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Quand l’Algérie tripatouille sa Loi de finances 2023 pour cacher son colossal budget militaire

Après avoir prévu un doublement de ses dépenses militaires en 2023, la junte d’Alger a fini par consentir, sur injonction des Occidentaux, une petite réduction de son budget, tout en gonflant démesurément celui du ministère des Finances. Une manœuvre en trompe-l’œil qui vise à faire croire que l’armée n’est pas la plus budgétivore du pays.

«Montant non assigné». Telle est la dénomination d’un tout nouveau poste budgétaire auquel la Loi de finances algérienne pour l’année 2023 a affecté quelque 2486 milliards de dinars, soit plus de 18 milliards de dollars. Ce budget fantôme et non moins colossal, dans un pays où, de l’aveu même du président algérien Abdelmadjid Tebboune, une importante frange de la population se réveille chaque matin sans avoir de quoi s’offrir un sachet de lait, a été «attribué» au ministère des Finances, sans préciser à quoi il va servir.

 

Grâce à ce «montant non assigné», le ministère des Finances semble ainsi détrôner le ministère de la Défense qui a toujours été le département le plus budgétivore, et de loin, en Algérie. 

En effet, une loi non écrite veut qu’au moment de la répartition du gâteau budgétaire annuel de l’Etat, la part du lion doit revenir à l’armée algérienne.

 

Ainsi, dans la nomenclature des Lois de finances de ces 23 premières années du XXIe siècle, le budget du ministère algérien de la Défense est régulièrement allé crescendo, passant de 2,7 milliards en 2000 à 18 milliards en 2023, sachant que depuis 2012, année où il a dépassé les 10 milliards de dollars, ce budget n’est quasiment jamais descendu sous cette barre.

 

Que les cours des hydrocarbures baissent, stagnent ou repartent à la hausse sur le marché international, la part de l’armée dans le budget de l’Etat algérien reste prédominante.

Mais le plus intrigant dans la Loi de finances 2023 signée par Tebboune, en grande pompe et en présence de tous les membres de son gouvernement et du chef d’état-major de l’armée Said Chengriha, c’est que le «montant non assigné» qui figure dans le budget du ministère des Finances vise à faire de ce dernier le premier budget de l’Etat avec une dotation de 3.704.849.197.000 DA contre 2.486.000.000.000 DA pour le ministère de la Défense.

 

 

Or là où il y a anguille sous roche, c’est que ledit «montant non assigné» correspond exactement et bizarrement au même montant qui fait office de budget de l’armée pour cette année, soit 2.486.000.000.000 dinars algériens.

 

 

 

 

 

JO Algérie

Capture du Journal officiel algérien du 22 décembre 2022, où la Loi de finances 2023 comporte un «montant non assigné» pour faire croire que l’armée algérienne n’est plus le premier budget de l’Etat.

© Copyright : DR

 

 

Ainsi, si l’on défalque ces 2486 milliards DA du budget du ministère des Finances (soit 3.704.849.197.000 – 2.486.000.000.000), on aura la somme de 1.218 849.000 DA, qui correspond au budget réel du ministère des Finances tel que réparti en 2023 entre ses différentes administrations.

 

Il est donc anormal que le budget de ce ministère soit multiplié, sans la moindre raison, par 14 d’une année à l’autre, sachant que dans la Loi de finances précédente (2022), le budget du ministère des Finances était de seulement 92 milliards de dinars, contre 3704 milliards cette année!

Contrairement à ce qu’on veut faire croire, le ministère des Finances n’est pas devenu le principal poste budgétaire de la LF 2023, la primauté revenant toujours au budget de l’armée algérienne, même si ce dernier a quasi doublé d’une année à l’autre, passant de 1300 milliards DA en 2022 à 2486 milliards DA en 2023.

 

Or, avec un budget militaire colossal de 22,7 milliards de dollars, tel qu’adopté le 22 novembre dernier par l’Assemblée populaire nationale (députés) puis le 8 décembre par le Conseil de la nation (sénateurs), avant d’être ramené à 18 milliards, c’est la Russie, dans le contexte actuel de sa guerre en Ukraine, qui allait en être le grand bénéficiaire puisqu’elle est le premier fournisseur d’armement à l’Algérie.

 

C’est pourquoi, dès septembre dernier, des dizaines de sénateurs et députés américains, aussi bien républicains que démocrates, ont appelé à sanctionner l’Algérie à cause de son soutien financier à la Russie à travers de juteux contrats d’armement, rappelant ainsi que des contrats de 7 milliards de dollars ont été signés en 2021 entre ces deux pays.

 

Les congressistes américains ont exigé du Département d’Etat d’activer la loi dite «Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act» (CAATSA), qui sanctionne depuis 2017 tout pays qui signe des accords de défense ou de renseignement avec la Russie et d’autres Etats classés «ennemis» par les Etats-Unis.

 

C’est donc sous la pression des Américains, dont les messages ont été transmis directement par leur ambassadrice à Alger, Elizabeth Moore Aubin, qui a rencontré de hauts responsables civils et militaires algériens en novembre dernier, que le régime algérien a fini par faire machine arrière en tripatouillant à la dernière minute sa Loi de finances 2023, mais sans baisser réellement le budget de l’armée. Bien au contraire, le montant non assigné du ministère des Finances, plus de 18 milliards de dollars, fait office de caisse noire à disposition des généraux.

 

Il est à rappeler que la forte pression occidentale a contraint l’Algérie à annuler des manœuvres militaires qu’elle comptait organiser conjointement avec la Russie, du 16 au 28 novembre dernier à Béchar, près de la frontière avec le Maroc. De même, Abdelmadjid Tebboune, qui vient de critiquer en des mots à peine voilés la présence des mercenaires russes de Wagner au Mali, a également reporté sine die, voire annulé, une visite prévue auparavant du 17 au 19 décembre 2022 à Moscou.

 

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