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Les atrocités de la peste de 1799 à Mogador décrites par un commerçant étranger

En 1799, le Maroc fut témoin d’une terrible épidémie de peste, qui mit fin à des centaines de vies quotidiennement. A Mogador (Essaouira), ces désastres furent décrits et documentés par un commerçant britannique installé dans la ville côtière.

Dans une série de lettres adressées à ses connaissances en Europe, James G. Jackson fit ainsi un compte-rendu détaillé de la «montée, de l’évolution et de la diminution» de la peste à Mogador. Rassemblés en un ouvrage intitulé «Récit des territoires de Tombouctou et Haoussa au cœur de l’Afrique», ses manuscrits furent publiés en 1820 et compilés par la plate-forme d’histoire Dianabuja.

Celle-ci nota que la peste se propagea à Mogador depuis Fès. «Lorsque l’armée de l’empereur se rendit de Fès au Maroc à l’été 1799, un détachement de ce dernier passa à Mogador». Ce dernier se composait de «20 000 chevaux et de 10 000 marcheurs» dont des porteurs de la peste. Trois jours après leur passage par la ville qui avait un port de commerce international, la pandémie fit son apparition.

Une peste mortelle à Mogador

Quelques mois avant l’été 1799, James G. Jackson, qui vivait à Mogador, écrivit dans l’une de ses lettres du 20 mai comment «la variole se répandait violemment dans tout ce pays». Le commerçant attribua l’origine de la peste à «la famine qui sévissait depuis peu dans ce pays et qui fut provoquée par l’incroyable invasion des criquets : la lie des olives après l’extraction de l’huile constitua le seul aliment pouvant être acheté par des milliers de personnes».

En moins de trois mois, la situation s’aggrava à Mogador. Selon le manuscrit de Jackson, la peste était «inéluctablement mortelle». Ainsi, sa lettre du 25 juillet indiquait que «les morts dans cette ville, qui comptait une population de 10 000 habitants, selon le registre impérial, étaient de quarante à cinquante par jour». Inquiet de la propagation rapide de l’épidémie, Jackson expliqua que tout le monde à Mogador était engagé dans la lutte contre la peste. Mais huit jours plus tard, son optimisme s’estompa.

Le 1e août, il s’adressa au Européens dans une lettre, où il se plaignait de la situation grave et des violences à Mogador : «Personne ne pensait aux affaires ou au reste du monde ; chaque individu prévoyait sa mort certaine.»

Fumer un cigare pour ne pas attraper la peste

Les citoyens locaux annonçaient au commerçant le décès de plusieurs étrangers résidant dans la ville. Ses lettres révélèrent une des méthodes qu’il suivit pour ne pas contracter la maladie. Alors que Jackson rendait visite à l’un de ses amis atteint de la peste, ce dernier lui recommanda de fumer du cigare pour ne pas aspirer la bactérie mortelle.

«Je crois que la fumée de tabac est anti-pestilentielle. Ajouté aux précautions d’éviter le contact physique et d’inhaler l’haleine de la personne affectée, c’était suffisant pour me protéger.»

James G. Jackson

Le 23 août, la situation à Mogador s’améliora et la peste a commença à «diminuer considérablement». Selon Jackson, les décès passèrent de 100 à 20 ou 30 par jour.

Cependant, les activités économiques tombèrent en berne. La meilleure gomme arabique se vendait à Akka pour six dollars le quintal et elle n’était pas importée, par crainte d’infections, comme l’expliqua le marchand dans l’une de ses lettres. Dans ce sens, Jackson révéla une deuxième astuce qui, expliquait-il, l’aida à ne pas contracter la peste.

«J’installai dans ma salle à manger une table qui s’étendait de bout en bout. Je me mettais à l’extrémité en vis-à-vis avec mes invités. J’étais seulement prudent d’éviter tout contact», écrivait-il en indiquant avoir encensé sa maison de gomme arabique.

Le 29 octobre, la peste prit fin à Mogador. Les commerces rouvrirent et la population reprit peu à peu la vie normale, malgré les morts dans les provinces environnantes.

Le 11 novembre, le commerce se mit à prospérer de nouveau dans la cité côtière, mais à la fin du mois de novembre, l’épidémie ne fut toujours pas éradiquée à 100%, selon Jackson.

«L’épidémie meurtrière qui avait sévi dernièrement et qui tuait chaque jour plus de 100 personnes se limita à deux ou trois morts quotidiens et n’en faisait aucun, parfois», écrivait-il le même mois.

Jackson expliqua que lorsque des amazighs de Haha (près d’Essaouira) venaient en ville pour vendre les vêtements de leurs morts, «l’épidémie faisait trois, quatre à cinq décès par jour, puis trois ou quatre les lendemains».

Le livre de Jackson fut envoyé à Londres au début du XIXe siècle mais il ne fut pas l’unique que le commerçant publiât. En effet, ce dernier avait décrit plusieurs comptes historiques, en guise de «description contemporaine et plus détaillée de la peste» qui frappa Mogador, Fès et Marrakech en 1799.


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