Haji Syed Salman Chishty: «Les principes fondateurs de la Tariqa Chishtiyya sont le service de l’humanité»

Questions à Haji Syed Salman Chishty, président de la fondation Chishtiyya.

Il vient de participer au 15ème Festival de Fès de la culture soufie qui se poursuit jusqu’au 29 octobre. Il y a récité une prière en ouverture. Nous l’avons rencontré au lendemain de sa performance et avant de prendre part à des tables rondes. Dans cet entretien, il présente les fondements de la Tariqa Chishtiyya en Inde ainsi que son travail à l’international.

ALM : On entend un peu parler de la Tariqa (confrérie) Chishtiyya d’Inde. Mais on n’en connaît pas les dessous. Pourriez-vous nous les révéler davantage?

Haji Syed Salman Chishty: Déjà, le Maroc et l’Inde ont des attaches très communes aux « Awliae » (pieux adorateurs). Pour ma part, je viens au Maroc depuis 2010. La première fois, je suis venu à Fès avec une chorale de musiciens en Samaa et Dhikr (louanges) en provenance d’Ajmer Cherif de la Tariqa Chishtiyya, notamment au festival international de soufisme. Nous y avons été invités par Dr Faouzi Skali. Et maintenant en 2022, nous avons la même expérience. Pour répondre à votre question, la Tariqa Chishtiyya est omniprésente non seulement en Inde mais aussi au sud et sud-est d’Asie. Et elle remonte au XIème siècle, notamment aux «Awliae», à savoir son excellence Khawaja Moen Eddine Hassan Chishty venu de Médine à Ajmer Cherif en Inde. Tout comme au Maroc, il y a plusieurs Zaouïyas, comme Zaouïya El Kadir d’Inde, le plus grand centre du soufisme et de spiritualité islamique, qui est, à Ajmer Cherif, non seulement pour l’Inde mais aussi le sud de l’Asie. C’est un héritage que nous, en tant que Chishty, servons avec amour inconditionnel. Nos principes fondateurs sont le service de l’humanité. De son côté, Khawaja Moen Eddine Hassan Chishty nous a demandé de développer trois attributs naturels à l’égard de l’existence.

Quels sont ces attributs?
Il s’agit du soleil comme grâce, de rivière comme générosité et terre comme hospitalité. Il est question de ne jamais faire de différence entre les «doigts» servis. Au Maroc, vous avez par exemple la Tariqa Kadirya, Boutchichiya, Tijania entre autres. C’est la même lignée que la Chishtiyya. Donc il y a le caractère spirituel. Et Ajmer Cherif est comme Fès d’Inde. Donc la ville spirituelle est autant importante pour le Maroc qu’Ajmer Cherif pour l’Inde. C’est une ville de « Awliae » et pour plusieurs personnes de toutes les croyances tout comme à Fès et son festival de culture soufie où il y avait en ouverture plusieurs croyances aux côtés de celles musulmanes. C’est le cas aussi dans plusieurs Zaouïyas et à Ajmer Cherif où des personnes hindoues, sikhes, musulmanes entre autres se rassemblent, servent ensemble et expérimentent la bénédiction de l’amour.

