Bahija Gagnon: «Nous voulons produire de plus en plus de films arabes mais surtout marocains»

Entretien avec Bahija et Samuel Gagnon, producteurs maroco-canadiens

Rencontré lundi soir près du Palais des congrès dans la ville ocre, ce couple de producteurs maroco-canadien s’exprime sur sa participation au 5ème programme Ateliers de l’Atlas relevant du Festival international du film de Marrakech. Un projet destiné à déclencher un échange entre une nouvelle génération de cinéastes et professionnels. L’occasion d’interroger les Gagnon sur leurs projets dans le cadre de ces Ateliers. Entre autres, ils citent le film «Le lac bleu » de Daoud Aoulad Sayed qu’ils ont connu et vont coproduire, ainsi que d’autres projets qu’ils dévoilent dans cet échange à bâtons rompus.

ALM : Vous prenez part cette année aux Ateliers de l’Atlas. Qu’est-ce que cela vous fait-il d’y participer ?
Bahija Gagnon : En fait c’est la deuxième année que nous y participons. L’année dernière c’était virtuel. Nous étions à Montréal. Nous nous réveillions à quatre heures du matin vu le décalage horaire pour pouvoir assister aux pitchx et présentation des projets. Donc nous avions remarqué qu’il y avait une bonne qualité de projets sélectionnés. Même cette année, nous sommes impliqués dans une coproduction minoritaire. C’est un projet de long-métrage qui était aux Ateliers. Il s’agit du film «Le lac bleu» de Daoud Aoulad Sayed que nous avons rencontré l’année dernière. C’est un très bon projet. Puis nous adorons cette collaboration avec lui et nous voulons refaire la même expérience cette année.

Et quelle serait la valeur ajoutée de votre participation à ce projet ?
Samuel Gagnon : C’est pour cela que nous sommes là. Nous ne sommes pas porteurs de projets ici cette année. Nous y sommes en tant que producteurs canadiens pour pouvoir rencontrer les différents porteurs de projets sélectionnés par les Ateliers. L’idée pour nous de les rencontrer c’est pour voir s’il y a des projets intéressants auxquels nous pourrons contribuer. C’est le cas, comme Bahija l’a dit, du projet l’an dernier de Daoud Aoulad Sayed. Je pense aussi l’an dernier que cette expérience était très bonne donc nous voulons continuer parce que la qualité des projets l’était aussi. Cette année, puisque ce n’est pas virtuel la qualité serait meilleure probablement. Le fait de le faire en présentiel cela permet de bien se connecter avec les gens, de faire du réseautage. Donc je pense que, pour les Ateliers, c’est mieux d’avoir plusieurs partenaires. Et nous ne sommes pas seuls, il y a un ami à nous, qui est aussi un producteur canadien invité outre d’autres de pays européens. Plus il y en a, plus il est possible, pour les projets sélectionnés par les Ateliers, de trouver des partenaires convenables. Parfois, ce n’est pas juste question de partenaire, mais c’est aussi question d’affinités, de se pencher sur le projet de façon passionnée.

Il y a aussi la question de timing malheureusement pour le financement, cela est hyper important. Donc plus les partenaires étrangers sont ici pour des rencontres, plus les Ateliers augmentent les chances. Et avant le festival, il y a des workshops. Et nous voyons les résultats de tout cela. Le pitch est aussi le résultat de tout ce travail. Et nous avions hâte d’y assister. Mercredi et jeudi, il y aura plusieurs activités de réseautage. Pour notre part, nous avons au moins onze rendez-vous planifiés avec des porteurs de projets. Par la même occasion, nous avons déjà participé à d’autres programmes comme ça à Djeddah.

Qu’en est-il de la réaction des candidats lors des Ateliers de l’atlas?
Samuel Gagnon : Nous faisons projet par projet. Le fait de participer sur un film dans les prochaines années c’est déjà très bien. Le film avec Daoud bientôt, c’est pour nous une preuve de succès. C’est une preuve aussi pour nous que c’est important de répéter l’expérience. Au FIFM c’est un bon endroit pour trouver de bons projets. Cette année, nous avons vu qu’il y a beaucoup de bons projets marocains.

