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Quand Hassan II et Ben Bella négociaient la frontière maroco-algérienne

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Les tracés des frontières ont toujours été à l’origine des différends entre le Maroc et son voisin de l’est. Depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962, le Maroc n’a cessé de rappeler l’importance du respect des accords signés avec le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). Entre le 13 et le 15 mars, feu le roi Hassan II s’était déplacé à Alger pour discuter de cette question, entre autres, avec le Premier ministre algérien Ahmed Ben Bella.

Afin de procéder au règlement de leur différend, le Maroc et les autorités algériennes avaient précédemment signé un premier accord en juillet 1961. Durant cette rencontre, les deux parties avaient convenu de poursuivre les négociations pour parvenir à une solution mutuellement acceptable. Le «gouvernement de Sa Majesté le Roi du Maroc s’engage à faire face, par tous les moyens, aux éventuelles tentatives de partitions du territoire algérien», lit-on dans le septième volume de la série «Mémoires du patrimoine marocain» (Editions Nord Organisation, 1986).

Parallèlement, le Gouvernement provisoire de la République algérienne s’était engagé à reconnaître que «le différend territorial issu des frontières imposées par la France entre les deux pays trouveront une issue par des négociations entre les deux gouvernements». Le GPRA insistait également sur le fait que «les accords qui pouvaient intervenir à la suite de négociations franco-algériennes ne sauraient être opposables au Maroc quant aux délimitations territoriales algéro-marocaines.»

Ahmed Ben Bella et Benyoucef Ben Khedda en compagnie du roi Hassan II, en 1962 à Rabat. / Ph. Hank Walker

Un engagement signé par la GPRA

Au lendemain de son indépendance, l’Algérie avait rappelé sa promesse de relancer l’épineuse question des frontières. Mais le 18 mars 1962, les représentants du Gouvernement de la République française et du GPRA parviennent à la conclusion des accords d’Évian. Signés à l’hôtel du Parc d’Évian-les-Bains, en Haute-Savoie, ces accords se traduisent dans l’immédiat par un cessez-le-feu qui met officiellement fin à sept années et cinq mois de guerre.

Pour s’assurer que ses revendications soient entendues, le Maroc prend le risque d’étendre sa souveraineté jusqu’au poste de Zegou, situé à 50 km au sud-ouest de Taouz, en juillet 1962. D’après l’article de l’écrivain et historien Édouard Méric, paru en 1965 dans la Revue française de science politique (Volume 15, numéro 4, pp. 743-752), le poste était situé sur l’axe principal de communication entre Colomb Béchar et Tindouf. Pour réaffirmer ses bonnes intentions, le royaume chérifien dépêche, quatre jours plus tard, une délégation auprès de Benyoucef Benkhedda, histoire de féliciter le peuple algérien du retour du GPRA en Algérie et de lui rappeler les promesses. «Cela n’avait pas empêché les troupes algériennes, le 9 octobre 1962, d’occuper Tindouf et de chasser par la force les représentants locaux du gouvernement marocain qui refusaient de s’en aller, faisant des morts et des blessés», poursuit Édouard Méric.

Quelques mois plus tard, soit en mars 1963, le Maroc, toujours dans le cadre d’une démarche pacifiste, dépêche le prince Moulay Abdallah à Alger dès le 6 mars 1963 pour préparer la visite de feu le roi Hassan II. Le 13 mars, le souverain chérifien entame ainsi une visite officielle de trois jours dans la capitale algérienne. Une convention relative à l’assistance mutuelle et à la coopération judiciaire est alors signée. Surtout, le monarque déterre un autre dossier, rappelant à l’Algérie ses engagements quant aux frontières maroco-algériennes et l’impérative de la création d’une Commission de délimitation prévue dans l’accord de juillet 1961.

Ahmed Ben Bella et le roi Hassan II, le 15 mars 1963 à Alger. / Ph. DR

Une énième promesse de Ben Bella

Suite à la visite de feu le roi Hassan II, Ahmed Ben Bella, alors chef du gouvernement algérien, promet au souverain qu’une solution verra le jour d’ici quelques mois, le temps que les institutions algériennes se mettent en place. «Je demande à votre Majesté plus de temps pour mettre en place des institutions algériennes et devenir président. Lorsque, en septembre ou octobre, cela sera fait, alors nous ouvrirons ensemble le dossier des frontières. Il va sans dire que l’Algérie indépendante ne saurait être l’héritière de la France en ce qui concerne les frontières algériennes», avait affirmé Ahmed Ben Bella. Une énième promesse qui ne sera jamais respectée.

Quelques jours plus tard, le Parti de l’Istiqlal republie une carte irrédentiste du «Grand Maroc» dans son quotidien Al Alam avec un territoire comprenant un tiers du Sahara algérien jusqu’à Ain Salah, le Sahara occidental, la Mauritanie, et une partie du Mali, raconte le journaliste Stephen O. Hughes dans son ouvrage «Morocco under King Hassan» (Editions Garnet & Ithaca Press, 2001). L’Algérie amorce le déploiement de ses forces militaires tout au long du tracé entre Béchar et Tindouf au lendemain de la désignation d’Ahmed Ben Bella en tant que président de la République algérienne.

Des troupes algériennes arrivent alors à Tarfaya afin d’inciter la population à se révolter contre le souverain chérifien et des blindés occupent les oasis de Zegdou et Mrija. Fin septembre 1963, le roi Hassan II et le général Mohamed Oufkir décident d’envoyer des auxiliaires marocains de Tagounit pour reprendre Tinjoub et Hassi Beïda. Le 5 octobre, l’Algérie débute son opération d’expulsion de près de 6 000 Marocains qui s’étalera jusqu’en novembre de la même année.

Le Maroc lui réplique en expulsant près de 500 Algériens. Le conflit armé se déclenche officiellement le 14 octobre 1963 lorsque les Forces armées royales (FAR) repoussent les forces algériennes et reprennent Hassi Beïda et Tinjoub. Ces dernières arriveront même jusqu’à Figuig tandis que les FAR s’installeront à quelques kilomètres de Tindouf. Il s’agit là des prémices de la guerre des Sables. Ce n’est qu’en janvier 1969 que le Maroc et son voisin parviennent à la signature du Traité d’amitié de bon voisinage et de coopération d’Ifrane, puis de la «Convention relative au tracé de la frontière d’État établie entre le Royaume du Maroc et la République algérienne démocratique et populaire», en juin 1972.


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