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Quand les juifs marocains dénonçaient la discrimination en Israël

Au début des années 1940, le nombre de Marocains de confession juive s’élevait à 250 000, selon de nombreux récits historiques. Mais avec la création de l’Etat d’Israël le 14 mai 1948 sur les territoires palestiniens, ce chiffre commence à diminuer, alors que le Mossad, le service de renseignement israélien, débute ses actions, aux côtés des organisations sionistes, pour transférer les juifs vers la «Terre Promise». Les dirigeants sionistes de l’époque avaient un besoin urgent d’attirer le plus grand nombre de juifs de différents pays afin de changer la réalité démographique sur le terrain et faciliter le contrôle des terres. 

Mais tout comme les autres Séfarades, les juifs marocains, qui constituent aujourd’hui la deuxième plus grande communauté d’Israël après ceux d’origine russe, étaient considérés comme citoyens de seconde zone, tandis que des concessions étaient accordées aux juifs ashkénazes, d’origine européenne. En fait, des distinctions existaient même entre juifs marocains.

Selon le site du ministère des Affaires étrangères, Israël avait fixé les conditions d’immigration, en préférant accepter des Marocains «jeunes et en bonne santé» pour «contribuer au développement du jeune Etat», tandis que les personnes âgées ou souffrantes étaient forcées d’attendre. Certains seraient «morts avant d’avoir eu la chance d’émigrer».

«Comme toute immigration des pays arabes vers Israël, les Juifs du Maroc ont également été confrontés à de nombreuses difficultés à leur arrivée dans le pays. Ils ont été traités comme des personnes sans civilisation, violentes et primitives, malgré leurs traditions et civilisations diverses et riches qui ont été préservées au fil des ans (…) Le surnom de « Maghribi Sakhin » a été particulièrement offensant, laissant entendre que la nature des Juifs du Maroc était impulsive et violente.»

Ministère israélien des Affaires étrangères

Depuis la déclaration de l’établissement d’Israël, les Ashkénazes se sont emparés des centres du pouvoir et ont tenté de présenter Israël comme un pays moderne de style européen. En 2018, des archives de l’Etat hébreux, datant des années 1950 et 1960, ont été déclassifiés, révélant l’existence d’un programme officiel approuvé par les autorités israéliennes de l’époque afin de contrôler le processus de migration et d’installation des juifs des pays d’Afrique du Nord. Les dirigeants du mouvement sioniste envoyaient des juifs marocains dans le désert du Néguev, tandis que des juifs d’origine européenne vivaient dans les grandes villes. L’absence des juifs marocains de la scène politique en Israël, malgré leur grand nombre, s’est poursuivie jusqu’à la fin des années 1960, lorsqu’ils ont décidé de se révolter.

Black Panthers, le mouvement qui terrorise Israël

Les signes de protestation contre le statu quo dans la «Terre Promise» remontent à 1959, lorsqu’une vague de manifestations a balayé la ville de Haïfa après qu’un policier israélien a tiré sur une personne d’origine marocaine dans un quartier de la ville. La réaction de la police était en elle-même raciste, accusant les manifestants d’être des «ivrognes au chômage».

Au début des années 1970, la colère des juifs d’origine marocaine prendra un autre tournant, lorsqu’un groupe décide de créer un mouvement de gauche sous le nom de «Black Panthers». Parmi ses fondateurs figurent Charlie Biton, né en 1947 à Casablanca, Sa’adia Marciano, né en 1950 à Oujda, et Reuven Aberge, né en 1943 à Rabat.

Après sa création, le mouvement réclame l’autorisation de manifester pacifiquement devant la municipalité de Jérusalem, pour protester contre le fossé social. La décision est alors rejetée par le Premier ministre Golda Meir, sans donner de raisons. Dans la soirée, la police procèdera à des arrestations, déclenchant de nouvelles manifestations. Des affrontements ont eu lieu dans la plupart des villes où vivaient des juifs d’origine nord-africaines, au cours desquels des slogans sont scandés, appelant à la chute de «l’Etat ashkénaze».

En 1974, Sa’adia Marciano est arrêté pour avoir lancé une bombe dans le bureau d’un rabbin. Il est condamné à trois mois de prison. Ces arrestations, ces campagnes de fouille et ces abus visant des membres du mouvement déclenchent à nouveau des affrontements, durant lesquels l’exécutif réagit violemment et arrête les dirigeants de l’organisation. Israël est alors secoué par des manifestations massives et violentes.

De plus en plus de postes de responsabilité mais la discrimination persiste

Face à la montée de la colère, le gouvernement finit par ouvrir le dialogue avec les «Black Panthers» et forme un comité général pour enquêter sur les allégations de discrimination. Les résultats de l’enquête montrent alors que de nombreuses classes en Israël étaient victimes de discrimination. 

Dans la foulée, les budgets des départements chargés des affaires sociales ont été augmentés de manière significative. Les protestations des Juifs d’origine marocaine ont conduit au renversement du Parti Mapaï (le Parti des Travailleurs de la Terre d’Israël) en 1977, et à l’arrivée au pouvoir, pour la première fois, du Parti Likoud dirigé par Menahem Begin.

Les juifs marocains occupent enfin des postes de décision. D’ailleurs, même dans l’actuel gouvernement de Benjamin Netanyahu, dix ministres sont d’origine marocaine.

Cependant, malgré ce changement, les Juifs d’origine marocaine affirment toujours être victimes de discrimination. En 2018, une étude israélienne a rapporté qu’il existe d’énormes écarts d’accès au marché du travail israélien entre les Juifs occidentaux et orientaux.

Elle a expliqué que 78% des nouveaux employés dans des fonctions gouvernementales sont des Juifs occidentaux, contre 22% des Juifs de l’Est, tandis que 60% des Ashkénazes gèrent les départements des ressources humaines dans les institutions gouvernementales, contre 40% des Séfarades.

La discrimination en Israël ne se limite pas aux juifs d’origine nord-africaine. En 2015, des juifs d’origine éthiopienne, appelés Falasha, ont protesté contre la discrimination pratiquée à leur encontre. Des affrontements entre forces de l’ordre et citoyens ont alors eu lieu, faisant des dizaines de blessés.


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