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Quand le Maroc envoyait un mémorandum pour la décolonisation de Ceuta, Mellila et les Îles Chafarines

Neuf mois avant d’organiser la Marche Verte pour exiger du colon espagnol de se retirer du Sahara occidental, le Maroc s’engageait sur un autre front pour son territoire septentrional. Le Royaume nouvellement indépendant adressait un mémorandum au comité spécial de décolonisation des Nations Unies pour libérer Ceuta, Melilla, les Îles Chafarines, les Îles Alhucemas et le Rocher de Badis.

Le mémorandum, cité par les «Mémoires du patrimoine marocain» dans son septième volume, énonce à propos de ces zones : «Seules subsistent sur la côte afro-méditerranéenne, ces colonies dont la superficie ne dépasse pas 32 km2, les derniers vestiges de l’occupation (…). Le Maroc n’a jamais cessé le long de son histoire d’exiger la récupération ces zones se trouvant sur son sol de manière à atteindre l’unité territoriale. Son attitude au niveau bilatéral ou international en témoigne».

En effet, depuis son indépendance, le Maroc a toujours considéré Ceuta et Mellila comme une partie intégrante de son territoire et a refusé de reconnaître la légitimité du gouvernement espagnol. La population d’origine marocaine des deux villes bénéficie des mêmes droits que le reste des citoyens marocains.

Démarches auprès de l’ONU

Depuis son indépendance, le Maroc a tenu à ouvrir le dialogue concernant les deux enclaves avec l’Espagne. Le 7 octobre 1974, le représentant du Maroc auprès des Nations Unies a exigé selon les «Mémoires du patrimoine marocain», devant l’Assemblée Onusienne, d’ouvrir les négociations avec l’Espagne. Il avait souligné que cette dernière ne devait pas rejeter les pourparlers, surtout qu’elle propose la même alternative pour régler le différend de Gibraltar. Le 25 novembre 1975, le roi Hassan II a insisté, dans une conférence de presse suite au refus de l’Espagne d’entamer des négociations avec le Maroc, que le dialogue reste primordial.

«Je suppose qu’un jour, à l’avenir, la Grande-Bretagne devra logiquement rendre Gibraltar à l’Espagne, tout comme l’Espagne devra nous rendre Ceuta et Melilla. Sauf qu’il n’y a pas de négociations ni de pressions. La politique marocaine ne repose pas sur les pressions mais sur le dialogue et l’amitié.»

Bien que le Maroc ait tenté de transférer l’affaire des deux villes et des îles occupées par l’Espagne, surtout en 1975, auprès des Nations Unies, l’Organisation ne les a jamais reconnues comme des régions occupées qu’il faut libérer.

Ceuta et Melilla…Des siècles d’occupation

L’occupation de Ceuta, Melilla et des Îles Chafarines est l’une des conséquences de l’affrontement entre le monde islamique et l’Europe pendant les croisades au 15ème siècle qui avait la Méditerranée pour arène. Le sort des deux villes s’est retrouvé lié à ces confrontations, compte tenu de leur emplacement stratégique qui faisait d’elles un portail du monde islamique vers l’Europe et vice versa.

Le déclin de la dynastie de Banû al-Ahmar qui gouvernait Grenade pendant le 15ème siècle a été l’une des causes de la perte des deux villes. Les dirigeants de Castille et le Portugal avaient chassé la présence islamique en Andalousie pendant les guerres de récupération. En 1492, Grenade tombait et avec elle, d’autres villes d’Espagne. Le pape avait alors demandé l’invasion des côtes septentrionales et atlantiques et Ceuta s’est retrouvée sous l’emprise portugaise en 1415. Ce n’est qu’en 1580 qu’elle est passée aux Espagnols, alors que Melilla, elle, a résisté jusqu’en 1497.

Les autres dynasties qui se sont succédées au Maroc ont tenté de libérer les deux villes de la poigne espagnole, mais en vain. Au 16ème siècle, le roi Moulay Ismaïl assiégeait longuement Ceuta sans pouvoir y accéder. Sidi Mohammed Ben Abdellah, un autre sultan alaouite trouve autant de succès avec Melilla.

Mohammed Ben Abdelkrim El Khattabi et l’erreur stratégique

Les tentatives de récupération des enclaves persistent au fil du temps sans jamais pouvoir atteindre leur visée, surtout lorsque l’Espagne appuie son autorité en imposant le protectorat au Nord du Maroc, au début du siècle dernier. Plusieurs ouvrages historiques mentionnent qu’au déclenchement de la résistance armée contre l’occupation française et espagnole au Maroc, le leader de révolution rifaine Mohammed Ben Abdelkrim El Khattabi avait un avantage militaire et aurait pu récupérer Melilla. L’absence d’une telle initiative a même été considérée par certains comme une erreur stratégique.

Après son indépendance, le royaume n’a pas cessé de revendiquer les deux villes et les autres îles, malgré le refus catégorique de l’Espagne de tout débat sur ce sujet. Le voisin ibérique finit par écraser tout espoir en imposant en 1995 un régime autonome aux deux cités, sous souveraineté espagnole.

Douze ans plus tard, soit en novembre 2007, le roi Juan Carlos d’Espagne s’est même rendu à Ceuta dans le cadre d’une visite officielle, la première d’un monarque espagnol depuis 1972. Un message clair aux autorités de Rabat pour mettre fin à tout espoir de récupération des deux présides.

Il semblerait que le Maroc a fini par mettre ses revendications en veilleuse, Rabat n’ayant plus de moyens pour faire pression sur Madrid. Cette dernière, devenue une puissance mondiale, s’est même placée en tant que premier partenaire économique du royaume chérifien. D’ailleurs, la place de l’Espagne en tant qu’ancien colonisateur du Sahara occidental lui a conféré une position de force, obligeant son voisin du Sud à mettre de côté ses revendications quant à la récupération de Ceuta et Melilla et des autres îles.


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