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A la présidence du Brésil, Lula entame le mandat le plus délicat de sa carrière

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Après avoir passé 580 jours en prison pour des condamnations pour corruption, annulées par la suite par la Cour suprême, et au terme de l’élection présidentielle la plus polarisée de l’histoire de la première puissance latino-américaine, le leader de la gauche s’apprête à officialiser son comeback spectaculaire et à faire renaitre de ses cendres tout un mouvement politique qui était voué à périr.

Du haut de ses 77, Lula prêtera serment lors d’une cérémonie à sécurité extrêmement renforcée, après l’avortement d’une tentative d’attentat à l’explosif et la découverte d’engins explosifs à la périphérie de la capitale, un climat exacerbé par un mouvement d’extrême droite qui refuse d’accepter le retour au pouvoir de l’icône de la gauche brésilienne.

Les autorités ont dû mobiliser toutes les forces de l’ordre pour cette cérémonie qui verra la présence d’une vingtaine de chefs d’Etat et de gouvernement, en plus de quelque 300 mille personnes qui assisteront aux festivités.

Ce mandat sera en effet l’une des missions les plus difficiles de la carrière de Lula. L’enjeu sera de taille, car le pays traverse une polarisation violente et une épineuse crise économique et sociale, sans parler des conflits politiques au sein de sa propre coalition, ce qui l’obligera à marcher prudemment sur la voie de la concrétisation du projet ambitieux qu’il a promis aux électeurs.

Pour ce faire, Lula a annoncé, comme il l’avait d’ailleurs promis, le « gouvernement le plus diversifié de l’histoire ». Il a désigné 37 ministres issus de 9 partis pour rejoindre l’Exécutif le plus grand en nombre de l’histoire du pays, dont Anielle Franco – soeur de la leader sociale et féministe assassinée par une milice en 2018 – comme ministre de l’Égalité raciale et l’afro-descendant Silvio Almeida comme ministre de Droits humains. Aux affaires étrangères, il a choisi un diplomate de carrière, Mauro Vieira, et à la Défense, José Múcio Monteiro, l’ancien président de la Cour des comptes, alors que l’industrie et le commerce ont été confiés à son vice-président, Geraldo Alckmin.

« Au Brésil, règne une atmosphère de revanchisme, qui laisse Lula confronté au défi majeur de rassembler les Brésiliens. Lula sera probablement en mesure de contrôler le Congrès, bien qu’il est majoritairement marqué à droite et au centre, dans une partie d’échecs où se mêleront intérêts politiques et ententes avec le pouvoir judiciaire », a expliqué dans une déclaration de l’expert brésilien en géopolitique et relations internationales, Vinicius de Freitas.

Pour M. Vinicius de Freitas, Senior Fellow au think thank Policy Center for the New South (PCNS), le Brésil « vit un exercice démocratique pénible qui met à l’épreuve le principe de séparation des pouvoirs, de contrôle de l’Exécutif et les équilibres entre les différents acteurs ».

Si le gouvernement de Lula est le plus bariolé de l’histoire c’est parce que l’ancien président (2003-2010) veut s’assurer une le maximum d’appui au Parlement, où la droite et le centre sont majoritaires depuis les élections d’octobre dernier. Il l’est aussi parce que le prochain président veut apaiser les ardeurs et atténuer la polarisation qui peut miner ses projets de réforme.

Cela permettra au futur président une base de pouvoir plus large que celle de son électorat, ce qui, à son tour, permettra une plus grande entente avec d’autres pouvoirs de l’État, la justice et les gouvernements régionaux au sein desquels la droite a également réalisé une percée sans précédent.

Les gestes de bonne foi envers les secteurs conservateurs de la politique visent également à réduire les tensions qui existent avec le marché et les groupes économiques les plus puissants, qui voient Lula comme une menace pour l’initiative privée et la libéralisation du marché. Le choix d’Alckmin, un homme plus marqué à droite, visait justement à rassurer la sphère des affaires dans le pays.

Selon les observateurs, le risque qu’est en train de courir Lula est le mécontentement qui pourrait surgir dans ses bases de soutien, étant donné que l’électorat, qui a voté pour le PT à la recherche d’un gouvernement progressiste, ainsi que les formations plus à la gauche, pourraient craindre que ces accords ne fassent dévier le nouveau gouvernement.

Force est de constater que Lula n’aura pas beaucoup de marge interne et il n’en trouvera pas non plus hors des frontières du Brésil, où la volonté de récupérer l’espace et la reconnaissance internationale du géant sud-américain se heurtent à une nouvelle donne géopolitique née de la guerre en Ukraine et la concurrence acharnée entre les Etats-Unis et la Chine, ses deux principaux partenaires.

« Au plan international, de par sa stature et de son apport économique, je pense qu’il n’y aura pas de changements radicaux dans la politique étrangère. A partir du 1er janvier, on peut s’attendre néanmoins à une plus grande coopération entre les pays d’Amérique du sud. La question de l’Amazonie sera l’un des aspects qui connaîtront le principal revirement dans la position du gouvernement brésilien », souligne l’universitaire, Altair de Sousa Maia.

Or, le pire de ses défis sera plutôt socio-économique, estime M. De Freitas. « Le monde connaît une inflation élevée, les principales économies occidentales sont confrontées à des problèmes de coût élevé de l’énergie et la Chine, principal moteur de l’économie brésilienne, fait face à des problèmes internes qui ralentissent sa croissance », a-t-il indiqué.

La dette publique brésilienne s’élève à environ 76,8 % du PIB, avec une tendance à la baisse par rapport au pic de 90 % atteint dans les premiers mois de la pandémie, mais elle reste à des niveaux élevés.

Le pays de 215 millions d’habitant maintient un déficit primaire depuis fin 2014, ce qui a conduit le pays à accumuler un déficit consolidé de 4,21% du PIB, alors que la principale promesse électorale de Lula signifiera une plus grande pression sur les comptes publics, puisqu’il allouera environ 28 milliards de dollars à l’aide sociale.

L’économie du pays terminera l’année avec une croissance de 2,9%, mais elle ralentira significativement en 2023 (1%), qui reviendra à percevoir moins d’impôts, d’autant plus que la politique monétaire agressive de la Banque centrale contre l’inflation a fait monter les taux d’intérêt à 13,75%, un frein majeur à la consommation, principal moteur de l’économie brésilienne.

Les dépenses obligatoires de l’État, telles que le paiement des salaires des fonctionnaires, de la sécurité sociale ou des retraites, n’ont cessé de croître ces dernières années, en partie du fait du vieillissement de la population, et en 2023 elles consommeront 93,7 % du budget public. Cela réduit la capacité d’investissement du gouvernement à environ 25 milliards de dollars, en baisse de près de 15% par rapport à 2022, selon la Fondation Getúlio Vargas (FGV).

Par ailleurs, si le taux de chômage s’est amélioré à 8,7% de la population active – bien qu’il soit voué à replonger en 2023 -, la pauvreté a grimpé en flèche en 2021, atteignant 29,4% de la population, ce qui représente 62,5 millions de personnes.

Pendant la campagne, Lula a déclaré qu’il s’agissait des élections les plus importantes de sa vie. Un défi qu’il aura relevé avec succès. Désormais, il entame le second, celui de gouverner un pays divisé, dans un contexte politiquement complexe, voire hostile, et au milieu d’une conjoncture interne et externe moins favorable que lors de ses deux premiers mandats.


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