Est-ce qu’il peut y avoir des points communs entre votre Tariqa et une autre marocaine ?
Il y a plusieurs points en commun. Par exemple, j’étais invité, avant la Covid, par Moulay Mounir de la Tariqa Boutchichiya à Madagh et nous faisons la même célébration ainsi que le même service aux personnes comme la nourriture. Donc la Chishtiyya est aussi importante puisqu’elle offre le service de nourriture à toutes les personnes qui y viennent outre le dhikr d’Allah tout comme la Tariqa Boutchichiya. Dans la Chishtiyya il y a aussi dhikr Allah. Donc tous les principes sont les mêmes. Ceux de servir et de mener les personnes vers la passion divine. C’est une vraie passion et c’est très important. Pour l’atteindre, il y a aussi l’amour pour son Prophète Mohammed. Et c’est ça l’essence de toutes les tariqas. De par le monde, nous sommes tous unis de par l’amour du Prophète. Lorsque nous récitons Ses louanges, c’est la force qui nous lie à la passion pour le Prophète qui nous prend vers celle divine. Donc toutes les tariqas et «Awliae» sont les lumières luisantes de celle mohammadie. La lumière du prophète résonne dans le cœur et la vie des «Awliae». C’est tout comme en Inde, Khawaja Moen Eddine Hassan Chishty est le premier à établir la Tariqa Chishtiyya, après il y a eu d’autres «Awliae» comme Baba Qutbuddin Bakhtiar Kaki, et plusieurs «Awliae» du Cashemire, du Bengale et tous les endroits. Je pense que c’est le facteur commun entre les tariqas qui consiste à servir l’humanité avec amour inconditionnel.

Alors est-ce que vous transmettez ces valeurs aux plus jeunes ?
A vrai dire, plusieurs jeunes bénéficient de nos programmes. Et il est temps de mener les jeunes et la nouvelle génération vers la passion d’Allah et son Prophète en leur apportant les bonnes manières comme le service et la foi. Les manières sont aussi le comportement. Nous faisons cela avec des textes sacrés, notamment le Coran, la calligraphie, la poésie et la musique. Ce que l’Islam a de plus beau comme Asmae Allah El Housna (Les noms de Dieu), dhikr Allah et Samaâ (Qawwali). Les jeunes répondent assez à la fréquentation de la tariqa et de la voie du Prophète, ainsi que la condition islamique. Donc avec les jeunes, il est important de les rapprocher de Dieu avec amour, voire poésie, musique spirituelle et soufie, dhikr Allah, art, culture. C’est ce que nous faisons dans notre fondation qui travaille aussi à l’international via cette initiative.

En ouverture du festival, vous avez récité une prière. Mais qu’en est-il de vos propos dans les conférences que vous avez animées?
En effet, j’ai eu une conférence avec des leaders soufis le temps d’une session académique. Je suis également intervenu lors d’une autre table ronde avec différents soufis invités au festival. Après quoi, je pars à Dubai pour un autre programme pour me diriger après en Indonésie pour participer à un sommet.

Quel regard portez-vous sur le soufisme au Maroc ?
Le Royaume est aussi un pays très important. Sa Majesté le Roi Mohammed VI et la famille royale ont toujours appuyé les tariqas. Ils s’y sont dédiés. Et c’est important d’avoir cet appui pour diffuser le message du soufisme. Je pense que la culture soufie est une initiative importante que le Maroc a diffusée et préservée. Parce que pour préserver cette culture, c’est aussi important de contrecarrer le radicalisme et l’extrémisme. Quand il y a une valeur soufie, les enseignements des «Awliae» pour les jeunes dans un pays, cela permet aussi de contrecarrer les problèmes de radicalisme et d’idéologie extrémiste, de violence et terrorisme. Donc c’est important que le Maroc ait préservé cet apprentissage des «Awliae». Et nous félicitons la famille royale et le gouvernement du Maroc pour cela ainsi que la manière dont à Fès les personnes s’activent en Tariqa pour servir. D’ailleurs j’ai été invité régulièrement à la célébration du Mawlid par la Tariqa Boutchichiya à Madagh par Moulay Mounir et Sidi Hamza. D’ailleurs, j’ai eu la chance d’être en sa présence il y a des années déjà. Donc je pense que les «Awliae» et Zaouïya ont toujours connecté activement le peuple marocain ensemble à la lumière du Coran, Hadith, Sunna pour l’amour du Prophète. C’est pour nous un moment heureux d’expérimenter cela au Maroc. Encore une fois nous félicitons le peuple marocain qui porte cette culture de soufisme dans sa vie et son cœur.

 


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