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Sand to Green, la start-up franco-marocaine qui veut reverdir le désert – Aujourd’hui le Maroc

Agroforesterie et dessalement de l’eau de mer

Modèle innovant  : La startup franco-marocaine Sand to Green a récemment levé un million de dollars pour mettre sur pied son modèle de plantations en milieu aride au Maroc. La jeune entreprise voit grand puisqu’elle ambitionne de reverdir les déserts par l’agroforesterie et le dessalement de l’eau de mer. Benjamin Rombaut, CEO de Sand to Green, nous en dit davantage.

 

ALM : En quoi consiste exactement votre projet ? Et quels services proposez-vous aux entreprises qui y adhèrent ?
Benjamin Rombaut : Notre projet est un projet agricole de réhabilitation des terres arides et plus généralement des terres dégradées grâce à l’agroforesterie et le dessalement de l’eau de mer. Plus précisément, nous combinons des stratégies d’agroforesterie développées spécifiquement pour ces milieux désertiques, que nous associons à des unités de dessalement d’eau pour déployer à grande échelle des plantations d’arbres et de culture qui vont produire des fruits, différents végétaux et capter du carbone. Nous avons donc différents types de revenus : agricoles (fruits et plantes, notamment herbes aromatiques et fourrages) et l’émission et la vente de certificats d’impacts sur le marché volontaire compensatoire en carbone.

Aussi nous proposons nos projets à des investisseurs en agriculture et nous nous chargeons ensuite de les développer pour eux. Cela leur permet donc de financer une agriculture régénératrice des sols et écologique car elle ne crée pas de déforestation, avec un fort impact social, mais qui assure des rendements similaires, voire supérieurs à de l’agriculture conventionnelle. Par ailleurs, nous proposons également à des entreprises qui veulent compenser leurs émissions carbone nos certificats à haute valeur ajoutée car en plus de certifier la captation carbone, ils attestent également de nombreux autres impacts positifs : lutte contre l’insécurité alimentaire, restauration de la biodiversité, protection de l’environnement, bonne gestion de l’eau, etc.

Pourquoi avez-vous pensé à l’implantation d’arbres et au dessalement de l’eau de mer comme solutions à adopter ?
Un arbre, en s’enracinant et en grandissant, va recréer un petit cycle de l’eau par l’ombre qu’il crée, ses racines, son évapotranspiration et sa photosynthèse. Ainsi, dès qu’on replante un arbre, on permet à tout un écosystème de se construire autour de lui.
Aujourd’hui, les déserts représentent environ 1/3 des surfaces émergées sur terre et avancent chaque année : on estime que cette avancée représente 12 millions d’hectares, c’est-à-dire à peu près 23 hectares qui disparaissent chaque minute. Pour lutter contre cela, le dessalement permet d’apporter un coup de pouce, une aide initiale aux arbres pour s’implanter dans un environnement assez hostile et très faiblement pourvu en eau. A mesure qu’ils se fortifient, ils deviennent de plus en plus autonomes grâce à leur capacité à gérer leur propre cycle de l’eau.

Finalement, nous nous sommes rapidement rendu compte et nos travaux l’ont montré, qu’en aidant simplement, et de manière astucieuse, la nature à s’implanter sur un territoire désertique, les bénéfices étaient nombreux et immédiats. Ainsi, nous croyons qu’une lutte sérieuse contre le dérèglement climatique et pour la protection de l’environnement doit utiliser cette intelligence humaine au service d’une restauration à large échelle des terres désertiques. Comme ces grands défis qui entraînent d’autres, nous avons enfin choisi des espèces qui peuvent être utiles à l’homme et notamment à son alimentation car dans le même temps l’augmentation de la population mondiale et notamment africaine va davantage s’accentuer et nécessite également des réponses agricoles de grande envergure.

