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Tunisie: pourquoi les géants du secteur pharmaceutique quittent le pays

Trois filiales de multinationales implantées en Tunisie vont plier bagages d’ici la fin de l’année en cours, selon le Syndicat des entreprises pharmaceutiques innovantes et de recherche (Sephire), un syndicat professionnel rassemblant 18 laboratoires pharmaceutiques de droit tunisien. Il s’agit des filiales locales de Bayer, GSK et Novartis spécialisées dans les médicaments des maladies chroniques et de différents types de cancer.

Seulement, selon la corporation et d’autres acteurs du secteur, d’autres laboratoires pourraient prendre la même décision de désinvestir si des décisions ne sont pas prises pour arrêter l’hémorragie. L’on cite notamment l’américain Pfizer.

Dans une déclaration à l’agence officielle TAP, Amine Zaghdoudi, président du Sephire, a estimé qu’il s’agit d’une catastrophe et a dénoncé la crise actuelle du secteur pharmaceutique.

Sur le départ de ces multinationales, plusieurs raisons sont avancées. Mais, la principale reste le problème de paiement. En effet, selon le Sephire, le gouvernement doit, à travers la Pharmacie centrale de Tunisie (PCT), aux laboratoires un montant estimé à 750 millions de dinars, soit plus de 234 millions de dollars. Et la crise que traverse la PCT ne donne pas d’espoir à ses fournisseurs de médicaments, et ce, d’autant que les autorités ne semblent pas tenir leurs promesses de renflouer l’entreprise.

«Le retard de paiement n’est pas l’unique raison expliquant le départ prévu d’ici 2022 de trois multinationales pharmaceutiques de la Tunisie. De graves dysfonctionnements d’ordre financier, administratif et de gouvernance ont motivé cette décision», souligne le syndicat.

Au problème du paiement, s’ajoutent, entre autres, la faiblesse des autorisations de mise sur le marché de médicaments innovants, posant le problème de leur remboursement, le délai long d’enregistrement des nouveaux médicaments, de 4 à 6 ans, alors qu’il ne dépasse pas 9 mois dans les pays voisins, la lourdeur administrative…

Malheureusement, selon le Sephire, «entre promesses non tenues et rendez-vous non respectés, les difficultés se sont amoncelées au point d’arriver à un niveau de pénurie de médicaments sans précédent qui sera sans doute aggravée par le désinvestissement de certains laboratoires innovants qui fournissent, en valeur, deux tiers des médicaments dans le secteur hospitalier et un tiers dans le secteur officinal, sachant que 52% des médicaments fournis par ces laboratoires n’ont pas d’équivalent sur le marché local».

Evidemment, ces départs auront des impacts négatifs sur l’économie tunisienne. D’abord, ils se traduiront par un départ de capital, une perte de production et d’emplois… Ensuite, c’est un très mauvais signe en termes d’attractivité d’un pays. Cela pourrait décourager d’éventuels acteurs qui avaient l’intention de s’implanter en Tunisie.

En outre, ces départs auront des répercussions négatives sur l’industrie et l’approvisionnement en médicaments de la Tunisie, sachant que le secteur ne couvre que 54% des besoins en médicaments du pays. Selon le président du Syndicat des pharmaciens privés, Naoufel Amira, cité par Business News, «on parle d’entreprises qui ont investi dans notre pays et qui y opèrent depuis des dizaines d’années. Pour toutes les maladies nouvelles, c’est eux qui font les recherches et qui nous apportent les médicaments.»

Et à cause des départs annoncés, l’objectif que se sont fixé les autorités de porter le taux de couverture en médicaments à 70% dans les années à venir risque de ne pas être atteint. Il faut, par ailleurs, s’attendre à de futures importations de médicaments et donc une dépendance accrue vis-à-vis de l’étranger au moment où les pays essayent de plus en plus d’assurer leur autonomie en matière de santé. Actuellement, selon le Sephire, 40% du chiffre d’affaires total des laboratoires pharmaceutiques innovants en Tunisie est généré par la fabrication locale.

Du coup, ces départs risquent de fragiliser encore plus le secteur pharmaceutique tunisien au moment où l’approvisionnement de plusieurs médicaments fait déjà défaut.

Face à cette situation, en plus du problème du paiement des dettes, les professionnels du secteur appellent à la levée des compensations pour certains médicaments, la révision de leurs prix et l’octroi d’autorisation de production aux entreprises établies en Tunisie.

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