laisser la place à la Fédération de gauche démocratique (FGD).


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