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Le Comité Afrique de l’Internationale socialiste. Déclaration de Dakar

Le Comité Afrique de l’Internationale socialiste, accueilli par le Parti socialiste du Sénégal, s’est réuni, à Dakar, à l’invitation de son Président Dr Bokary Treta (Mali – RPM), les 28 et 29 octobre 2022.

Cette session de l’IS en Afrique a été l’occasion, pour les partis membres présents, d’échanger sur les situations politiques en cours et les perspectives dans les différents pays et, au demeurant, sur les excroissances économiques et sociales induites.

A travers des débats larges et circonstanciés, le Comité Afrique de l’IS a porté un regard sur les processus démocratiques dans le continent marqués par des remises en question par des coups d’Etat et par le terrorisme, entre autres. Ces situations difficiles se déroulent dans un marasme économique persistant, dans la pauvreté et les bouleversements écologiques amplifiés par le changement climatique, le flux faible des échanges Sud-Sud.

En effet, il y a la contingence des questions vitales de l’éducation, de la santé, de la précarité de la jeunesse, du phénomène d’immigration clandestine qui vide les campagnes africaines et indispose l’Europe, de la place de la femme, encore insatisfaisante, dans les institutions politiques et étatiques, sans oublier la sur-inflation induite sur fond de guerre en Ukraine.

Sous ce registre, le Comité Afrique a décidé de porter à l’attention du Congrès de l’IS,  certaines de ses préoccupations, de manière à mobiliser davantage notre grande famille socialiste et, dans ce cadre, susciter des prises de positions ou des motions, voire des initiatives hardies sur les plans bilatéral et multilatéral.

Cette démarche du Comité Afrique est d’autant plus recevable que l’IS a toujours porté haut et fort les causes sociales, de démocratie, de paix et de développement.
Nos valeurs identitaires de social démocrates et de progressistes, ont porté les initiatives de notre Internationale dans le monde.
C’est aujourd’hui, plus qu’hier, que l’IS doit rester fidèle à ce credo et à cette démarche politique louable.
Les thématiques qui suivent ont retenu l’attention soutenue du Comité Afrique qui demande au Congrès d’en faire autant.

Sur l’Afrique politique, la démocratie, la paix et le multilatéralisme
Le continent est confronté, depuis des décennies, à des crises politiques et à des conflits récurrents. La paix a des difficultés à s’y implanter durablement car, du Nord au Sud et d’Est en Ouest, nous sommes confrontés aux coups d’Etat, aux guerres ou au terrorisme (Libye, Tchad, Niger, Mali, Burkina Faso, Soudan, Guinée, Ethiopie, RDC, Nigeria, Cameroun, Mozambique, etc.).
 
Or, donc, une démocratie ne peut prospérer sans paix !
 
La croissance économique et le développement ont besoin d’espaces apaisés. Outre le fait que la démocratie, à l’échelle des pays, piétine à cause des élites politiques, il convient de reconnaitre que la paix est aussi mondiale ou elle n’est pas !

L’Afrique économique est une perspective favorable pour le monde, avec ses énormes potentialités et sa jeunesse importante, vibrante et avide de technologie et de science.
Cependant, la crise de la Covid-19 a été l’occasion malheureuse du repli des pays riches sur eux- mêmes. Au début de la pandémie, l’Afrique a attendu un long moment, avant de recevoir les premiers vaccins destinés aux populations. Ce manque de capacités de l’Afrique et cette absence de solidarité essentielle dans un moment crucial doivent faire réfléchir, les uns et les autres, quant à la réalité de nos liens et de nos engagements. Or, la maladie ne connait pas les frontières. Cet exemple, mal vécu par les Africains, doit inviter au sursaut dans les relations entre les Nations.

Les puissances politiques partenaires ainsi que les grands conglomérats financiers devraient dorénavant choisir la politique du gagnant-gagnant et de développement durable des pays africains. Faute de quoi, on verrait s’étendre inexorablement la pauvreté, s’affirmer les solutions violentes au détriment de la démocratie et se poursuivre les migrations aux conséquences désastreuses tant pour le Nord que pour le Sud.

