Santé

Alcoolisme : que signifie être dépendant à l’alcool ?

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Où commence l’alcoolisme ?

L’addiction à l’alcool est un trouble du comportement, une maladie chronique qui s’installe très progressivement. « Au début, la personne boit par habitude, puis elle boit de plus en plus régulièrement jusqu’à perdre le contrôle de sa consommation, sans qu’elle ait conscience du point de bascule. Au départ, on aime bien l’alcool, ensuite on en veut, puis on en a besoin. L’envie compulsive de boire est un signe fort de la dépendance à l’alcool », explique le Pr Mickaël Naassila, président de la Société française d’alcoologie

Alcoolisme : combien de verres ?

La dépendance à l’alcool « n’est pas uniquement une question de quantité d’alcool bue, mais plutôt de problèmes liés à la consommation, d’incapacité à gérer et de souffrance », répond le Pr Naassila. D’autres mécanismes entrent aussi en jeu comme une vulnérabilité (génétique, psychologique, sociale…) propre à chaque individu.

En France, les autorités sanitaires considèrent qu’au-delà de deux verres par jour (qu’il s’agisse de vin, de bière, de spiritueux…), on entre dans une zone à risque. En pratique, il est conseillé de ne pas dépasser 10 verres par semaine, la référence étant le verre-standard servi dans un bar ou une boîte de nuit qui équivaut à 10 grammes d’alcool pur. 

« Il s’agit de repères de consommation au-delà desquels, il a été démontré que le risque de mortalité augmente », explique le Pr Naassila. 

Autrement dit, consommer trois verres d’alcool par jour ne fait pas de vous un alcoolique. Mais c’est un vrai signal d’alarme. 

Quels sont les signes de l’alcoolisme ?

Insidieusement, l’alcool change le comportement du buveur et son rapport aux autres. « Il faut s’interroger dès lors que votre consommation d’alcool modifie vos relations personnelles, amicales ou professionnelles et dès qu’elle a un impact sur votre capacité à travailler, à remplir vos obligations ou à conduire », estime le Pr Naassila. 

Autre signe d’alerte : l’entourage commence à s’inquiéter. Des remarques comme « tu as peut-être un problème » ou « tu bois trop » peuvent sembler intrusives, mais elles mettent le doigt sur un réel souci. 

Comment savoir si on est alcoolique ?

Il faut, en premier lieu, comprendre comment cette dépendance s’installe. Plus la consommation d’alcool perdure, plus l’organisme tolère des doses fortes et plus le cerveau a besoin de retrouver les sensations qu’il associe à l’alcool : la désinhibition, l’euphorie…

C’est un véritable cercle vicieux, comme l’explique le Pr Naassila : « À la longue, le foie dégrade l’alcool de plus en plus vite. Conséquence : la personne en ressent de moins en moins les effets et les effets désagréables du manque surviennent. Pour retrouver les mêmes sensations, il va falloir qu’elle boive plus. À partir de là, il n’y a pas de retour en arrière possible. Elle doit re-consommer pour se sentir mieux. »

Si cette personne, devenue dépendante à l’alcool, arrête brutalement toute consommation, son organisme va réagir violemment par des symptômes de manque : tremblements, nausées, sueurs, maux de ventre… 

« Le problème, ce sont aussi tous les signaux associés à la consommation d’alcool (images, verres, odeurs…) qui vont déclencher des envies incontrôlables de re-consommer pendant l’abstinence. C’est dur de lutter », observe l’addictologue. 

Sans accompagnement (traitement médicamenteux, aide psychologique…), ce syndrome de sevrage alcoolique peut être très difficile à vivre. « L’alcool a un effet très important sur le cerveau. Au moment du sevrage, on donne des somnifères puissants pour éviter que le cerveau s’embrase sous l’effet de l’hyperactivité neuronale. Certains patients ont des crises convulsives, comme de l’épilepsie. D’autres ont des hallucinations, ce qu’on appelle le delirium tremens. Tous ces symptômes doivent être gérés car ils sont très toxiques et engendrent des problèmes de mémoire », explique le Pr Naassila. 

Alcoolodépendance : combien de personnes en France ?

On estime qu’au cours de sa vie, 10 à 30 % de la population présentera un trouble de l’usage de l’alcool, qu’il soit léger, modéré ou sévère. « Ces chiffres sont comparables à la prévalence de la dépression », souligne le spécialiste. 

Pour avoir une idée du nombre de personnes concernées, il faut aussi regarder du côté des hospitalisations. En 2021, 231 000 hospitalisations étaient liées à l’alcool selon l’Office français des drogues et des tendances addictives (OFDT), dont 48 % pour dépendance et sevrage, 34 % pour intoxications aiguës et 15 % pour traiter les effets à long terme de l’alcoolisation. Pour le Pr Naassila, « l’alcool est aujourd’hui la première cause d’hospitalisation en France. »

Quels risques de devenir dépendant à l’alcool ?

