ActualiteL'Opinion

Un trafic qui met la biodiversité du Maroc en péril [INTÉGRAL]

[ad_1]

5,4 millions de dirhams de préjudice devront être payés par le détenteur d’un large lot de reptiles sauvages qui ont fait l’objet d’une tentative de trafic illégal vers l’étranger. Le coup de sac a eu lieu le 19 décembre 2023 à l’Aéroport Marrakech-Ménara, lorsque les autorités ont identifié ces animaux dans une cargaison de légumes destinée au fret. Le chef de l’Unité de Contrôle et de Surveillance de la Faune Sauvage relevant de la Direction régionale de l’ANEF (Agence Nationale des Eaux et Forêts) de Marrakech-Safi , ainsi que des herpétologues consultés, ont pu dresser l’inventaire des espèces interceptées. Il s’agit en l’occurrence de 272 spécimens de l’espèce Fouette-queue (Uromastyxnigriventris) et de 391 spécimens de l’espèce Lézard vermiculé (Trogonophiswiegmanni), espèce endémique de l’Afrique du Nord, dont le Maroc abrite 80% de la population totale. « Des poursuites judiciaires ont été initiées à l’encontre du détenteur de ces espèces conformément aux dispositions de la loi 29-05 relative à la protection des espèces de faune et de flore sauvages et au contrôle de leur commerce », souligne un communiqué de l’ANEF.
 

Sorcellerie et vivariums

Un fait divers qui rappelle les efforts des autorités concernées dans la lutte contre un phénomène qui prend de l’ampleur et qui met en danger la faune sauvage du pays. « Le trafic des espèces sauvages au Maroc a évolué durant ces dernières décennies. Avant, la demande était principalement locale avec des animaux utilisés dans la médecine traditionnelle, les pratiques de sorcellerie ou encore dans les spectacles. Actuellement, à cette demande locale, s’est ajoutée une demande internationale qui provient de pays étrangers », remarque Pr Abdellah Bouazza, herpétologue. Si certains pays asiatiques comme la Chine ou l’Indonésie continuent à utiliser ces animaux pour leurs médecines traditionnelles, la demande qui provient d’autres pays, notamment européens, s’explique essentiellement par les pratiques de terrariophilie. C’est-à-dire des particuliers qui sont passionnés par l’élevage à domicile de reptiles et d’arachnides en tout genre, le plus souvent dans des environnements contrôlés (des vivariums) dans lesquels ils arrivent à restituer les conditions adéquates pour maintenir les animaux en vie. 

 

Casse-tête du relâcher

« Du fait de sa position géographique, de la diversité de ses habitats et de la richesse de sa biodiversité, le Maroc héberge des espèces très souvent endémiques et qui ne peuvent pas se trouver ailleurs dans le monde. Cela explique le grand intérêt des terrariophiles pour certaines espèces marocaines », explique Abdellah Bouazza. Consciente de cette réalité, l’Agence Nationale des Eaux et Forêts a organisé plusieurs formations durant ces dernières années au bénéfice de juges et d’agents des douanes afin de renforcer leurs capacités dans ce domaine. Cela n’empêche cependant pas de devoir trouver une solution au casse-tête de la restitution à la nature des animaux saisis. « L’idéal, bien évidemment, est de pouvoir rendre les reptiles à leurs habitats naturels. Cela dit, il est parfois difficile d’identifier avec précision les sites de provenance de chaque espèce. Ajoutez à cela qu’il faut mettre en œuvre un protocole très précis pour bien choisir le moment et les conditions du relâcher afin d’augmenter les chances de succès de l’opération », poursuit l’herpétologue.
 

Efforts à poursuivre

Selon nos informations, les reptiles qui ont été saisis à l’aéroport Marrakech-Ménara seront partiellement restitués à la nature durant le prochain printemps. En attendant, une procédure de suivi sanitaire a été mise en place par l’ANEF et ses partenaires afin de veiller que les animaux soient exempts de toute maladie au moment de les relâcher afin d’endiguer tout risque de transmission de parasites ou d’agent pathogène aux populations sauvages. À noter que d’autres espèces de reptiles sont également menacées par le trafic illégal. Il s’agit notamment du cobra qui se vend à plusieurs centaines d’euros dans certains pays européens, ou encore du gecko casqué qui est très demandé par les terrariophiles alors que ses populations à l’état sauvage sont cantonnées dans une aire de répartition très limitée. Si les efforts en matière de lutte contre le trafic international portent manifestement leurs fruits, la lutte contre le trafic local, notamment pour alimenter les activités de montreurs de serpents dans certaines villes marocaines, gagnerait à prendre plus d’ampleur.

Continuer la lecture

Afficher plus
Bouton retour en haut de la page