Résolution 1: Face aux prises de pouvoir par les armes qui ont tendance à revenir, les partis africains membres de l’Internationale socialiste, notamment ceux au pouvoir sont interpellés par le déficit observable de la démocratie et de l’Etat de droit en Afrique en général et en Afrique de l’Ouest en particulier, qui apparaissent comme l’une des causes fondamentales des situations de crises politique et sécuritaire. Ils invitent par conséquent les organisations régionales à des analyses courageuses et réalistes des situations et à faire preuve d’un leadership ferme dans la lutte contre ces atteintes répétées à la démocratie aux droits et libertés par des réponses rapides et décisives à même de créer les conditions d’une solidarité internationale ;

Résolution 2: le Comité Afrique demande à l’IS de lancer un appel à la consolidation des acquis démocratiques et au respect des règles et mécanismes de la démocratie, comme méthode irréversible et consentie de gouvernement ;

Résolution 3: le Comité Afrique demande au Congrès de l’IS de proposer un plan mondial de lutte contre la pauvreté, à l’image du Plan Marshall, pour une prise en charge plus adéquate de la question du développement du continent. Ce Plan Marshal pour l’Afrique, vu la situation d’urgence, devrait être pensé autour de programmes consentis avec les partenaires de l’Afrique. Le développement durable et inclusif que nous appelons de nos vœux se construit sur la base d’intérêts communs et de solidarité ;

Résolution 4: Le développement de l’Afrique ne peut se faire sans l’Afrique! Aussi l’IS doit-elle porter le combat de la présence indispensable du continent dans les instances politiques et économiques qui gouvernent le monde singulièrement pour les questions de paix et de sécurité, de lutte contre le terrorisme, de lutte contre les effets du changement climatique et de souveraineté alimentaire notamment. Ainsi, le développement, dans un schéma véritablement multilatéral, sera pour tous et avec tous !

Sur les droits humains, les droits des femmes particulièrement
Défendre les droits humains, les libertés publiques et individuelles, doit être notre credo en tant que partis socialistes et sociaux-démocrates. En effet, il peut paraitre que la priorité de la stabilité politique et celle de la sécurité des populations au regard des menaces terroristes ou de guerres qui planent sur nos têtes, remettent au second plan la question des droits et libertés. Il est important, voire capital que le respect des institutions démocratiques demeure une priorité pour nos partis et Etats, au regard de l’impact négatif de ces menaces sur les populations, plus particulièrement sur les filles et les femmes.

Cependant, c’est justement ce combat en faveur des droits et libertés qui peut contrebalancer l’appel des idéologies obscurantistes ou totalitaires dont les sirènes sont de plus en plus attractives surtout pour les plus jeunes.

Concernant, en particulier, la place encore non-satisfaisante des femmes africaines dans la société et surtout dans les sphères du pouvoir économique et politique, beaucoup d’efforts doivent être encore déployés.

Des pays africains ont certes progressé vers la parité dans les institutions politiques. Plusieurs législations ont intégré la parité complète ou progressive. Pour autant, nous devons continuer le combat et faire de la défense des droits des femmes, de leur émancipation et leur autonomisation la priorité de notre projet politique et social. Car aucune construction démocratique, aucun développement et aucun progrès social ne seraient possibles sans la pleine contribution des femmes.

Résolution 5: Les partis et gouvernements africains membres de l’IS doivent œuvrer à l’élaboration des Plans d’actions nationaux de la R1325 du CSNU sur les femmes, la paix et la sécurité.

Résolution 6: le Comité Afrique demande à l’IS de porter vigoureusement la question de la parité dans nos partis et dans nos Etats conformément à la charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et au protocole à la charte des droits de l’Homme et des peuples concernant les droits des femmes. En particulier, le Comité propose la mise en place de la parité au niveau du Présidium de l’IS, dès le Congrès de Madrid. Et la définition d’un plan d’action pour l’accompagnement des partis politiques membres dans l’instauration de la parité au sein de leurs instances internes.

Sur le développement et la jeunesse africaine
S’agissant de l’aspiration de la jeunesse africaine (70% de la population en moyenne, a moins de 35 ans), le Comité Afrique considère que celle-ci a de fortes attentes légitimes en matière d’éducation, de formation professionnelle, d’emploi et de santé.

Des voix s’élèvent de plus en plus pour dénoncer le paradoxe d’une pauvreté endémique sur le continent le plus riche du monde potentiellement, dont la gestion des ressources naturelles ne profite pas à ses populations. Il faut changer de paradigme en Afrique et remettre l’être humain au centre du développement.

Satisfaire ces besoins de la jeunesse devient ainsi une urgence pour l’Afrique et pour le monde. En effet, l’Afrique a besoin de sa jeunesse pour se développer, or pour  retenir ces jeunes, il faut être capable d’offrir un cadre de vie digne, respectueux des droits des individus et qui offre un accès égalitaire aux opportunités de développement social, indépendamment de leur origine sociale ou ethnique, de leur sexe, des moyens financiers de leurs familles, de leur lieu de naissance, de leur conviction religieuse, ou d’un éventuel handicap.
La jeunesse africaine est l’avenir de l’Afrique et du monde.

