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Un siècle d’exploration pétrolière et gazière sans réel succès au Maroc

Depuis au moins deux ans, des compagnies pétrolières et gazières actives dans l’exploration au Maroc multiplient leurs annonces de «découvertes» de gisements ou de «potentialité» d’un forage. Rien qu’en septembre dernier, une entreprise britannique évoquait un «potentiel gazier» concernant sa licence offshore située au large de Larache. Beaucoup d’effet d’annonce pour peu de résultats en réalité. Si les compagnies étrangères qui se sont intéressées au Maroc à la suite de l’amendement de la loi sur les hydrocarbures et ses différents avantages fiscaux, tendent à grossir certaines informations, c’est surtout pour rassurer leurs investisseurs et en séduire d’autres.

En réalité, cela fait plus d’un siècle que le Maroc a démarré des opérations de forage dans l’optique de devenir, un jour, lui aussi un pays producteur de pétrole. Un rêve qui s’est transformé en mirage. «Dès avant 1914, des suintements d’huile avaient été découverts en bordure du Rif et à l’Est de la plaine du Gharb, ce qui entraîna plusieurs sociétés privées à s’intéresser à la recherche pétrolière au Maroc», écrit la chercheuse Jacqueline Bouquerel, dans «Le pétrole au Maroc» (Revue Les Cahiers d’Outre-Mer,1966).

Des quantités modestes traitées au Maroc

Les prospections se feront alors d’une façon «fragmentaire». De 1919 à 1928, le bilan est de «moins de 5 000 mètres [ayant] été forés ; trois sondages seulement atteignaient ou dépassaient la profondeur de 300 mètres», ajoute-t-elle.

Mais les chercheurs d’or noir se lasseront. En avril 1929, le Maroc décide de revoir ses cartes, en créant la Société chérifienne des pétroles» (SCP), à partir de sociétés existantes, le tout sous la propulsion du Bureau de recherches et de participations minières (BRPM). L’entreprise se charge, elle-même, des forages. Ce n’est qu’en 1934 qu’elle annonce en grande pompe la découverte du gisement du Jebel Tselfate, dans la région de Sidi Kacem.

«Sondages et études géologiques se poursuivirent faisant jaillir le pétrole du gisement de Aïn Hamra du Bou Draa, presque épuisé [en 1966 déjà, ndlr], mais qui constitua pour le Maroc un appoint précieux pendant la guerre.»

Jacqueline Bouquerel, «Le pétrole au Maroc»

Et dès 1947, les prospections se multiplient. En revanche, jusqu’en 1950, la production reste faible, atteignant à peine 40 000 tonnes par an. Et malgré les «découvertes successives de poches d’huile, sur les bordures de l’oued Beht, en aval d’El Kansera, des gisements de Sidi Fili, Bled Eddoum, Bled Khatara et Zraar, puis le champ de Haricha», la production ne dépasse guère 118 000 tonnes en 1954.

A l’époque, la production en pétrole brut représentait à peine «15 % des besoins du Maroc, évalués alors à 700 000 tonnes par an». Les perspectives d’avenir et les réserves demeuraient «modestes». L’optimisme laisse donc la place à la crainte avec un déclin des champs pétrolifères du Gharb. La stratégie de la SCP basée sur la multiplication des forages aboutira, entre 1958 et 1959, à la mise à jour de gisements de gaz situés au Jebel Jeer, Jebel Kechoula, à proximité de Safi.

Des Marocains sur un site d’exploration à Sidi Kacem. / Ph. Sidika.co.ma

Une exploration à l’arrêt à plusieurs reprises 

Parallèlement, «la promulgation de la loi des hydrocarbures a attiré des investissements internationaux. Les explorations effectuées par le BRPM et ses partenaires ont été étendues sur la plupart des bassins marocains», raconte-t-on sur le site de l’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM), l’entité qui viendra remplacer, en 2003, le BRPM. On parle alors de «découverte d’accumulations commerciales de pétrole et de gaz dans les bassins d’Essaouira et du Gharb». Deux ans plus tard, soit en novembre 1961, le puits de Sidi Ghalem près de Mogador commence déjà à produire, avec des «réserves évaluées à plus de un million de tonnes» à l’époque, précise Jacqueline Bouquerel.

En 1962, la production pétrolière marocaine s’est élevée à 124 000 tonnes environ, et celle de gaz naturel à environ 9 millions de mètres cubes. Une production, traité dans son ensemble au Maroc, alors qu’un «appoint important en pétrole brut ou raffiné a dû être acheté à l’étranger». Deux ans plus tard, des sondages effectués par cinq compagnies pétrolières, dont le SCP, dans plusieurs régions s’avèrent, dans l’ensemble, «décevants». C’est aussi à partir de cette année que la prospection pétrolière sera freinée, puis pratiquement arrêtée en 1965.

À la fin de 1981 pourtant, et grâce aux bassins découverts à Essaouira et dans le Gharb, «la production cumulée de pétrole a avoisiné 9 millions de barils de pétrole et 35 milliards de pieds cubes de gaz», précise l’ONHYM. Et même si le Maroc a créé, entre 1981-1986, l’Office national de recherches et d’exploitations pétrolières (ONAREP) pour développer l’exploration des hydrocarbures, le «contre choc pétrolier de 1986», lorsque le prix du baril de pétrole baissera jusqu’à 10 dollars, achèvera les activités de prospection au Maroc pour cette période, du moins jusqu’en 1999.

Un camion citerne de la Société chérifienne des pétroles. / Ph. DRUn camion citerne de la Société chérifienne des pétroles. / Ph. DR

Après Talsint, l’heure est à la prudence

Dans les années 2000, le Maroc renoue avec ses ambitions. Il procède ainsi à l’amendement de sa loi des hydrocarbures, optant pour des avantages alléchants aux compagnies étrangères ;  une ouverture à double tranchant. C’est durant cette même période que l’affaire de Talsint éclatera.

Ainsi, à l’occasion du 47ème anniversaire de la Révolution du roi et du peuple, le monarque annoncera aux Marocains, via la télévision nationale, la «découverte du pétrole et du gaz à Talsint». Le soufflet retombe vite avec le dégonflement des estimations fournies par la compagnie. Quelques années plus tard, Lone Star, l’entreprise chargée de ce projet se retrouve au cœur d’une affaire juridique, n’ayant pas tenue ses promesses de permettre au Maroc de «s’autosuffire pendant 30 ans».

Une leçon que le Maroc va retenir. En 2003, les autorités marocaines décident de fusionner l’ONAREP et le BRPM pour donner naissance à l’ONHYM. Ce dernier, partenaire dans tous les permis d’exploration accordés à des sociétés étrangères se montrent, depuis, très prudent quant aux multiples annonces qu’elles font.

Pour l’instant, aucune  découverte majeure de pétrole ou de gaz qui permettrait au Maroc de devenir un producteur et un exportateur de l’or noir n’a été confirmée. L’ombre de Talsint laissera un goût amer pour un pays qui rêvait d’une manne pétrolière. 


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