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Le comité des droits de l’homme de l’ONU établit la responsabilité de l’Algérie dans les violations subies par Tewfik Djaou

Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a une nouvelle fois établi la responsabilité de l’Algérie du fait des violations subies par une des victimes de la répression des années 90, Tewfik Djaou, porté disparu depuis son enlèvement à Constantine par des agents du département des renseignements et de la sécurité (DRS).

Dans sa décision, le Comité a indiqué que les dispositions de la  »Charte pour la réconciliation » sont inopposables aux personnes qui invoquent les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Comme dans ses précédentes décisions, l’organe onusien a précisé que l’application de la Charte réduit le domaine d’application du Pacte ratifié par l’Algérie en 1989.

L’État algérien a été appelé à libérer la victime si elle est toujours détenue au secret, à restituer sa dépouille à sa famille dans l’hypothèse où elle serait décédée et à poursuivre les responsables des violations commises, tout en accordant à la famille une réparation adéquate.

L’ONG Alkarama, basée à Genève, avait saisi le Comité des droits de l’homme des Nations Unies d’une plainte relative à la disparition de la victime à la demande de son père, M. Mohamed Djaou, aujourd’hui décédé, dans le but de faire reconnaître officiellement la responsabilité directe des autorités algériennes.

Dans un communiqué, Alkarama a précisé que Mohamed Djaou, alors président de la Coordination nationale des familles de disparus, est un ancien combattant de l’armée de libération nationale (ALN), et avait longtemps exercé en tant qu’officier de police à Constantine après l’indépendance. A ce titre, et en raison de son expérience passée de combattant de l’ALN et d’ancien officier de police, il avait été sollicité plusieurs fois par les services du DRS pour diriger une milice armée à Constantine au prétexte de  »la lutte contre le terrorisme ».

Il avait ainsi été convoqué plusieurs fois à la caserne de Bellevue où le commandant du DRS a tenté de le convaincre de s’engager, offres qu’il a régulièrement déclinées. Face à son refus, celui-ci l’a menacé de s’en prendre à lui et à sa famille. Quelques semaines plus tard, il a mis ses menaces à exécution en faisant enlever son fils dans son local commercial au centre de Constantine en 1997. Le 29 octobre 1997, Tewfik Djaou, alors âgé de 35 ans, se trouvait dans sa bijouterie lorsque des agents en civil et en uniforme, lourdement armés, sont arrivés sur les lieux à bord de plusieurs véhicules. Les témoins présents ont rapporté que les militaires ont alors fouillé les lieux s’emparant de la totalité des bijoux et de la somme d’argent qui s’y trouvait avant de menotter Tewfik et l’introduire de force dans le coffre d’un véhicule avant de l’emmener vers une destination inconnue, précise Alkarama. Informé de l’arrestation de son fils et réalisant alors que les services du DRS avaient mis leurs menaces à exécution, Mohamed Djaou s’est immédiatement rendu à la caserne de Bellevue et demandé à voir son fils. Les militaires ont totalement nié détenir Tewfik. La famille de la victime a cependant appris deux mois plus tard par un détenu libéré que leur fils se trouvait bien dans la caserne de Bellevue, témoignage qui sera confirmé le mois de mai suivant par un autre détenu libéré, qui précisera même que Tewfik Djaou avait été sévèrement torturé, y compris à l’électricité durant sa détention.

Ni la justice ni les autorités militaires n’ont toutefois reconnu l’arrestation et la détention de Tewfik Djaou en dépit de toutes les démarches et tentatives de son père pour obtenir de ses nouvelles, précise l’ONG. En refusant de reconnaître la privation de liberté de Tewfik Djaou et en dissimulant son sort en dépit des recherches effectuées par sa famille, « les autorités algériennes ont délibérément soustrait Tewfik Djaou de la protection de la loi et ont fait peser sur sa vie un risque constant et grave. Les experts indépendants du Comité ont donc considéré que l’Algérie a failli à son obligation de protéger la vie de Tewfik Djaou », souligne la même source. Les experts du Comité ont donc reconnu la responsabilité des autorités d’Alger, en raison de l’impossibilité légale de recourir a une instance judiciaire apre s la promulgation de la Charte qui interdit le recours a la justice pour faire la lumière sur les crimes les plus graves commis par les services de sécurité.

L’organe onusien a donc totalement rejeté les arguments de l’État algérien et fait droit à la demande d’Alkarama, en enjoignant aux autorités d’Alger de  »mener une enque te rapide, efficace, exhaustive, inde pendante, impartiale et transparente sur la disparition de Tewfik Djaou et de fournir des informations de taille es quant aux re sultats de cette enquete ».

Avec MAP


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