L’énigme autour du décès de Mohammed V le 26 février

A 51 ans, le roi Mohammed V connut une mort subite. Le 26 février 1961, peu de temps après l’indépendance du Maroc (1956), le sultan qui se proclama roi s’éteignit, au moment où les Marocains vivaient un tournant dans l’histoire du pays. Les récits officiels suggèrent que Mohammed ben Youssef mourut des suites de complications d’une opération chirurgicale, pourtant bénigne.

En effet, les circonstances du décès de Mohammed V faisaient longtemps partie des non-dits de la cour royale, quelques récits rapportés par des entourages proches à l’époque étant plus ou moins nuancés. Pendant des décennies après l’enterrement de l’ancien sultan, des personnalités politiques et des hautes responsables continuèrent alors de s’interroger sur la mort soudaine d’un roi qui ne montrait pas de signes de faiblesse.

Le récit officiel

Mohammed V (sultan 1927 – 1953, 1955 – 1957 puis roi 1957 – 1961) décéda après une intervention chirurgicale, selon la version officielle. L’opération était mineure et devait débarrasser l’ancien chef d’Etat d’un goitre, rapportait à l’époque le quotidien américain The Washington Post. Une version soutenue notamment par Abdellah Ibrahim, alors Premier ministre de décembre 1958 à mai 1960.

Abdellah Ibrahim rappelait que Mohammed V devait se rendre en Suisse pour subir des soins médicaux. «Une fois là-bas, l’ancien sultan a été diagnostiqué d’un cancer de l’oreille. Son médecin suisse lui a dit qu’il n’avait pas besoin d’être opéré», racontait-il.

De retour au Maroc, la santé du roi se détériora et le médecin suisse fut convoqué pour une intervention chirurgicale, effectuée dans le palais royal. L’opération aurait échoué faute de sang suffisant, le groupe sanguin de Mohammed V étant rare.

Un personnel médical inefficace

Un récit différent concernant la mort suspecte de Mohammed V fut rendu public, dans l’émission «Shahid ala Laassr» sur Al Jazeera. Interviewé par la télévision qatariote, Abdelhadi Boutaleb (1923 – 2009), ancien ministre avant d’être nommé conseiller de Hassan II, indiqua que le sultan décéda des suites d’une amygdalite et non d’un cancer de l’oreille :

«Les médecins avaient sous-estimé l’inflammation. Il décidèrent d’effectuer une chirurgie mineure dans une petite clinique du palais (…) C’est sur place que les médecins réalisèrent qu’ils avaient besoin d’instruments chirurgicaux et de transfusions sanguines.»

Selon le même récit, Abdelkrim Al Khatib (1921 – 2008), ancien chirurgien, sillonna plusieurs endroits à bord d’un avion privé, à la recherche de sang. Une tentative qui resta vaine, coïncidant surtout avec une fin de semaine, rappela Boutaleb en tenant responsable le personnel médical.

Dans un autre entretien accordé à Al Jazeera en 1999, Mohammed Fqih Basri (1927 – 2003), opposant à Hassan II, dénonça le décès de Mohamed V, insistant sur le fait que les médecins ne se seraient pas assez préparés pour l’opération et échouèrent ainsi à sauver la vie de l’ancien roi :

«Un médecin appelé El Hadi Messwak, qui assista à l’opération, me dit que si une enquête avait été ouverte pour déterminer les circonstances de la mort du roi, le personnel médical aurait sans doute été poursuivi.»

Fqih Basri affirma également que le cardiologue n’avait pas assisté à l’opération, ce qui empira la situation. Un praticien fut alors mobilisé, mais il était trop tard.

Plus récemment, le prince Moulay Hicham fut interrogé sur le décès de son grand-père, dans un entretien accordé au magazine Zamane (N° 33 – 34, août – septembre 2013). Le cousin germain du roi Mohammed VI déclara que son père, Moulay Abdellah (1935 – 1983), avait boycotté la cérémonie d’allégeance à Hassan II, lors de l’intronisation de celui-ci. Le prince demandait des explications à son frère sur la mort soudaine de leur père, mais Hassan II refusa de donner une réponse, arguant qu’il n’était pas médecin et que Mohammed V avait mal réagi à l’anesthésie.

Plusieurs récits remirent en question les circonstances de cette mort qui resta une énigme aux multiples zones d’ombre, laissant les rues sombrer, au lendemain de cette annonce, dans une extrême tristesse. Hassan II fut intronisé le 3 mars 1961 et décéda après 38 ans de règne, le 23 juillet 1999.


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