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Mehdi Ben Barka avait dit non à la guerre des Sables entre le Maroc et l’Algérie

En septembre 1963, le Maroc décide de réagir face à une «agression» de l’Armée algérienne à Tarfaya. Le 14 octobre 1963, la guerre des Sables est officiellement déclenchée entre les deux pays lorsque les Forces armées royales (FAR) poussent les forces algériennes et reprennent Hassi Beïda et Tinjoub. Elle se poursuivra jusqu’au 20 février 1964, date à laquelle un cessez-le-feu définitif est conclu entre Rabat et Alger.

C’est bien avant cette guerre que la position de l’opposant gauchiste marocain Mehdi Ben Barka quant à ce conflit marquera les esprits. Elle lui vaudra même une condamnation par contumace quelques jours après le déclenchement du conflit.

Nous sommes en 1963. Entre le 13 et le 15 mars, Hassan II est à Alger dans le cadre d’une visite officielle de trois jours. Au cours de sa rencontre avec le Premier ministre algérien, Ahmed Ben Bella, le monarque revient sur l’épineuse question des frontières entre les deux pays. La rencontre est conclue par une promesse des autorités algériennes : «Une solution verra le jour d’ici quelques mois».

Sur le plan interne, le bras de fer opposant l’Union socialiste des forces populaires (UNFP) à la monarchie bat son plein. En août 1963, Ahmed Bahnini, alors ministre de la Justice, annonce même que le royaume venait de déjouer un complot contre le jeune roi, intronisé il y a à peine deux ans. L’UNFP, Mehdi Ben Barka, Abderrahmane Youssoufi et Mohamed Fqih Basri sont alors désignés comme cerveaux du putsch.

Pour Ben Barka, la guerre «mine la nécessaire unité du Maghreb»

Ben Barka est à l’extérieur du pays lors de ces arrestations. «Nationaliste maghrébin» comme il se décrivait lui-même, la figure de la gauche marocaine ne manquera pas de prendre position, dès octobre, après le déclenchement de la guerre des Sables entre le Maroc et son voisin de l’Est.

Le roi Hassan II en compagnie du premier ministre algérien Ahmed Ben Bella, au Palais royal de Rabat en 1962. / Ph. Hank Walker

Ainsi, «le leader de l’opposition, dans un appel à la radio du Caire le 15 octobre, dénonce d’ailleurs, avec un grand courage, cette guerre fratricide, qui mine la nécessaire unité du Maghreb», raconte l’avocat et écrivain Maurice Buttin dans «Ben Barka, Hassan II, De Gaulle. Ce que je sais d’eux» (Editions Karthala, 2010).

Une version appuyée par certains membres de l’UNFP. En effet, dans une interview accordée à Al Massae, Mohamed Lahbabi, l’un des fondateurs de l’Union nationale des forces populaires, avait affirmé avoir «discuté au sein de l’UNFP de la position de Mehdi Ben Barka sur la guerre des Sables».

«Nous étions avec la position de Mehdi mais nous n’étions pas d’accord avec lui sur la manière dont il présentait sa position. Nous avions dit qu’il faut négocier avec l’Algérie pour qu’elle reconnaisse la marocanité de Tindouf et nous avions déjà adressé une lettre à Farahat Abbas, président du gouvernement provisoire en Algérien en 1958.»

Mohamed Lahbabi

Mais le «non» de Ben Barka à la guerre des Sables entre le Maroc et l’Algérie n’a pas plus à tous les membres de l’UNFP. Maurice Buttin raconte même que la prise de position de Mehdi Ben Barka déplaira à «nombre de Marocains, y compris l’UNFP». «Pour certains, plus qu’une faute politique, c’est une « véritable trahison », qui appelle le châtiment suprême !», écrit-il.

Au Micro, Abderrahmane Youssoufi, à sa droite Mohamed Fqih Basri et à sa gauche, Mehdi Ben Barka. / Ph. wikipediaAu Micro, Abderrahmane Youssoufi, à sa droite Mohamed Fqih Basri et à sa gauche, Mehdi Ben Barka. / Ph. wikipedia

Une «tentative d’enlèvement» dès décembre 1693

L’opposition à une intervention militaire du Maroc contre l’Algérie irritera même le roi Hassan II. C’est ainsi que le Tribunal militaire des FAR siégeant à Rabat et statuant sur le dossier du complot de 1963, prononce ses peines. Mehdi Ben Barka, «encore plus dans le collimateur de Hassan II» est alors condamné par contumace à la peine capitale, le 9 novembre 1963. D’autres militants de l’UNFP écopent aussi de peines de prison.

Sur le terrain, une intervention en marge du sommet de l’Organisation de l’unité africaine de l’empereur éthiopien Hailé Sélassié et le président malien, Modibo Keita a déjà permis de convaincre les belligérants, le 29 octobre 1963, d’un cessez-le-feu bien que les combats avaient repris en novembre après l’attaque, par l’armée algérienne, à Figuig.

En décembre, Mehdi Ben Barka, l’ennemi numéro 1 de Hassan II, confie à plusieurs reprises à des amis français, les craintes qu’il éprouve devant une éventuelle action dirigée contre sa personne, ou contre des membres de sa famille, par des agents de la police marocaine. «Le 30 décembre, il aurait failli être enlevé à Genève, semble-t-il, par des Marocains venus s’installer au-dessus de son appartement !», écrit Maurice Buttin.

Le militant est enlevé, deux ans plus tard, le 29 octobre 1965 devant la brasserie Lipp à Paris. Son corps ne sera jamais retrouvé.

Des soldats marocains participant à la guerre des Sables en 1963. / Ph. d'illustrationDes soldats marocains participant à la guerre des Sables en 1963. / Ph. d’illustration

Quant au conflit maroco-algérien, «Hassan II s’entendra finalement, quelques années après, avec le président Houari Boumédienne, pour renoncer aux revendications marocaines», poursuit l’auteur de «Ben Barka, Hassan II, De Gaulle. Ce que je sais d’eux». Les voisins-ennemis attendront le 27 janvier 1976 pour s’affronter au nouveau lors de la première bataille d’Amgala.


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