Art & CultureMaroc Diplomatique

Rabat célèbre la Culture africaine et Afro-descendante

Par Farida Moha

C’est ce mardi 24 janvier que sous le Haut patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI Rabat, capitale africaine de la Culture, inaugure une grandiose journée en hommage à la Culture avec la présence de plusieurs personnalités et représentants de pays africains notamment. Le thème est celui de la Culture afro-descendante (JMCA), célébrée de par le monde mais dont Rabat est détentrice.

Convenons-en : dans les grandes décisions qui impactent la marche du monde, l’Afrique n’a pas voix au chapitre. Aujourd’hui l’Afrique est absente des consultations et des décisions mondiales, absente de nombre d’organisations internationales comme le Conseil de sécurité. Pourtant, jamais son influence dans le domaine de la culture, musique, de la danse, de la peinture, de la mode, du design n ‘aura été aussi grand et aussi impactant dans la vie quotidienne de milliards de personnes à travers le monde. Les choses pourraient néanmoins changer. La culture, les pratiques culturelles des communautés africaines et afro descendantes dotées d’un immense potentiel créatif pourraient devenir des éléments essentiels des facteurs de puissance à côté de son poids démographique et économique pour que l’Afrique, puisse peser sur les décisions géostratégiques du monde.

Après son combat pour la libération, puisé dans la force de sa culture, l’Afrique mène pour résoudre ce paradoxe, toujours par la force de sa culture et de son soft power, une autre bataille, celle de faire entendre sa voix au monde. Pour faire également reconnaître le patrimoine africain à sa juste valeur et pour former les nouvelles générations à « penser l’Afrique  dans une perception  endogène  et non pas dans une vision biaisée à travers le prisme d’une culture exogène » comme le déclarait l’écrivain Henri Lopez, ancien Premier ministre du Congo. La célébration ce 24 Janvier de la Journée mondiale de la culture africaine et afro descendant (JMCA) offre au Maroc une opportunité pour nous approprier cette perception endogène comme un enrichissement. Rabat, la capitale du Royaume du Maroc , désignée « Capitale africaine de la culture » a en effet ouvert et assure le cycle d’Afri-capitale jusqu’en mai 2023 avec une triple ambition : être une vitrine pour le rayonnement de la  culture africaine  qui doit retrouver toute sa place dans le patrimoine culturel et pluriel de l’humanité, construire un réseau de capitales culturelles développées sur tout le continent pour permettre aux populations de voir se hisser l’art africain produit en Afrique ou par des afros descendants et enfin intégrer la culture dans le développement. Il s’agit en un mot de se donner les moyens d’une réappropriation culturelle des africains « par et pour eux-mêmes ». Cela passe aussi par l’école. Si demain en effet l’on pouvait intégrer dans les programmes des auteurs  comme Cheikh Anta Diop, Chinua Achebe, Mariama Ba, Amadou Hampaté Mba  ou Senghor et Aimé Cesaire…et les griots de la culture orale, l’identité et la dignité de nos enfants n’en sortiraient que renforcées.

Enraciner la culture au plus près des populations

Pour Jean-Pierre Elong Mbassi, secrétaire général des Cités et gouvernements locaux Unis d’Afrique « il est important que la culture s’enracine dans notre continent. CGLU Afrique qui organise avec le ministère de la culture et la Mairie de Rabat cette journée de commémoration, a pris l’initiative de faire en sorte que le débat sur la culture soit aussi un débat local, un débat sur les collectivités territoriales ». Il ajoute : « Lorsque nous nous sommes réunis à Africités à Marrakech en 2018 il a été décidé de célébrer la capitale africaine de la culture et Rabat a été choisi comme première capitale culturelle de l’Afrique. »

Dans ce sens, il faut rappeler le travail  réalisé par la CGLU afin de sensibiliser les élus locaux à l’intégration de la culture dans le développement, pour inscrire celle-ci au cœur des politiques locales  comme 4ème pilier et élément moteur  du développement durable des villes et territoires en Afrique. Des secteurs entiers comme le tourisme, l’entreprenariat, la recherche en profiteraient. Avec in fine, la possibilité de renforcer l’approche adoptée par le dernier Sommet de l’Union Africaine de débattre des arts de la culture et du patrimoine comme leviers pour construire l’Afrique de nos ambitions, une approche inscrite dans l’Agenda 2063.

