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Quand Hassan II exhortait l’ONU à contrôler la course à l’armement entre l’Algérie et le Maroc

Le 28 février n’est pas seulement une date pour célébrer la bataille de Dcheira et l’anniversaire du départ du dernier soldat étranger des provinces du Sud, il est l’occasion d’évoquer la course à l’armement entre le Maroc et l’Algérie. Et pour cause, en 1967, feu le roi Hassan II adressait une lettre au secrétaire général de l’Organisation des nations unies, U Thant l’exhortant à mettre en place un comité pour surveiller la course à l’armement en Afrique du Nord.

Quel est le cadre général de ce fait historique ? Répondre à cette question revient à évoquer la guerre des Sables et celles d’Amgala, qui s’étaient déroulées respectivement en 1963-1964 et en 1976. Durant la première, le Maroc s’était démarqué par la supériorité générale des forces marocaines lors du conflit.

Nous sommes en fin septembre 1963. Le roi Hassan II et Mohamed Oufkir décident d’envoyer des auxiliaires marocains de Tagounit pour reprendre Tinjoub et Hassi Beïda. Auparavant, des troupes algériennes seraient entrées à Tarfaya afin d’inciter la population à se révolter contre le souverain chérifien alors que des blindés auraient occupés les oasis de Zegdou et Mrija. Le conflit se déclenche officiellement le 14 octobre 1963 lorsque les forces armées royales (FAR) poussent les forces algériennes et reprennent Hassi Beïda et Tinjoub. Ces dernières arriveront même jusqu’à Figuig tandis que les FAR s’installent à quelques kilomètres de Tindouf.

La guerre des Sables pousse Alger vers le réarmement

D’une part, l’armée marocaine, commandée par le général Driss Ben Omar El Alami est mieux équipée et approvisionnée. De l’autre, l’armée algérienne, commandée par Houari Boumédiène, est mal équipée et souffre de problèmes logistiques, à en croire le journaliste Stephen O. Hughes et son ouvrage «Morocco under King Hassan» (Editions Garnet & Ithaca Press, 2001).

Pour la guerre des Sables, l’Algérie trouvera soutien chez Cuba et l’Egypte. La bataille la plus importante a eu lieu le 25 octobre près de Hassi Beïda. Un affrontement durant lequel le Maroc capture près de 200 soldats algériens. Quatre jours plus tard, l’empereur éthiopien Hailé Sélassié et le président malien, Modibo Keita réussissent à convaincre les belligérants et obtiennent un cessez-le-feu en marge du sommet de l’Organisation de l’unité africaine. Mais en novembre, l’Algérie attaque Figuig, et des combats reprennent jusqu’au cessez-le-feu définitif, signé le 20 février 1964 entre Rabat et Alger.

Un an plus tard, la course à l’armement est alors lancée par le voisin de l’Est. «Apres de sérieux affrontements avec le Royaume (…) l’Algérie compris les dangers qui la guettaient et décida de se lancer dans un vaste programme d’entraînement et de réarmement qui allait être parrainé par un allié de poids : l’URSS», raconte le portail ForcesDZ.


Des avions algériens de type Mig-21F13 lors de leur reception en 1967. / Ph. ForcesDZ

Dès 1964, des premiers avions offensifs et des bombardiers tactiques sont acquis. Dès l’année suivante, l’arrivée de Houari Boumediene au pouvoir renforce la coopération avec l’Union soviétique dans le domaine de l’armement. Un déplacement du président algérien à Moscou du 13 au 18 décembre 1965 permet à Alger d’acquérir de nouveau équipement militaire. Mais l’évènement le plus marquant qui inquiètera Rabat serait l’arrivée de 6 avions supersoniques MiG-21F-13 livrés par la Russie à Alger puis 31 nouveaux MiG-21 entre 1966 et début 1967.

C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle le roi Hassan II décide, le 28 février 1967, d’adresser une lettre à U Thant, secrétaire général des Nations Unies, après l’avoir rencontré quelques jours auparavant. Entre le 8 et le 18 février 1967, le roi Hassan II effectue un séjour aux États-Unis, en visite officielle du 9 au 10 à Washington, ensuite à titre privé du 11 au 18 février à New York.

Le roi Hassan II avec U Thant, le 14 février 1967 au siège de l’ONU à New York. / Teddy Chen – UN Photo

Mais Hassan II voulait «renoncer à toute course aux armements»

Dans sa lettre, le souverain propose à U Thant, de mettre en place un comité pour surveiller la course à l’armement ou même de créer en Afrique du Nord une zone démilitarisée sous contrôle de l’ONU. L’autre raison serait les négociations lancées par l’Algérie avec la Mauritanie et l’Espagne, à en croire le 7ème volume des «Mémoires du patrimoine marocain» (Editions Nord Organisation, 1986). «Le roi avait rappelé aussi l’existence d’un différend entre les deux pays et le souhait du Maroc de le régler par des moyens pacifiques», poursuit le professeur Said Ihari, auteur de chapitre.

Un article du diplomate et historien marocain feu Mohamed Larbi Messari, publié le 9 mars 2001 dans les pages du journal Asharq Al-Awsat (Moyen-Orient) indiquait que feu le roi Hassan II expliquait publiquement que «le Maroc n’a jamais cherché à devenir une force armée majeure dans la région, et qu’il préférait investir dans l’agriculture, l’éducation et l’industrie légère».

Selon l’historien marocain, le souverain chérifien a alors proposé à l’ONU la mise en place d’un comité commun avec deux missions centrales. Il s’agit selon lui de «recommander au Maroc et à l’Algérie de renoncer à toute course aux armements et de ne pas travailler sur le développement de leurs forces militaires». La deuxième mission consisterait, selon feu Mohamed Larbi Messari à la «surveillance des moyens appropriés, quantitativement et qualitativement, et l’estime du niveau des besoins nécessaires de chacune des parties pour assurer la préservation de la sécurité».

Feu le roi Hassan II et le président algérien Houari Boumediene. / Ph. DR

Mais la proposition du roi Hassan II n’a pas trouvé d’écho chez les décideurs algériens, ce qui incitera le roi chérifien à allouer un budget important pour les armes dans le but de créer un équilibre des forces dans la région. La course à l’armement, quant à elle, s’est poursuivie d’abord jusqu’en 1976. En janvier de cette année, les armées marocaine et algérienne s’affronteront à l’oasis d’Amgala. Un affrontement éclair qui s’étalera du 27 au 29 janvier 1976, en opposant les Forces armées royales (FAR) à un bataillon algérien qui s’était installé à quelques kilomètres seulement de la frontière maroco-mauritanienne. Le 14 février 1976, soit quelques semaines plus tard, l’Algérie tente de se venger après sa défaite lors du premier épisode de cette bataille.

Depuis cette date, les deux pays voisins se sont dirigés vers les exportateurs mondiaux d’armes pour s’approvisionner. Le Maroc et son voisin de l’Est s’accaparent à eux seuls plus de 60% de l’ensemble des importations du continent en armes pour la période 2012-2016, indiquait la semaine dernière, le rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI). Avec respectivement 46% et 15% des importations d’armes dans la région, la méfiance entre Alger et Rabat est toujours à l’ordre du jour.


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