Pourriez-vous nous donner une idée sur les différents tests agronomiques menés durant 3 ans dans le sud du Maroc, dans la région de Guelmin-Oued Noun ?
Wissal Ben Moussa, notre Chief Agricultural Officer, a testé pendant trois ans différentes stratégies de cultures pour mieux comprendre lesquelles d’entre elles étaient les plus adaptées aux conditions extrêmes que sont les conditions désertiques. Une partie de ces tests s’est révélée extrêmement fructueuse et a conduit à de nombreux résultats: production d’une tonne de légumes par semaine, sélection des meilleures semences adaptées à l’aridité, gestion du vent et optimisation de l’eau, installation d’unités de transformation communautaire…
Finalement ces trois ans de test ont conduit à définir la meilleure combinaison de végétaux en milieu aride, que nous voulons aujourd’hui développer à large échelle sur des plantations de plusieurs centaines d’hectares.

Quel impact social et environnemental souhaiteriez-vous générer à travers ces projets écologiques ?
Avec ces grandes plantations nos objectifs sont multiples. Socialement, nous voulons créer des emplois dans des zones fortement touchées par l’exode rural. Nous voulons également proposer des produits à haute valeur ajoutée aux marchés locaux et qui soient adaptés aux régimes alimentaires des communautés. Enfin, nous voulons également partager notre savoir-faire agricole pour permettre à chacun de « cultiver son jardin » et ainsi œuvrer à l’autonomie et à la sécurité alimentaire des zones arides.
Écologiquement, nous voulons par l’agroforesterie refertiliser les sols dégradés et permettre, petit à petit, leur restauration. Aussi, nos plantations visent également à réimplanter de la biodiversité, à fixer de l’azote dans le sol, à capter du carbone et donc, finalement, à permettre une agriculture à impact positif, qui soit bonne pour l’environnement et l’humanité.

Quels types d’arbres proposez-vous à l’implantation dans les zones désertiques ? Et pourquoi des espèces d’arbres plutôt que d’autres ?
Nous avons étudié puis choisi une dizaine d’espèces spécifiques à même de s’insérer dans nos plantations d’agroforesterie. Ce choix s’est effectué selon 4 critères principaux : nous voulions des arbres endémiques des régions arides et adaptés à leurs sols, qui captent du carbone, qui soient utiles à l’homme (économiquement viables) et qui permettent enfin de refertiliser les sols.
Dans nos premières plantations, nous plantons des figuiers, des caroubiers et des grenadiers, en plus de nombreuses cultures intercalaires. Nous nous sommes fortement inspirés des cultures ancestrales pratiquées dans les oasis qui pratiquent depuis plusieurs millénaires ce type d’agroforesterie. En témoigne cette citation de Pline l’ancien (23 – 79 après JC), auteur romain, naturaliste et philosophe naturel sur l’agroforesterie au 1er siècle en Tunisie : «A l’ombre d’un palmier orgueilleux pousse un olivier, et sous l’olivier, le figuier et le grenadier, et sous celui-ci le raisin. Sous le raisin, le blé, puis les légumineuses. Enfin, les légumes-feuilles. Tout cela dans la même année, et chacun étant nourri à l’ombre de l’autre.»

Le dessalement de l’eau de mer nécessite beaucoup de moyens d’investissements. Comment comptez-vous opérer le dessalement de l’eau de mer à petite échelle ?
Le besoin croissant en eau douce de nos sociétés, combiné au dérèglement du cycle de l’eau, engendre de fortes disparités entre le besoin en eau douce et sa disponibilité, nous poussant ainsi à trouver de nouvelles solutions pour y répondre. Le dessalement de l’eau de mer a donc connu de fortes avancées ces dernières années, diminuant ainsi son prix au mètre cube, et les futures évolutions sont prometteuses, notamment grâce aux membranes au graphène.

L’utilisation de cette technologie à petite échelle, et modulaire, représente plusieurs avantages pour Sand to Green. Tout d’abord, nous avons une meilleure maîtrise des coûts et de notre production, en comparaison des grosses usines de dessalement. Ensuite, cette plus faible production nous permet de recycler notre saumure (solution hyper-salée issue du processus de dessalement). Enfin, les investissements nécessaires à l’installation de ces unités sont en partie compensés par les crédits carbone et justifient ainsi le critère d’additionnalité, c’est-à-dire que le projet n’aurait pas pu être mis en œuvre sans le financement de la vente des crédits carbone.

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