En conséquence, il est utile de configurer les plans sectoriels, les projets et programmes des gouvernements et des institutions, autour de ces préoccupations essentielles, en associant dans ceux-ci, les jeunes eux-mêmes.
Un glissement important des allocations financières des Etats et des Institutions de financement est indispensable sous ce regard.

Résolution 7: le Comité Afrique demande à l’IS de s’engager avec les Etats africains dans la défense de politiques de développement inclusives et durables s’adressant spécifiquement aux jeunes ainsi que de nouvelles orientations en matière de politiques migratoires. Ces deux chantiers étant deux faces d’une même pièce.

Sur la transition écologique
Le principe du pollueur-payeur doit être de mise à l’échelle internationale. Les plus grands pollueurs de l’humanité (95%), c’est-à-dire les pays les plus riches (Chine, USA et Europe) n’ont pas respecté les engagements de la COP-21 de 2015 de Paris (France).

L’Afrique, avec 1,7 milliard d’habitants et étant la 7ème économie mondiale, au-delà d’être soumise à plus de chocs que les autres continents, est plus exposée aux effets du changement et des variations climatiques. C’est pourtant le continent le moins pollueur, avec seulement 4% d’émission de gaz à effet de serre.

Le secteur africain de l’énergie doit donc suivre une trajectoire à faible émission de carbone et résiliente aux changements climatiques sur le long terme. A court et moyen termes, l’Afrique continuera à déployer des systèmes d’énergie renouvelables et non-renouvelables pour répondre à sa demande énergétique croissante, actuelle et à venir.

Résolution 8: Le Comité Afrique, en ces temps de changement climatique, de menaces sur la sécurité alimentaire et énergétique, appelle l’Union africaine à instaurer une politique continentale concrète en matière de rationalisation de la gestion des ressources minérales, des ressources hydriques et de sol, de promotion d’une agriculture durable et des énergies renouvelables à destination du continent et de ses habitants. Le Comité Afrique de l’IS appelle l’Union africaine à renégocier le financement du développement en Afrique, en tenant compte du retard de développement que le continent a besoin de rattraper.

Résolution 9: Le Comité Afrique demande à l’IS d’appuyer et de défendre la position de l’Union africaine sur l’accès et la transition concernant la demande énergétique de l’Afrique à court, moyen et long termes, en utilisant une combinaison d’énergies renouvelables et de combustibles fossiles ;
Résolution 10: Le Comité Afrique demande que les échanges avec la jeunesse de tous les continents, mais aussi la formation à travers les Ecoles de Partis et des séminaires idéologiques et doctrinaux, soient privilégiés dans nos agendas politiques, pour mobiliser nos populations et nos élites autour de nos idées porteuses de progrès.

Agir contre le repli identitaire de l’Internationale socialiste
Le Comité Afrique a fait le constat que les partis socialistes n’attirent plus les masses comme avant. Devant la poussée des régimes libéraux et conservateurs, force est de reconnaître que les jeunes en particulier, embrassent de moins en moins nos options doctrinales de social-démocratie.

Le Comité Afrique plaide pour le retour à nos valeurs dans nos choix politiques, d’abord au niveau de l’IS où l’adhésion des partis et mouvements doit être davantage appréciée, pour ne retenir que les organisations réellement socialistes, démocratiques et progressistes.
L’IS doit par conséquent s’adapter au nouveau contexte international. Elle a besoin de changer de paradigme et de discours. Pour plus de visibilité ! Plus de communication ! Plus de lobbying ! Plus d’appropriation !

Résolution 11 : le Comité Afrique demande à l’IS de prendre des positions sur les sujets de l’actualité mondiale et les défis auxquels l’Afrique est confrontée, tout en continuant d’apporter sa contribution dans toutes les instances de décisions pertinentes.

Résolution 12: le Comité Afrique demande à l’IS de procéder à l’élaboration d’un plan de marketing politique, de communication et de lobbying permettant de cultiver la camaraderie, la solidarité, le partage de solutions existantes par la valorisation des compétences et de l’expertise africaine dans le développement des nations.

Résolution 13: le Comité Afrique demande à l’IS de faciliter la mise en réseau des partis membres de l’IS à tous les niveaux pour plus de synergies, d’échanges d’expériences pouvant conduire à des programmes conjoints de coopération pour le développement.

Résolution 14: le Comité Afrique demande à l’IS de procéder à l’élaboration d’un plan de renforcement des capacités des responsables des partis membres.
Ceci doit être un axe de travail au Congrès de Madrid, pour le retour en masse au pouvoir, des partis et forces politiques se réclamant de la social-démocratie, du mouvement ouvrier, du monde paysan et des intellectuels de la gauche progressiste.
 
Fait à Madrid le 24 novembre 2022
Le Comité Afrique
 
 

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