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Les compétences numériques, un must pour devenir une digital nation

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Le besoin en capital humain numérique agile et qualifié grandit, alors que l’offre reste faible. Les experts ayant pris part à la première rencontre des Huawei Talks, organisée le 15 mars à Casablanca, estiment qu’il faut investir davantage dans la transversalité et la formation des jeunes aux nouveaux métiers et aux nouvelles compétences dans les meilleures conditions possibles.

Le capital humain, le marché de l’emploi et l’économie numérique étaient au menu de la première édition des Huawei Talks qui a eu lieu le 15 mars à Casablanca. Né d’un partenariat entre Groupe Le Matin et Huawei, l’événement a permis de questionner les tendances du marché de l’emploi en pleine révolution digitale autour du thème «Le capital humain et le marché de l’emploi : comment gagner en compétences numériques

Les experts ayant pris part à cette rencontre appellent à agir en urgence pour pallier la pénurie des compétences numériques. «Sans nihilisme, l’heure est à l’urgence», interpelle Jamal Belahrach, CEO de DEO conseil international. En effet, ajoute-t-il, «nous n’avons plus le temps de prendre le temps. Nous sommes dans le siècle du numérique et celui-ci est caractérisé par la vitesse d’exécution». Ce point de vue est aussi partagé par Hicham Chiguer, président de l’Association des Utilisateurs des Systèmes d’Information au Maroc (AUSIM). Ce dernier regrette le fait qu’on ne prenne pas au sérieux la question du timing. Il appelle, à son tour, à agir d’urgence, eu égard à l’évolution de la transformation digitale dans le monde.

Un observatoire des compétences numériques, une solution

L’absence de données chiffrées complique davantage la résolution de ce problème. Les entreprises déplorent effectivement le peu de visibilité globale. «Comment adresser une problématique si on ne connaît ni la qualité ni la quantité de ce qu’il faut adresser ?», questionne Jamal Belarach. Et d’ajouter : «nous avons besoin de connaître ce dont nous avons besoin, dans quelle quantité et à quelle échéance, afin de réussir à prendre le train en marche». Pour pallier cette réalité, Jamal Belahrach propose de créer un observatoire des compétences numériques. Ceci permettra, note-t-il, de visualiser les évolutions des besoins et, par conséquent, d’apporter des solutions précises et adéquates. D’après l’expert, un plan d’attaque est nécessaire pour avoir une vision claire, principalement à court terme, mais également à moyen et long termes. Créer cet organisme permettrait, en outre, de ne pas avancer à l’aveugle. À noter que des études ont été publiées et des rapports établis, mais ce n’est pas suffisant, selon les arguments des experts présents aux Huawei Talks.

Guerre du recrutement, fuite des cerveaux…

En plus du manque de visibilité globale, les entreprises souffrent d’un autre mal : le manque de cerveaux et de talents. «Il y a une guerre du recrutement», expose Hicham Chiguer. Autrement dit, il y a un problème d’offre et de demande : les entreprises ont un important besoin en capital humain agile et qualifié dans le numérique, mais le nombre de personnes compétentes et formées est beaucoup plus faible. En parallèle, les startups ont également besoin de compétences. Il convient de souligner que cette demande ne consiste pas seulement en des savoir-faire techniques et purement liés au digital, mais également en des capacités d’adaptabilité, de réflexion et de gestion des risques. Ainsi, les compétences dans l’ère de la data sont colossales. Du fait de ce lien de cause à effet sur l’offre et la demande, la disponibilité des technologies et du capital humain est indéniablement liée à l’emploi.

En outre, les entreprises font face à un autre défi qui est celui de la fuite des cerveaux. Cette dynamique touche principalement les jeunes diplômés, d’où l’urgence aussi de rendre le marché marocain attractif. Selon Jamal Belahrach, il faut inverser les paradigmes pour faire face à la fuite des cerveaux en se posant la bonne question. Il ne s’agit pas, selon lui, de se poser la question «pourquoi partent-ils ?» mais «pourquoi doivent-ils rester ?»

Sur ce volet, les participants sont convaincus qu’il y a un système à revoir qui passe, entre autres, par un changement de méthode de recrutement : «une personne en recherche d’emploi ne doit pas être pénalisée, car elle n’a pas de diplôme en école d’ingénieur, mais un certificat en ligne», témoigne un participant à la première édition des Huawei Talks. «Ce sont des vrais sujets et des problèmes de taille pour le Maroc qui se veut être une digital nation, une startup nationale et un hub régional», ajoute de son côté le président de l’AUSIM.

S’exprimant à cette occasion, Saad Berrada, Chief people Officer chez Intelcia, se veut tout de même optimiste : «le Maroc reste aujourd’hui attractif pour les investissements de l’étranger dans les technologies de l’information et le numérique», souligne-t-il. Et de relever que «chez les entreprises, un vrai changement de mindset s’opère du côté des managers pour, d’une part, revoir complètement la manière dont les recrutements sont faits et, d’autre part, se rendre attractif».

