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Comment les FAR se préparent virtuellement à la guerre [intégrale]

Un non-initié pourrait penser qu’il s’agit d’un simple jeu vidéo de stratégie, comme il en existe à foison. Mais dans la tête d’un militaire, ces petits rectangles sur la carte représentent des milliers d’hommes et des centaines de tonnes de matériel. Depuis quelques années, les programmes de simulation de conflit ou de jeux de guerre, ce qu’on appelle communément les Wargames, sont redevenus à la mode dans les Etats-majors (voir encadré).
 
Le Maroc s’y met également. La semaine dernière, des membres des Forces Armées Royales et de la Gendarmerie Royale se sont formés au système de simulation interactif JTLS-GO (Joint Theater Level Simulation – Global Operations), qui permet de s’entraîner à la prise de décision stratégique et tactique durant des opérations militaires et civiles, avec la coordination des forces aériennes, navales et terrestres.
 
Les FAR, comme beaucoup d’autres armées, voient dans ces Wargames un moyen d’immersion dans un environnement réaliste, afin de tester différents scénarios de guerre en tenant compte des contraintes techniques, géographiques, environnementales, et des réactions de l’ennemi.
 

Scénarios et probabilités

 
Le Wargaming est particulièrement prisé par l’OTAN, qui organise régulièrement des ateliers combinant jeu de figurines et informatique avec la participation des officiers de l’Alliance. L’organisation politico-militaire a même créé une structure dédiée, l’EWB (Experimentation and Wargaming Branch), basée en Virginie aux Etats-Unis. L’EWB planifie, conçoit, mène et analyse des expériences et des jeux de guerre avec des partenaires de la structure de commandement et de force de l’OTAN, des Etats, des institutions de recherche et universitaires et de l’industrie.
 
Pour ces exercices de Wargaming, l’OTAN utilise divers programmes de simulation, parmi lesquels le JTLS-GO. Ce logiciel appartient à l’entreprise américaine Rolands & Associates, et a été développé depuis 1983 avec le soutien de l’armée américaine. Il a depuis été adopté par plusieurs pays en dehors de l’OTAN, comme l’Ukraine, l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis, le Pakistan et depuis peu le Maroc. Selon le site du programme, JTLS-GO est utilisé à la fois par le Centre national d’opérations conjointes à Rabat et le Collège Royal de l’Enseignement Militaire Supérieur à Kénitra.
 
Le recours à ces jeux de simulation présente plusieurs avantages, dont le premier est d’ordre économique et logistique. Comme nous l’explique le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française aux Nations Unies, “cela coûte moins cher de faire des simulations que de tenir des manœuvres à intervalles réguliers”. Ainsi, les Wargames permettent de répéter des opérations militaires de grande envergure, avant de les déployer sur le terrain.
 
Pour Luc Hovasse, chef de service au sein de l’Armée de terre française, la simulation a pour vocation de permettre aux armées de travailler ensemble dans un scénario commun. En outre, elle rend possible la projection dans diverses probabilités, afin de vérifier la faisabilité des stratégies dans des scénarios de supériorité ou d’infériorité par rapport à l’ennemi. “La simulation permet de mesurer approximativement la durée d’une bataille et les dégâts humains et matériels”, ajoute l’officier.
 

Bruit et fureur

 
Cependant, met en garde le général Dominique Trinquand, cela ne doit pas induire à penser que la simulation suffit, à elle seule, à préparer et planifier tous les aspects de la guerre, et à garantir la réussite des opérations. “Malgré l’emploi de nouvelles technologies comme les drones et des armes high-tech, la guerre demeure bien réelle et physique”, pointe le général Dominique Trinquand. D’où l’importance de ne pas négliger les manœuvres sur le terrain !
 
Malgré les innovations, la guerre faite de bruit et de fureur ne change pas. “Aujourd’hui,  nous voyons bien que nous sommes dans un mélange de guerre technologique et d’anciennes formes héritées de la guerre de 14-18”, poursuit le général, en référence à la guerre des tranchées qui s’est engagée sur le front russo-ukrainien.
 
Avec le retour de la guerre de haute intensité, la planification des opérations et la conception même de la guerre doit prendre en compte le facteur humain. «La guerre est d’autant plus réelle que ce sont les soldats engagés sur le sol qui font la différence. D’où la nécessité de former psychologiquement les troupes déployées sur le terrain à ce qu’elles vont vivre», souligne Dominique Trinquand, qui défend l’idée que la brutalité du combat et la réalité du terrain doivent aussi être intégrées dans les processus d’entraînement.
 
«Il est illusoire de penser que la simulation remplace le terrain», conclut Luc Hovasse, qui explique que la simulation n’est qu’un outil complémentaire.
 

A.MACHLOUKH et S. CHAHID

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