Le nucléaire, est-il conçu pour le Maroc d’aujourd’hui ?

Dans une optique de renforcer sa souveraineté énergétique et de réduire les coûts et les émissions de carbone, le Maroc a décidé depuis quelques années de diversifier ses ressources énergétiques en envisageant de construire des réacteurs nucléaires afin d’accélérer la transition vers une économie verte. En revanche, cette démarche a ses propres enjeux.

L’objectif est d’atteindre 52 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique d’ici 2030. Les 48% restantes seront produites par des énergies fossiles, notamment le gaz et l’hydroélectricité. En conséquence, la ministre de la Transformation énergétique et du Développement durable, Leïla Benali, a indiqué au parlement, que son département avait mené une étude sur la possibilité d’utiliser l’énergie nucléaire pour répondre aux besoins énergétiques du Royaume.

“Le Maroc a investi dans les énergies solaire et éolienne, et il lorgne maintenant sur le nucléaire pour répondre à ses besoins en électricité… Nous avons besoin d’une décision nationale pour commencer à produire de l’électricité à partir de l’énergie nucléaire”, a souligné la ministre.

Cependant, il semble que cette stratégie basée sur le nucléaire est irréalisable pour le moment mais peut être possible d’ici 20 ans, selon Amin Bennouna, professeur expert en énergie à l’Université Cadi Ayyad et directeur du projet « Monographie de l’énergie au Maroc ».

« Le Maroc est petit pour un seul réacteur, sachant qu’il en a besoin d’au moins deux centrales pour assurer la production continue et cela représente déjà un premier petit problème technique », explique l’expert.

Le professeur ajoute qu’un réacteur nucléaire est comme une centrale à charbon, il utilise également des turbines à vapeur pour produire de l’électricité. « Celles-ci ne peuvent pas être arrêtées brusquement, c’est comme une marmite. En outre, poursuit Amin Bennouna, le réacteur ne fonctionne que 80% du temps. Cela veut dire qu’on va arrêter 1000 MW, qui représente déjà un minimum pour satisfaire les besoins d’une part du pays pour un coût raisonnable, pendant le temps qui reste. Chose qui nécessitera de trouver une substitution pour combler ces 20%. Pour le moment, il n’y a aucune solution technique ou économique qui est raisonnable afin de boucher ce trou ».

Et d’ajouter: « Le nucléaire n’est pas pour le Maroc d’aujourd’hui mais peut-être en 2045 puisqu’on va arrêter 4000 MW. C’est à ce moment-là qu’ il va falloir les remplacer petit à petit ».

Pr Bennouna souligne que pour arriver actuellement à installer une centrale nucléaire au Maroc, « il faudrait arrêter tout ce que nous faisons maintenant au niveau des énergies renouvelables et se focaliser sur le nucléaire sauf que nous allons nous mettre dans une situation de dépendance énergétique jusqu’à avoir assez de place pour installer le réacteur ».

La construction de ces réacteurs est une solution non polluante permettant la réduction du CO2 et la contribution à la dépendance du Royaume aux énergies renouvelables mais des inconvénients se présentent.

L’expert indique que les centrales nucléaires peuvent générer des déchets radioactifs très dangereux, des problèmes de fonctionnements, de réparations et également de maintenance. Il s’appuie ainsi sur la sûreté « au sens large du terme », puisque que la présence d’un réacteur a besoin un espace hautement sécurisé pour éviter les risques de cette technologie sur les citoyens, « je pourrais évoquer à ce moment l’exemple de Tchernobyl ».

Toutefois, il existe un avantage en faveur du Maroc. Les réacteurs ont généralement besoin de l’uranium et le Royaume pourrait devenir auto-fournisseur de cette matière. Il aurait la possibilité de profiter du traitement de l’uranium issu des périls du phosphate pour le réutiliser au lieu de passer par l’intermédiaire d’autres pays. « Si on peut le traiter nous même, ce sera possible, car une centrale nucléaire n’a besoin que de quelques tonnes par an », indique Pr Bennouna.

Rappelons que le tout premier Centre National de Formation en Sciences et Technologies Nucléaires a été ouvert en 2021 au Maroc, dans le prolongement du Centre National de l’Energie, des Sciences et des Technologies Nucléaires (CNESTEN) à Maamora, avec pour objectif de s’assurer de la sûreté et la durabilité des techniques nucléaires par le biais des compétences marocaines.

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