« Tout le monde est concerné », tient à rappeler le Pr Naassila. Néanmoins, nous n’avons pas tous les mêmes vulnérabilités face à l’alcool. À la base, la génétique pèse d’un poids important. Les personnes dont les parents ont abusé de l’alcool ont un risque supplémentaire de devenir alcooliques. Pour autant, ce n’est pas une fatalité. L’environnement social et professionnel peut être protecteur ou, au contraire, aggravant : des traumatismes précoces, des conditions de vie difficiles, un métier pénible, une absence de soutien familial vont faire pencher la balance du mauvais côté. La personnalité d’un individu a aussi un impact. Par exemple le goût du risque, la recherche de sensations fortes ou l’impulsivité peuvent pousser à consommer de l’alcool. De même, les tendances à l’anxiété et à la dépression. La présence d’une autre addiction, par exemple le tabagisme, multiplie par sept le risque de dépendance à l’alcool. 

Enfin, il faut savoir que l’ivresse liée au « binge drinking » à l’adolescence, plus de deux fois par mois, multiplie par trois le risque d’addiction à l’alcool. Cette pratique de « biture express », fréquente chez les jeunes, consiste à consommer des doses massives d’alcool en très peu de temps. Elle peut mener au coma éthylique. Là encore, c’est un sérieux signe d’alerte.

Alcoolisme : quel impact sur la santé ?

En matière d’alcool, il n’y a pas de risque zéro. « Toute consommation d’alcool représente un risque pour la santé », insiste le Pr Naassila. Plus les doses ingérées sont élevées, plus les conséquences sont importantes. L’ensemble de l’organisme est touché. Selon l’Inserm, plus de 200 maladies et atteintes diverses peuvent être attribuées à l’alcool.

– Des maladies du foie

Le foie est en première ligne car c’est lui qui élimine 95 % de l’alcool. À la longue, une consommation d’alcool excessive finit par provoquer une inflammation chronique. Du tissu fibreux s’accumule et perturbe le fonctionnement de l’organe. On parle de fibrose au stade précoce, puis de cirrhose quand la maladie est plus évoluée. Dans certains cas, un cancer du foie peut apparaître. « La moitié de la mortalité des maladies du foie est liée à l’alcool », rappelle le Pr Naassila.

– Des pathologies affectant le cerveau

L’alcool diminue les réflexes, la vigilance et l’attention, d’où le risque connu d’accident de la route. À doses élevées, il devient extrêmement toxique pour les neurones et affecte gravement la mémoire, ce qui en fait selon le Pr Naassila « le premier responsable des démences précoces. »

En cas d’alcoolisme chronique, la carence en vitamine B1 (la thiamine) peut aboutir à une encéphalopathie de Gayet-Wernicke ou à un syndrome de Korsakoff, des pathologies graves qui mènent à la confusion et à l’amnésie.

Cette neurotoxicité de l’alcool est particulièrement dangereuse pour le fœtus au cours de la grossesse, car il franchit la barrière du placenta. « Le simple fait d’être exposé à l’alcool in utero, même si la maman n’est pas alcoolodépendante, augmente le risque de malformations du foetus et de troubles du neurodéveloppement », explique le Pr Naasila. Ce risque existe avant même la conception du bébé. Et il semble que le futur père ait lui aussi une part de responsabilité dans ce syndrome d’alcoolisation foetale

– Les maladies cardiovasculaires

L’alcool augmente le risque d’hypertension artérielle, de troubles du rythme cardiaque et d’accident vasculaire cérébral (AVC). 

– Les cancers

Le rôle de l’alcool dans la survenue d’un cancer est souvent sous-estimé. Selon le dernier Baromètre Cancer publié par Santé publique France et L’institut national du cancer sur l’année 2021, 23,5 % des Français de 15 à 85 ans pensent que boire un peu de vin diminue le risque de cancer, plutôt que de ne pas en boire du tout. En réalité, c’est l’inverse. L’alcool est le deuxième facteur de risque de cancer évitable (par une meilleure hygiène de vie) après le tabac.

En dehors du cancer du foie, il est impliqué dans la survenue de tumeurs de la bouche, du larynx, du pharynx, de l’œsophage, du côlon et du sein. Chaque année en France, 28 000 nouveaux cas de cancers sont liés à l’alcool. Parmi eux, 8000 sont des cancers du sein, ce que beaucoup de femmes ignorent. 