A Rabat, on assiste aujourd’hui à un alignement des astres avec la tenue de manifestations de grande qualité comme l’exposition « Art du Benin d’hier et d’aujourd’hui, de la restitution à la révélation » au Musée Mohammed VI de Rabat qui réunit une centaine d’œuvres. En filigrane de cette perception endogène , le colloque de la Chaire des littératures et des Arts africains a organisé un colloque international à l’Académie du Royaume du Maroc  sur « l’invention des écritures et l’état du narratif en langues africaines ». L’objectif comme le souligne l’organisateur Eugéne Ebodé étant de replacer l’inventivité linguistique africaine  dans un récit continental relié à l’aventure universelle des idées. Une narration urgente pour renseigner et requalifier l’Afrique qui pense et innove par-delà ses clivages e ses divisions pré et post coloniales ». Eugéne Ebodé rappelle au passage, l’invitation permanente de Sa Majesté le Roi à « faire de la culture le lien et le liant à la terre africaine ».

« Reconnaissance et Réappropriation »

Connaissance, reconnaissance, réappropriation, tels sont les objectifs de ce mardi 24 janvier, journée mondiale de la culture africaine et afro-descendante (JMCA) célébrée dans le monde entier et avec une attention particulière à Rabat qui assume avec engouement sa mission de capitale Africaine de la Culture. Le professeur Célestin Monga de l’Université de Harvard donnera une conférence sur « L’histoire de l’Afrique, Histoire de l’humanité ». Cette rencontre sera suivie d’ateliers, de la présentation du manifeste de la Culture et de la remise du prix MCA-Kekeli pour honorer les personnalités  qui œuvrent pour la culture africaine et pour la paix et la concorde entre les peuples. Qui œuvrent avec une ambition celle de revisiter et revivifier les cultures orales, les palabres, la poésie, la littérature africaine, le cinéma, les spectacles, les rythmes d’Afrique, les parades, les concerts, les danses…Tout ce que compte le patrimoine matériel et immatériel.

« Faire culture ensemble »

Dans la longue durée du temps, et dans l’immensité de l’espace du continent (30 millions de km2) mais aussi dans le basculement du monde, la créativité des peuples africains n’a jamais été aussi diversifiée et aussi forte, malgré les souffrances et les tourments accumulés au cours des siècles comme les déportations ou le colonialisme qui ont renforcé paradoxalement la résilience des peuples. Il s’agit aujourd’hui dans une globalisation effrénée,  de réussir le défi d’être ouvert au monde et de travailler concomitamment à la labellisation des larges pans de la culture africaine. A Rabat, l’objectif est  aussi de « faire culture ensemble »  et  de mieux ancrer les pratiques culturelles passées et présentes de l’Afrique, les penser au futur notamment pour une jeunesse au cœur des agendas politiques en mettant en avant une solidarité interrégionale mais aussi intergénérationnelle. Faire de la culture ensemble c’est aussi intégrer la diaspora et ses enfants nés en dehors du continent qui sont en demande des cultures africaines pour se construire  et acquérir  confiance. Qu’ils soient d’Europe, du Brésil ou d’Amérique, les afro-descendants sont partie intégrante de la réalité de l’Afrique qu’ils enrichissent de leur apport. Les diasporas francophone, anglophone ou lusophone constitueraient, semble-t-il , le sixième continent ; dans ce basculement du monde marqué par les épidémies, les conflits et les tensions, les changements climatiques, ils ont su rappeler que la culture, ce « supplément d’âme » reste plus que jamais essentielle et que l’Afrique a contribué à la civilisation à part entière. A Rabat Julius Garvey, fils de Marcus Garvey précurseur du panafricanisme qui avait lancé le mouvement « Back to Africa » sera présent à cette journée avec une pléiade de personnalités, ambassadeurs, Commissaire aux affaires sociales et culturelles de l’Union Africaine, historiens, artistes, créateurs, Haut-Commissaire des Diasporas africaines en France, de journalistes et rédacteurs en chef, écrivains  tous acteurs qui participent à la renaissance culturelle du continent. Une grande journée en perspective qui sera conclue par un débat sur le Manifeste pour la régénération de la culture africaine et afro-descendante devant servir de document de base à la réunion des ministres africains de la culture prévue au mois de mai prochain à Rabat.


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