Une intelligence collaborative autour de la digitalisation

Pour atteindre cet objectif rêvé de digital nation marocaine, «le point de départ, c’est l’écosystème. Mais il faut être réaliste vis-à-vis de nos capacités : on n’y est pas !», admet Saad Berrada. L’écosystème correspond à la société en général et, en particulier, au marché de l’emploi composé, lui, de l’État, des entreprises, des académies et des demandeurs d’emplois ou des employés. Sur cette même longueur d’onde, Nabil Ouchagour, Brand Officer chez Huawei, insiste sur l’importance d’avoir «un dialogue permanent entre l’État, les opérateurs privés et les institutions académiques, car c’est un marché en évolution permanente». Pour cela, insiste-t-il, un changement de mindset s’impose afin de créer une intelligence collaborative autour de la digitalisation de tous les secteurs de la société.

Rebondissant sur ce volet, Jamal Belahrach est convaincu que pour créer un écosystème favorable, la coopération et la collaboration entre les secteurs privé et public sont primordiales. «Il faut construire cet environnement ensemble en toute intelligence collective», précise-t-il. Et d’ajouter que dans cette démarche, chacun son rôle à jouer : d’une part, l’État est cantonné à un rôle structurant qui consiste à établir le cadre et, d’autre part, les entreprises doivent former aux nouveaux métiers et aux nouvelles compétences dans les meilleures conditions possibles. L’objectif est de se fédérer autour d’un projet commun, celui de produire davantage.

La formation aux nouveaux métiers, une priorité

Tous les panélistes en conviennent : l’avenir est chez les jeunes. D’après les propos de Jamal Belahrach, les dynamiques existantes ne viendraient pas de l’écosystème, mais de ceux-ci qui apprennent seuls et rapidement. À noter que certaines entreprises, associations et écoles proposent déjà des formations, principalement en ligne, d’upskilling ou de reskilling à destination des étudiants, mais également des personnes déjà sur le marché de l’emploi. C’est le cas chez Huawei qui propose des formations de e-learning. Toutes ces initiatives sont à relever, à valoriser et à développer. D’autant plus que le caractère digital de ces cours les rend faciles d’accès, et ce à plus faible coût qu’un cursus universitaire ou dans une école privée.

Or, d’après Salma Karim, chef du département humain et innovation de l’Agence de développement du digital (ADD), il manque un réel coup d’accélérateur venant de l’État afin de réformer l’éducation et de toucher plus largement la population. «Il y a des choses qu’on continue à faire comme il y a 30 ans», déplore Saad Berrada qui propose de valoriser les formations en alternance et en apprentissage à la place des stages d’un mois l’été. Et de suggérer qu’il faut former des personnes généralistes, agiles et auto-apprenantes. De même, et partant du constat que les compétences se paient, les entreprises doivent investir dans l’éducation pour donner à la jeunesse les moyens et l’envie de rester au Maroc et, par conséquent, pour répondre à leurs besoins de capital humain. «C’est une partie de la solution», estime le chef des ressources humaines d’Intelcia.

Le Maroc, une société en pleine évolution digitale

Les panélistes insistent également sur la nécessité de relever la teneur de la digitalisation qui implique que la société entière se transforme. «Il y a des changements profonds sociétaux et technologiques : le rapport à l’innovation a été chamboulé avec les nouvelles technologies», souligne Salma Karim. Par conséquent, cela signifie que les citoyens sont touchés de plein fouet, tout comme les différents secteurs de travail, en dehors du numérique. Par exemple, les questions de l’éthique et de l’utilisation des données deviennent importantes aux yeux des personnes lambdas.

Du côté des institutions, Salma Karim voit l’innovation comme une aubaine : «le digital doit être appréhendé comme une opportunité pour développer et digitaliser les process et, par conséquent, rendre le service public plus performant». Cependant, en marge de toutes ces nouvelles dynamiques et de ces besoins, le système de base existe toujours. «Il y a un problème bicéphale chez les ressources humaines : il faut attirer de nouveaux talents, mais aussi continuer à faire tourner la machine sur des choses assez classiques», note Saad Berrada. Or ces emplois-là ne sont plus aussi attractifs qu’auparavant, ce qui crée un nouveau besoin à combler.

Autant dire que les défis sont de taille pour les professionnels RH, l’État et les institutions de formation : fidéliser les profils existants, attirer de nouveaux talents, former ceux qui sont déjà sur le marché de l’emploi… Les défis doivent être relevés coûte que coûte, partant de l’idée que ce sont les collaborateurs formés, motivés et suffisamment engagés qui permettent à l’entreprise d’assurer sa compétitivité et son attractivité dans un marché en perpétuelle mutation. La concurrence est rude et accrue. Elle est aussi mondiale, d’où la nécessité et l’urgence d’agir en misant sur des avantages compétitifs.

 

Nabila Bakkass & Margaux Nourry (Journaliste stagiaire)

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