– L’overdose d’alcool

Au-delà d’une certaine dose d’alcool dans le sang, supérieure à 4 ou 5 grammes (en réalité cette dose est variable selon les individus), il existe un risque d’intoxication aiguë et donc de décès. 

Les femmes plus vulnérables face à l’alcool

Les femmes sont plus sensibles que les hommes aux effets de l’alcool et elles en deviennent plus rapidement dépendantes, à consommation égale. « Le nombre de verres nécessaires pour se sentir ivre est inférieur d’un tiers chez les femmes (quatre verres) par rapport aux hommes (sept verres), du fait d’une masse hydrique plus faible et d’une baisse de l’activité de l’enzyme de dégradation de l’alcool », écrivait le Pr Naassila dans la revue Sages-femmes en janvier 2022.

Cette vulnérabilité particulière expose la population féminine à un risque accru de pathologies liées à l’alcool et de décès. 

Alcoolisme : quelle mortalité ?

En France, les dernières données remontent à 2015 selon l’expertise collective de l’Inserm publiée en 2021. Ce rapport fait état de 41 000 décès attribués chaque année à l’alcool (30 000 hommes, 11 000 femmes). Sur ce total, 16 000 sont des décès par cancers, 9 900 par maladies cardiovasculaires, 6 800 par maladies digestives, 5 400 par accident ou suicide et plus de 3000 sont liés à d’autres causes (maladies mentales, troubles du comportement…).

Alcoolisme : accidents et violences, les dégâts collatéraux

En levant toute inhibition, l’alcool est à l’origine de nombreux cas de violences, qu’il s’agisse de violences conjugales, de maltraitances ou de bagarres. 

Il perturbe le jugement et émousse les réflexes, ce qui en fait une cause fréquente d’accidents de la route. Selon l’OFDT, 5 366 accidents ont impliqué un conducteur alcoolisé en 2021 et 840 personnes y ont perdu la vie. 

Alcoolodépendance : comment en sortir ?

« C’est avant tout une affaire de motivation. Il faut que l’envie d’arrêter l’alcool ou de réduire sa consommation vienne du patient. À partir de là, on se fixe des objectifs à atteindre », observe le Pr Naassila.  

Pour lui, la prise en charge doit être « à la carte », graduelle et adaptée à chaque cas. Des médicaments peuvent aider à se sevrer ou à réduire sa consommation. Il est possible d’être suivi à domicile, en ambulatoire (en hospitalisation de jour) ou en hospitalisation complète.

« Cette prise en charge doit être globale et intégrée, car il n’y a pas de pilule-miracle pour sortir de l’alcool. C’est un projet qui se prépare, sauf en cas d’urgence médicale », résume-t-il. Pour être efficace, il faut prendre en considération l’ensemble des problèmes liés à l’alcool : non seulement les maladies, mais aussi les problèmes psychologiques, les difficultés familiales et professionnelles… 

Tout au long de ce parcours, l’entourage a un rôle majeur à jouer, de même que les associations d’anciens buveurs (Vie libre, Alcooliques anonymes…) et les patients-experts titulaires d’un certificat universitaire. De plus en plus présents dans les structures spécialisées, ces derniers conseillent et accompagnent le sevrage : « Ils jouent le rôle d’interface entre le patient et les professionnels de santé. Ils lui redonnent confiance et le rassurent en lui montrant qu’on peut s’en sortir », constate l’addictologue.

À qui parler de sa dépendance à l’alcool ?

Le médecin généraliste est le premier interlocuteur. Il est formé à repérer les premiers signes d’une consommation d’alcool abusive.
On peut aussi s’adresser directement à un CSAPA (Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie). « La personne elle-même, ou son entourage, peut y demander de l’aide et rencontrer un addictologue, un psychologue, une assistante sociale ou un éducateur », précise le Pr Naassila. Des adresses de CSAPA sont disponibles sur drogues-info-service ou alcool-info-service.

Alcoolodépendance : comment éviter la rechute ?

Lorsqu’on cherche à sortir de l’alcool, les épisodes de rechute sont nombreux. Plus ou moins sévères, il faut avant tout les dédramatiser. « C’est normal de rechuter ! C’est une alerte, mais pas une catastrophe », estime le Pr Naassila. 

Le chemin est long avant de retrouver un nouvel équilibre : « L’alcool vous marque à vie. Le cerveau en conserve une mémoire pathologique », observe-t-il. Concrètement, la moindre évocation de l’alcool, par exemple l’odeur de la bière, peut réveiller l’envie de boire. Pour ne pas replonger, certaines personnes alcoolodépendantes devront renoncer à boire une seule goutte, tandis que d’autres pourront reprendre le contrôle de leur consommation.

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