Le rêve arabe de Bachar El Assad

Sous le ciel étoilé de Damas, le président syrien Bachar El Assad ne doit avoir qu’un seul rêve après avoir vécu plus d’une décennie de solitude. Une descente de son avion présidentiel à l’aéroport de Ryad, accueilli en grandes pompes par le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane, avec les honneurs d’un grand retour dans le giron arabe et un feu d’artifices pour célébrer la victoire du régime syrien sur ceux qui ont tenté dans le passé de le démanteler, sans succès.

Mais ce rêve n’est pas près de se réaliser. Le pays qui accueille le sommet arabe ce 19 mai, l’Arabie saoudite, milite pour sa réalisation, comme en témoigne la dernière réunion du pays du golfe avec l’Egypte et de la Jordanie. Mais des divergences subsistent et bloquent ce projet.

En attendant le dénouement de cette impasse, Bachar El Assad peut se réjouir de sa propre résistance. Après avoir, pendant des années, été banni comme un pestiféré, de la ligue arabe, le voilà aujourd’hui objet de toutes le courtisaneries. L’Arabie Saoudite, dopée par sa récente réconciliation avec l’Iran sous parapluie chinois, voudrait réussir là où l’Algérie d’Abdelmajid Tebboune avait spectaculairement échoué. Le sommet de la ligue arabe de novembre dernier tenu à Alger avait cette ambition de réintégrer la Syrie. Mais les obstacles étaient tels que la mission relevait de l’impossible.

Aujourd’hui encore, malgré les bonnes volontés de l’Arabie Saoudite qui s’active à convaincre ses partenaires, demeurent des pays qui posent des conditions au retour de la Syrie à la ligue arabe. Des conditions si lourdes pour le régime syrien que leur acceptation relève du miracle.

Parmi ces pays se trouvent le Koweit, Qatar et le Maroc. A l’égard de Damas, Doha observe une posture qui ne manque pas de contradictions. Il est de notoriété publique que Qatar navigue politiquement dans le radar iranien. La réintégration de la Syrie au sein de la ligue arabe a toujours été une demande iranienne et russe. Et malgré cette situation Doha, qui dans le passé avait armé l’opposition syrienne la plus extrême, demande aujourd’hui que ce qui reste de cette opposition soit intégré au jeu politique comme condition de son ouverture sur Damas.

Quand au Maroc, il pose une condition à la fois simple et limpide. Que le régime syrien cesse son soutien et sa sympathie à l’égard des séparatistes du polisario. Le Maroc ne peut tolérer le retour à la ligue arabe d’un pays qui sortirait l’Algérie de son isolement arabe sur la question du Sahara marocain.

Pour Bachar El Assad ces deux conditions paraissent difficiles à accomplir. Intégrer l’opposition peut obérer son triomphe peut s’avérer un luxe dont il peut se passer maintenant que la normalisation est plus une demande arabe qu’une nécessité syrienne. Annoncer officiellement la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara peut lui faire perdre les soutiens algérien et iranien.

Face à ce dilemme et malgré les garanties que la diplomatie saoudienne est prête à donner, il parait difficile d’envisager une présence de Bachar El Assad à Ryad le 19 mai prochain. D’ailleurs ce rapprochement entre ces pays arabes et le régime syrien n’est pas bien perçu ni par les Européens ni par les Américains.

Bruxelles voit d’un très mauvais œil le cadeau fait à Bachar El Assad alors qu’il n’a fait aucune concession en direction de son opposition comme le demandent les capitales européennes. Tandis que Washington est lié par le Caesar Syria Civilian Protection Act (Loi César) promulgué par Donald Trump fin 2019, et ne pourrait faire aucun pas dans cette direction sans devoir revoir cet arsenal punitif . Cette loi fait partie d’une kyrielle de sanctions imposées au régime d’Assad pour l’obliger à faire des concessions et à ouvrir son jeu politique pour une transition qui le verrait quitter le pouvoir en fin de parcours.

Cette ouverture arabe sur Damas ne fait pas l’unanimité. Elle fait grincer des dents et alimente des aigreurs. La diplomatie saoudienne voudrait en tirer un certain profit diplomatique au point d’incarner le rôle de locomotive de monde arabe dont rêve à haute voix le prince héritier et futur Roi d’Arabie Saoudite, Mohamed Ben Salmane.

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