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Quand Roosevelt et Churchill échangeaient sur la Seconde guerre mondiale à Casablanca

Le 14 janvier 1943, Casablanca accueillait la Conférence d’Anfa. Cette rencontre entre les Alliés de la Seconde guerre mondiale, qui s’est poursuivie jusqu’au 24 janvier à l’hôtel Anfa, avait fixé plusieurs objectifs. Décidée par le président des Etats-Unis, Franklin Roosevelt, et le Premier ministre britannique, Winston Churchill, l’évènement a connu la participation des généraux français Henri Giraud et Charles de Gaulle.

Nous sommes le 3 septembre 1939, date à laquelle le sultan Mohammed Ben Youssef annonce la participation du Maroc, aux côtés des Alliés, à la Seconde guerre mondiale. Une série d’événements s’en suivent, à commencer par la trêve entre les Alliés et les forces de l’Axe germano-italo-japonais, annoncée du 25 juin au 8 novembre 1942, et l’arrivée des forces américaines au Maroc dès le 8 novembre 1942, programmée dans le cadre de l’Opération Torch. Depuis cette date, le Maroc est, lui aussi, en état d’alerte. Dans la nuit du 30 au 31 décembre 1942, un bombardement mené par dix-huit avions allemands frappe la capitale économique. Le raid de Derb Tolba, à proximité de l’Avenue El Fida et de la route de Mediouna, fait 110 morts.

Plusieurs décisions militaires adoptées lors de la Conférence d’Anfa

Il faudra attendre plusieurs autres événements au niveau mondial pour que le président américain Franklin Roosevelt et le Premier ministre britannique, Winston Churchill décident de se rencontrer à Casablanca pour prendre toute une batterie de mesures. «L’arrivée des deux dirigeants a constitué un tournant décisif dans la Seconde guerre mondiale, puisque le monde libre voyait désormais son chemin vers la victoire. C’est à Anfa que le président américain a annoncé que les Alliés poursuivraient la guerre jusqu’à ce que les forces ennemies rendent les armes sans condition», écrivait l’historien français Guy Martinet, cité dans le sixième volume de l’ouvrage «Mémoires du patrimoine marocain» (éd. Nord Organisation, 1986). Guy Martinet écrit que la conférence d’Anfa a redonné de «l’espoir aux Européens», rappelant que la rencontre a été ponctuée d’importantes décisions militaires.

«La conférence a adopté plusieurs décisions militaires, concoctées par les services secrets américains et britanniques, notamment la conquête de la Sicile puis de l’Europe dès le printemps 1944. Les plans de cette dernière opération ont été préparés à la Villa Mirador (l’actuelle résidence du consul américain à Casablanca, ndlr) où résidait [Winston] Churchill.»

Le président américain, Franklin Roosevelt et le Premier ministre britannique, Winston Churchill, le 22 janvier 1943 à Casablanca / Ph. DR.

Selon l’historien français, Franklin Roosevelt s’était engagé, «par écrit», à fournir des armes aux soldats de l’Afrique du Nord. Elles seront livrées dès le mois d’avril de l’année suivante. Sur le plan diplomatique, la Conférence d’Anfa a été l’occasion pour le président américain de rencontrer le sultan Sidi Mohammed Ben Youssef. Une rencontre qui «constitue un fait historique, un prélude de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord et un signe d’espoir de l’indépendance du peuple marocain», poursuit l’historien français.

Une rencontre historique entre Mohammed V et Franklin Roosevelt

Vendredi 22 janvier 1943. Quelques jours après les décisions prises par les Alliés, le président américain reçoit le sultan chérifien à deux reprises dans sa résidence de Villa Saada, d’abord en tête-à-tête, puis lors d’un dîner officiel auquel assistent le prince héritier Moulay El Hassan et Elliott Roosevelt, le fils du président américain.

«Après des discussions sur la situation générale, la discussion s’est résumée entre mon père (feu le roi Mohammed V, ndlr) et le président américain. Ce dernier a alors affirmé que le colonialisme n’était plus d’actualité et qu’il devrait bientôt prendre fin. Il a même dit attendre le jour où le royaume du Maroc décrochera son indépendance conformément au traité de l’Atlantique Nord», écrivait feu le roi Hassan II en 1976 dans ses mémoires intitulées «Le défi» (éditions Albin Michel).

Elliott Roosevelt, pour sa part, écrivait dans «Mon père m’a dit» (Flammarion, 1947) que les deux leaders parlaient en français lorsqu’ils évoquaient l’indépendance du Maroc, alors que le Premier ministre britannique avait tenté, «à maintes reprises», de changer de sujet. «Le sultan a affirmé à mon père que le Maroc sollicitera les Etats-Unis, juste après la guerre, pour aider le royaume dans un processus général de développement. Quand il (feu Mohammed V) parlait, ses yeux brillaient de joie, alors qu’il évoquait ‘un avenir meilleur’ pour son pays», rapportait-il.

Feu le roi Mohammed V en compagnie du président américain Franklin Roosevelt et du Premier ministre britannique, Winston Churchill / Ph. DR.Feu le roi Mohammed V en compagnie du président américain Franklin Roosevelt et du Premier ministre britannique, Winston Churchill / Ph. DR.

Dès le 13 mai 1943, les Alliés avaient réussi à récupérer Tunis au moment où les soldats marocains, au nombre de 35 000, représentaient plus de la moitié du contingent militaire. Dès novembre, pas moins de 10 000 militaires marocains arrivent à Naples et près de 75 000 soldats du royaume envahissent Rome en décembre. On connaît à partir de ces dates les victoires signées par les goumiers marocains qui se sont illustrés par leur courage, leur dévouement et leur sacrifice.

En 1943 toujours, le parti de l’Istiqlal est créé par les nationalistes qui publient, le 11 janvier 1944, le Manifeste de l’Indépendance. Quelques années plus tard, le mouvement national marocain prend la forme d’une lutte armée avec la création de l’Armée de libération nationale (ALN) pour arracher à la France l’indépendance du Maroc.

L’erreur de traduction qui a sauvé Casablanca

Selon le sixième volume de l’ouvrage «Mémoires du Patrimoine Marocain», les habitants du quartier chic d’Anfa étaient contraints, dès la deuxième semaine de janvier, à quitter leurs maisons. La zone a ensuite été militairement sécurisée et surveillée. Une mission confiée aux Américains. Des espions espagnols, qui habitaient au Maroc et travaillaient pour le compte des Allemands, auraient fait état de la Conférence d’Anfa où le président américain et le Premier ministre britannique se rendront. Une erreur de traduction a fait que le nom de la ville blanche, Casablanca, soit traduit en «Maison blanche». Les Allemands auraient alors cru que la réunion se tient à Washington et non pas à Casablanca. Cette dernière avait donc abrité les pourparlers internationaux sans aucune intervention étrangère.


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