Depuis des semaines, les réseaux sociaux sont animés par les débats sur la grippe saisonnière prévalant cette année qui cause moult désagréments aux malades. Ses symptômes sont semblables à ceux du Covid-19, cependant, sa virulence est moins grave. Mais les similitudes entre les deux virus ont créé la confusion et la panique chez la population, au point que bon nombre estiment que les séquelles de la crise sanitaire ne seraient pas en rapport avec la gravité de la grippe actuelle. Des propos infirmés, toutefois, par le Pr Moulay Mustapha Ennaji, directeur du Laboratoire de virologie de l’Université Hassan II de Casablanca. Il estime, en effet, que la grippe saisonnière de cette année n’est pas très différente de celles des années passées.
L’enjeu est psychique, selon lui, «les individus ont juste l’impression que la grippe actuelle est plus grave que celles des années passées, mais il n’en est rien. D’ailleurs, le virus de la grippe est connu pour être l’un des plus mortels au monde, comme en témoignent la grippe espagnole qui a tué entre 2,5 et 5 % de la population mondiale (entre 30 et 50 millions de morts) et la grippe de Hong Kong, qui a causé le décès d’environ 4 millions de personnes». Ceci étant, il nous explique que chaque dix ans, des souches plus virulentes apparaissent, rendant le virus plus grave, mais l’évolution annuelle reste, néanmoins, minime, donc son impact sur la situation épidémiologique demeure réduit.
Réagissant aux informations qui circulent sur les réseaux sociaux, concernant une éventuelle relation entre le Covid-19 et la grippe de cette année, le Pr Ennaji affirme qu’il n’y a «aucun lien entre les deux». «Le Covid est une maladie associée au SARS-CoV-2 qui est un virus à ARN monocaténaire de polarité positive du groupe IV dans la classification Baltimore, et qui appartient au genre betacoronavirus. Or, la grippe est un virus de la famille des Orthomyxoviridae», explique notre expert. Du moment que les mêmes symptômes du Covid-19, du VRS (Virus respiratoire syncytial) et de la grippe se ressemblent, notre expert note qu’il est « probable que les individus qui souffrent actuellement de maladies causant de la fièvre, la toux, les éternuements, soient infectés par ces deux derniers virus, sans s’en rendre compte », ajoutant qu’il est donc nécessaire d’avoir un suivi médical ou de faire des tests PCR.
Une viralité attendue
Selon les experts contactés par nos soins, la viralité et la virulence de la grippe 2023 étaient attendues, et la seule solution qui aurait pu stopper la contamination en masse était le respect des mesures anticipatives. Le Dr Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en systèmes et politiques de santé, rappelle, dans ce sens, que depuis septembre dernier, plusieurs experts et professionnels de la Santé, marocains et étrangers, ont prévenu que la grippe pourrait être plus virulente durant les saisons automnale et hivernale 2022-2023, avec un nombre de contaminations plus élevé par rapport aux années précédentes. Cela s’explique, tout d’abord, par la virulence de cette grippe dans plusieurs pays, notamment l’Australie, qui a connu l’année la plus virulente depuis les cinq dernières années.
Il a expliqué qu’« avec la grande protection assurée contre le Covid, en plus du port du masque, de l’observation des mesures barrières, la distanciation et l’hygiène des mains, les gens se trouvent protégés contre la grippe aussi. Mais faute de l’observation de ces mesures, il est évident que le virus va se propager d’une manière très vite». Tayeb Hamdi ajoute également, qu’après ces années de non-infection, la population a perdu sa mémoire immunitaire contre ce virus, d’autant qu’avec la souche virulente qui se propage actuellement dans le monde entier, il est tout à fait normal de voir les contaminations dans le Royaume battre des records.
Vaccin Covid et baisse immunitaire
En outre, nos experts excluent toute relation entre le vaccin Covid et la baisse de l’immunité des individus, et encore moins avec la vulnérabilité à la grippe. «Un vaccin ne peut être que bénéfique pour une personne. Il peut avoir certains effets secondaires, certes, mais il ne pourra pas causer une baisse de l’immunité d’une personne», explique Ennaji. Un avis partagé par Tayeb Hamdi qui affirme que «la vaccination n’affaiblit jamais l’immunité. Bien au contraire, le rôle du vaccin, c’est de booster et entraîner notre immunité à faire face à des infections ciblées».
Dans un autre registre, nos interlocuteurs signalent que, pour faire face à la grippe de cette année, les autorités sanitaires ont mis sur le marché un vaccin quadrivalent, permettant une protection élargie contre quatre souches du virus. «Il s’agit d’un vaccin empirique, c’est-à-dire qu’il n’est pas fabriqué sur la base de la souche en circulation, cependant, il reste efficace contre le virus», rassure Moulay Mustapha Ennaji, qui recommande instamment la vaccination contre la grippe, entre octobre et janvier de chaque année, notant que les personnes vaccinées ne souffrent pas de symptômes graves. Pour sa part, Dr Hamdi regrette le peu d’enthousiasme des Marocains envers la vaccination antigrippale, sachant que cette démarche pourrait considérablement amortir la charge virale du virus.
Il est à noter aussi que l’efficacité de ce vaccin dépend de l’âge, parce que la grippe saisonnière peut éventuellement générer des complications chez les personnes âgées. Il a relevé, dans ce sens, que 90% des décès sont, soit des personnes ayant plus de 65 ans, atteintes de maladies chroniques, soit des femmes enceintes ou des bébés. L’efficacité change d’une année à l’autre selon les souches qui circulent par rapport à celles objet de vaccins.
Rime TAYBOUTA
