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Omar Bakkou:Nous avons tendance à surdimensionner l’inflation au Maroc

La tension inflationniste n’est pas généralisée, mais plutôt importée. C’est en tout cas ce que pense, avec conviction, Omar Bakkou, économiste et spécialiste en politique de change, invité de l’émission «L’Info en Face» du Groupe Le Matin. Quant aux décisions prises par le gouvernement et la Banque centrale pour y faire face, elles sont, pour la plupart, adéquates et saines, selon l’expert qui émet toutefois quelques réserves sur les modalités de mise en œuvre de certaines de ces solutions. Les détails.

Quelle lecture faire de la conjoncture inflationniste actuelle ? Omar Bakkou, économiste et spécialiste de la politique de change, invité de l’émission «L’Info en Face» du Groupe «Le Matin», tient à relativiser son évolution au Maroc. «Nous avons tendance à surdimensionner ce phénomène au Maroc. Car nous ne sommes pas sur une hyperinflation, mais modérée, inférieure aux niveaux observés dans les pays de la Méditerranée».
Cette inflation est, certes, très visible sur le terrain, mais il fallait s’y attendre, selon notre expert. La réforme de la Caisse de compensation et la libéralisation du marché des hydrocarbures ont été mises en place dans la perspective de faire supporter au consommateur la facture énergétique. «C’est le cas aujourd’hui», souligne Bakkou. D’ailleurs, selon l’économiste, si les matières premières ont connu une hausse importante, d’autres produits ont, au contraire, enregistré des baisses considérables. «Il faut mettre tout ça en équation», estime Bakkou.
Qu’en est-il de cette impression que le gouvernement peine à trouver des solutions efficaces pour freiner ce mouvement inflationniste ou, au moins, le ralentir ? «Il y a deux aspects qu’il faut distinguer : celui de l’approche générale en matière des politiques d’ajustement et des modalités de mise en œuvre», nuance Bakkou. Pour le premier volet, celui de l’approche générale, les solutions adoptées par le gouvernement sont, de l’avis de l’économiste, les meilleures que l’on puisse adopter, sachant que, souligne-t-il, l’État dispose d’un minimum de marge de manœuvre au vu de son état d’endettement qui dépasse de loin le seuil conventionnel de 60% du PIB. Ces solutions font que le coût de l’inflation est supporté principalement par la classe moyenne et aisée (infiniment moins importante) pour éviter à l’État de le supporter, auquel cas, les conséquences seraient désastreuses, estime-t-il. Cela se traduit par une baisse de la consommation de cette classe moyenne et, par conséquent, produit un ralentissement de la croissance économique. Concernant le deuxième volet, celui des modalités de mise en œuvre des solutions adoptées par le gouvernement, il fallait, selon Bakkou, accompagner tout cela par de la bonne gouvernance en incluant la transition énergétique.

Une grogne générale autour des prix des carburants, mais une consommation en hausse

Paradoxalement, malgré la grogne générale, la consommation de carburants est repartie à la hausse au cours du deuxième trimestre, alors que les prix des carburants n’ont jamais été aussi élevés. Est-ce pour autant un signe que la demande ne peut pas être maîtrisée ? Cette hausse de la demande n’alimente-t-elle pas la flambée de ces prix ? Oui, répond l’invité de «l’Info en Face». La réforme avait, entre autres, pour objectif d’avoir un impact positif sur les réserves de change. Or, les chiffres sur les échanges extérieurs révèlent que la facture énergétique ne baisse pas. «Ce problème est lié à la rationalité du consommateur et de la transition énergétique», insiste Bakkou. Aujourd’hui, l’objectif de la réforme n’est pas atteint. En fait, souligne l’expert, une part du choc de la pandémie et de l’actuel choc est supportée par la politique budgétaire, une autre par la politique monétaire et une dernière part à la charge du consommateur. «Cette diversification des leviers d’ajustement est saine à mon avis», conclut Bakkou. Quid de la décision de la Banque centrale de maintenir inchangé, à 1,5%, le taux directeur ? «Une décision, quelque part, inévitable», répond notre expert. Des décisions pareilles ont une portée sur le moyen et long terme. Il ne faut donc pas les changer régulièrement afin de leur donner le temps de faire leurs effets, note-t-il. Il en va de la crédibilité de la Banque centrale, en particulier, et de la politique monétaire en général, souligne-t-il. De plus, «si Bank Al-Maghrib a décidé ainsi c’est qu’elle considère que le Maroc est encore en période exceptionnelle», ajoute Bakkou. Le statu quo sera probablement maintenu même à la rentrée, prédit Bakkou. Concernant la politique budgétaire, le gouvernement a-t-il intérêt à réduire ses investissements ? Il ne faut surtout pas y toucher, met en garde l’invité de «L’Info en Face», pour lutter contre cette inflation. Par ailleurs, il estime que si l’État disposait d’un tableau de bord des importations des hydrocarbures et leurs prix d’achat à l’international et de leur vente au Maroc, cela pourrait aider à estomper l’effet de l’inflation perçue.

Flexibilité du dirham : pas d’élargissement de la bande de flottement à l’horizon

Concernant l’élargissement de la bande de flottement, «j’ai démontré, de par le passé, que c’est une décision inappropriée compte tenu de la configuration économique du Maroc», note l’économiste. On a pris cette décision par rapport au fait qu’une dépréciation du taux de change serait un levier d’ajustement de la Balance des paiements et ferait qu’on dépenserait moins de devises notamment face à un choc comme celui que nous subissons actuellement, indique-t-il. Bakkou estime que le Maroc est l’un des rares pays à avoir une monnaie forte, qu’il a préservée depuis l’indépendance. Cette force a été obtenue grâce à la stabilité des prix internes, mais également grâce à celle des taux de change, note-t-il. Attention cependant, prévient-il, à ne pas maintenir un dirham trop fort pour rester concurrentiel avec d’autres pays. Quoi qu’il en soit, notre expert pense qu’il n’y aura pas d’élargissement de la bande de flottement dans les prochains mois.

 


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