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Un traité du XVIIIe siècle a posé les jalons d’une cohabitation avec les musulmans

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Le Traité de Tripoli, a été signé en novembre 1796 entre les Etats-Unis d’Amérique et la Régence de Tripoli (Libye). Son adoption finale par le Sénat américain s’est faite en juin 1797, portant ainsi le sceau du président John Adams (1797 à 1801).

La signature de ce texte s’inscrit dans le cadre des relations initiées par les Etats-Unis avec des dirigeants musulmans, comme a été le cas avec l’Algérie et la Tunisie, lorsque des traités similaires ont été signés respectivement en 1795 et 1797 par les administrateurs ottomans et les représentants américains.

Ce Traité dessine notamment les prémices d’une séparation entre l’Eglise et l’Etat américain, comme indiqué dans son article 11. En effet, ce dernier énonce qu’«aucun prétexte résultant des avis religieux ne produira une interruption de l’harmonie» entre les dirigeants américains et les communautés mahométanes.

«Comme le gouvernement des Etats-Unis n’est en aucun cas fondé sur la religion chrétienne, il n’a aucun caractère d’ignominie contre les lois, la religion ou la quiétude des musulmans, et comme lesdits Etats ne sont jamais entrés en conflit ou entrepris un acte d’hostilité contre une nation mahométane, les parties déclarent qu’aucun prétexte découlant d’opinions religieuses ne pourra entraîner une rupture de l’harmonie existante entre les deux pays», lit-on dans ce texte.

L’inclusion des musulmans à la vie publique par les Pères de la nation

Depuis qu’ils ont posé les jalons de la république américaine, les premiers présidents (Pères fondateurs des Etats-Unis, George Clymer, Benjamin Franklin, Elbridge Gerry, Robert Morris, George Read, Roger Sherman, James Wilson et George Wythe) ont conçu expressément l’inclusion des musulmans comme un des principes de la liberté de religion dans le pays, indique le chef du département des manuscrits de la Bibliothèque du Congrès, James H. Hutson, dans son écrit intitulé «Les Pères fondateurs de la nation et l’islam».

Celui-ci rappelle que l’inspiration des Pères fondateurs est puisée elle-même dans «Lettre sur la tolérance» de John Locke, parue plus d’un siècle (1689) avant ce Traité. Cet écrit du philosophe britannique a insisté pour que les musulmans et tous les croyants en Dieu soient acceptés en Angleterre. «Faisant campagne pour la liberté de religion en Virginie, Jefferson a suivi Locke, son idole, en exigeant la reconnaissance des droits religieux du Mahométan, du Juif et du Païen», indique James H. Hutson.

Ce dernier rappelle le soutien dont a bénéficié Jefferson de la part de celui qui présidera le Second Congrès continental, Richard Henry Lee. En effet, l’homme politique s’est fait connaître en déposant, le 7 juin 1776, la «Résolution d’indépendance» ayant accéléré la rédaction de la Déclaration d’indépendance des Etats-Unis. «La vraie liberté (…) englobe le Mahométan et le Gentoo (hindou), ainsi que la religion chrétienne», a souligné Lee dans sa motion, citée par James H. Hutson.

En d’autres termes, même la question de savoir si un musulman pourrait un jour être président des Etats-Unis a été tranchée par l’élargissement de la conception des valeurs de liberté chez les Pères fondateurs, dont les principes ont inspiré fortement la Constitution américaine.

De plus, le Traité d’amitié entre les Etats-Unis et Tripoli mentionne qu’aucune raison historique ne justifierait d’éventuelles hostilités envers les dirigeants musulmans, compte tenu de cette référence à la cohabitation instaurée dans le pays avec ces mêmes communautés vivant en son sein.

En revanche, les termes de ce texte ont été violés en 1801 avec une offensive menée en Afrique du Nord. De plus, ses pricipes n’ont pas fait oublier le passé esclavagiste vécu par les premiers musulmans qui sont arrivés en outre-Atlantique.

Tourner la page de l’esclavage des musulmans d’Amérique

Cité par Vox, le chercheur Richard Brent Turner explique en effet que «dans les premières années de la fondation de l’Amérique, la grande majorité des musulmans n’étaient pas des citoyens mais des esclaves». Selon les estimations, le nombre des concernés varie de 40 000 (aux Etats-Unis seulement) à trois millions sur tout le continent.

Plusieurs parmi eux «ont été éduqués et alphabétisés en arabe» et ont souvent occupé «des postes de direction dans les emplois où on été affectés les esclaves dans des propriétés terriennes du sud des Etats-Unis», indique le chercheur. «Leurs noms, leurs vêtements, leurs rituels et leurs réglementations alimentaires ont marqué significativement les identités islamiques au sein de la communauté des esclaves», ajoute la même source.

Mais au fil des années, cette situation évoluera, surtout en 1785, après ces mentions aux relations non-hostiles entre les Pères de la nation et les musulmans d’ordre général. Le 14 novembre de cette année, un groupe de citoyens du comté de Chesterfield (Virginie) investissent en effet l’assemblée de l’Etat, pour manifester leur soutien à l’inclusion des Mahométans, des juifs et des chrétiens à la notion de liberté. Ils ont expliqué leur démarche à partir du souci que les Américains ne doivent pas «devenir [leurs] propres ennemis et affaiblissent ainsi cet Etat naissant».

«C’est le travail des hommes dans nos manufactures, leurs services rendus dans les mers et sur ce sol qui agrandissent notre pays et non leurs croyances», indiquent les citoyens de Chesterfield dans leur déclaration commune, citée par James H. Hutson. Ainsi l’islam et son inclusion ont été intégrés à la vision étatique de la république étasunienne, à travers une conception ouverte des libertés religieuses, posant ainsi les jalons d’une égalité qui s’est façonnée par la suite au XIXe siècle.

En effet, cette nouvelle ère a vu l’édification des premières mosquées des Etats-Unis et les premiers mouvements migratoires musulmans non-esclaves. Un siècle plus tard, cette communauté contribuera encore à écrire l’histoire égalitaire du pays, via sa participation active au Mouvement des droits civils.


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