Nabila Mounib, une femme politique engagée pour la justice sociale

A l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, Nabila Mounib a répondu au questions de Hespress Français. Seule femme politique marocaine à la tête d’un parti politique, le Parti socialiste unifié (PSU), elle nous expliquera comment elle a su forcer le verrou du champ politique au Maroc, souvent perçu comme étant l’apanage des hommes, intéressant peu de femmes.

La coordinatrice de la Fédération de la gauche démocratique (FGD) revendique une expérience singulière, qui l’a menée, suite à un parcours riche depuis les années 70 au sein du mouvement de la gauche, à la tête du PSU, devenant ainsi la première femme marocaine à atteindre le secrétariat général d’un parti politique.

La politicienne a salué le combat de toutes les femmes marocaines, femmes au foyer, femmes à la tête d’un ministère, dans une classe d’étude, ou à l’hôpital, en les appelant à continuer l’engagement, pour voir davantage de compétences féminines qui rayonnent dans tous les domaines et portent haut le drapeau du Royaume.

Hespress : Que pensez-vous de cette Journée internationale des droits des femme, le 8 mars ?

Nabila Mounib : Le 8 mars constitue une journée pour faire le bilan de la situation des femmes : établir de nouveau un diagnostic politique, social, économique et culturel. Reposer les éternelles questions de comment lever toutes les formes de discrimination exercée à l’égard des femmes, et toutes les formes d’exploitation qu’elles continuent de subir dans les campagnes, les villes et les banlieues, au travail, à la maison et dans la rue, dans les manuels scolaires et les médias et même dans les prêches des «ouléma». Le 8 mars est une occasion pour s’arrêter sur ce cher Maroc des paradoxes, la femme qui réussit dans de nombreux domaines, brillante dans les universités et grandes écoles, et même en politique, mais encore largement analphabète dans de nombreuses campagnes et périphéries des villes.

Militante acharnée, sur tous les fronts, mais si peu représentée au niveau des sphères de décision politique, administrative et économique. C’est un rendez-vous pour attirer l’attention des responsables, mais aussi de l’opinion publique, sur la précarité grandissante, de nombreuses femmes vivent dans la misère, sans protection sociale et même sans abri, puisque la misère sociale a fini, après l’effondrement du système des valeurs, par entraîner la rupture du lien social et des systèmes de solidarité, tandis que l’Etat reste largement défaillant sur ce domaine, pourtant garant de la paix sociale. Comment garantir la justice sociale et la dignité humaine sans la reconnaissance et la protection des droits des femmes pleinement et sans discrimination aucune ?

Comment arrivez-vous à concilier entre votre foyer et votre travail, surtout celui de secrétaire générale du PSU ?

Je pense que l’organisation, la gestion de temps et l’implication des proches, surtout pour vous décharger de certaines tâches, aident énormément. Mais ce qui permet d’arriver à un certain équilibre c’est la passion, pour ce que l’on aime, ce à quoi l’on croit et surtout le sentiment d’être engagé pour une noble cause et non pas pour des intérêts égocentriques mesquins. Je pense également qu’il n’y a rien de plus gratifiant que d’être au service des autres, je parle bien entendu de ceux qui ont vraiment besoin qu’on les soutienne et qu’on appuie leurs aspirations légitimes.

La femme au Maroc peut-elle dire qu’elle a tous ses droits ?

Si l’on se réfère au taux d’analphabétisme, de près de 50%, et qui dépasse 90% dans certaines régions isolées, si l’on sait que plus de 80% des Marocaines n’ont pas accès aux soins, et que le taux de mortalité des femmes pendant l’accouchement demeure scandaleusement élevé, que dans l’accès à la propriété, au travail, au logement, nous sommes classés en fin de liste des pays les moins développés, comment parler de droits, d’égalité ? L’accès aux services publics et l’effectivité des droits (école, santé, transport, travail, logement, protection et sécurité) doivent être garantis.

Le code de la famille doit être revu et corrigé, pour en faire un statut démocratique, et se mobiliser contre ceux qui veulent abaisser l’âge du mariage des filles à 16 ans. Il faut que les lois nationales soient en accord avec les pactes et accords internationaux que le Maroc a ratifiés et lever toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Il est également primordial de mettre en œuvre les outils institutionnels et constitutionnels, administratifs, juridiques et culturels pour permettre l’accès des femmes aux postes de décision et par là instaurer une vraie démocratie, un Etat de droit, la pleine citoyenneté et la justice sociale.

En tant que chef de parti, quel est le message que vous voulez transmettre aux femmes marocaines ?

Engagez-vous davantage, car le changement démocratique sera porté par les femmes et le monde juste que l’on a toujours tenté de construire ne se fera qu’avec vous, avec votre intelligence, votre honnêteté, votre sens des responsabilités. Votre abnégation a toujours permis, malgré les difficultés et les entraves, de faire avancer le train du développement et de réconcilier «l’homme» avec son humanité. Femmes de courage, vos aïeules ont contribué à libérer le pays du joug du colonialisme, à vous de le libérer du sous-développement, de la dépendance, de l’aliénation, longtemps gardées dans l’ombre, mobilisez-vous, pour éloigner le spectre de l’analphabétisme pour que brillent les lumières et que s’évanouisse l’obscurité. Le Maroc grâce à vous a de bonnes chances d’espérer figurer parmi les premiers de la classe, ne perdons pas plus de temps.

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