Mais est-ce qu’un réalisateur de renom comme Daoud Aoulad Sayed a vraiment besoin de s’exporter en passant par vous ?
Samuel Gagnon : Beaucoup. Et pas que lui. Nous allons faire un film cette année aussi et que nous avons rencontré dans un autre festival. C’est le réalisateur palestinien Rachid Macharaoui qui a été deux fois à Cannes, plusieurs fois à Berlin, Saint-Sébastien et Venise. Tous les cinémas nationaux sont indépendants, nous essayons toujours de chercher du financement pas juste dans le pays mais aussi à l’extérieur. C’est important de pouvoir trouver de bons endroits où nous sommes capables de faire les bonnes rencontres. Déjà, les Ateliers ont permis à Daoud de nous rencontrer.

Et quelle serait votre empreinte pour cet événement ?
Bahija Gagnon : Je pense que le fait qu’il y ait plus de monde cette année c’est une réaction normale après la Covid. Cette année c’est en présentiel. Nous avons vécu aussi une expérience à Cannes où il y avait une effervescence pas normale. Pour répondre à votre question, c’est comme l’année dernière, nous espérons tomber sur un projet coup de cœur comme «Le lac bleu» que nous allons suivre et développer avec le ou la réalisateur (rice) et essayer de financer au Canada aussi.

Samuel Gagnon : Par exemple, il y a un projet de Younes Bouab qui a aussi un pied au Canada. C’est un projet que nous avons hâte de voir. Il y a aussi Asmae El Moudir en postproduction entre autres.

Qu’en est-il de votre apport pour la renommée de Hassan El Fad au Canada?
Samuel Gagnon : (rires). C’est elle !
Bahija Gagnon : Nous y avons tous contribué. Quand le réalisateur cherchait un acteur marocain pour le rôle d’un prof de philosophie retraité dans un village éloigné à Imsouan. Nous avions plusieurs noms mais nous avons pensé à Hassan qui habite à Montréal. Quand on pense à lui, on pense toujours comédie mais on oublie qu’au début de sa carrière il faisait des rôles du drame. Quand nous l’avons proposé à Claude Gagnon, réalisateur et père de Samuel, il a aimé l’idée.
Samuel Gagnon : Cela a aidé à faire connaître Hassan à Montréal où il est quand même timide. Depuis notre film, Bahija reçoit des coups de fil d’autres producteurs québécois.

Alors est-ce que vous allez faire la même démarche avec d’autres ?
Samuel Gagnon : Pour le moment, nous voulons coproduire avec Daoud Aoulad Sayed, Mohamed Nadif pour son film financé également par le Centre cinématographique marocain avec une portion de tournage au Canada, nous y sommes ses partenaires et bien d’autres. Nous sommes aussi attachés à un autre projet marocain outre d’autres courts et longs-métrages.

Est-ce possible d’avoir une idée sur la pérennité de votre participation aux Ateliers de l’Atlas ?
Bahija Gagnon : Oui. Nous essayons même de participer aux ateliers de différents festivals arabes comme Djeddah et Le Caire, entre autres. Mais Marrakech, c’est dans mon pays. Nous allons essayer d’être persévérants et d’y assister.

Samuel Gagnon : Nous voulons produire de plus en plus de films arabes mais surtout marocains parce que nous avons des racines ici même moi si je peux dire. Mais nous parlons avec plusieurs producteurs, réalisateurs, scénaristes et acteurs marocains avec qui nous avons des relations pour faire des films ensemble.

Bahija Gagnon : Il faut savoir aussi qu’entre le Canada et le Maroc, il y a un traité de coproduction alors que nous n’en avons pas avec tous les pays. Entre le Canada et l’Egypte par exemple, il n’y en a pas par contre. Mais le traité n’est pas très exploité sauf avec le film de Hassan Benjelloun et le film «Femmes et femmes». Nous sommes intéressés parce qu’il faut profiter de ce traité pour faire plus de films.

Un dernier mot… ?
Samuel Gagnon : J’aimerais bien parler des responsables des Ateliers de l’Atlas, Thibaut Bracq, et Lucas Rosant. Je dis chapeau bas à Lucas. Et Thibaut tient vraiment à ces Ateliers. Et Lucas nous a dit de rencontrer le projet de Daoud Aoulad Sayed qui est spécial. Aussi Thibaut a sélectionné le projet. Ce sont des gens qui travaillent super fort pour les Ateliers et leur succès. Nous espérons revenir mais avec notre propre projet pour être pitché et sélectionné éventuellement.


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