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Alice et les Infidèles : « Mon premier rendez-vous avec un homme de 60 ans et marié »

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8h30, accroupie sur le trottoir, j’embrasse les jumeaux et je les regarde s’engouffrer dans l’école. Je me dirige vers le métro et sors mon téléphone pour me connecter à ma messagerie Gleeden. Aucune nouvelle de Rabbit_Hole depuis notre première accroche, il y a quelques jours. Il semble avoir déserté la zone.

Par dépit, je me suis rabattue sur Alain, 60 ans, un entrepreneur des Hauts-de-Seine. D’habitude, je n’ai pas tellement d’attirance pour les seniors mais sa ressemblance frappante avec l’acteur Kiefer Sutherland m’avait intriguée. On a discuté tout le week-end avant que j’accepte de le retrouver dans un café du XVIe.

Quand je sors à Porte d’Auteuil, je n’en mène pas large. J’ai l’impression de faire quelque chose de dingue, voire dangereux. Sur qui vais-je tomber ? J’envie les honnêtes travailleurs que je croise sur le boulevard venteux. Pourquoi n’ai-je pas, comme eux, un bureau, chaleureux et rassurant, qui m’attend quelque part ? Pourquoi ai-je choisi, de mon plein gré, d’aller rencontrer un lundi matin un homme de l’âge de mon père pour faire dieu sait quoi ?

Première impression

Je pousse la lourde porte de la brasserie et m’avance jusqu’au desk, où une jeune femme me débarrasse de mon manteau. Je n’ai aucun mal à reconnaître ma target plongée, jambes croisées, dans sa lecture du « Figaro » au milieu d’une salle déserte. Je viens me planter devant lui.

Il lève les yeux vers moi, me sourit d’un air satisfait, et me fait signe de prendre place sur la banquette. Je m’assieds en louchant sur ses mains. Des mains d’homme mûr, des mains habituées à parapher des contrats juteux, à désigner au boucher la poire ou l’araignée pour les invités attendus à dîner, à palper des objets onéreux chinés sur le stand d’un antiquaire, à caresser le creux des reins d’une maîtresse, bien plus expérimentée et richement habillée que moi.

Alain me demande ce que je veux consommer. « Des bulles peut-être ? » Je me contenterai d’un allongé. Il fait signe à la serveuse d’approcher, lui répète ma commande. Il revient à moi, les yeux brillants, pour me dire que je suis belle, encore plus belle que sur les photos. Je balbutie un merci avant d’ajouter que c’est donc ici qu’il a l’habitude de rencarder ses « proies ». Il rit en s’essuyant le coin de la bouche avec sa serviette blanche qui fait ressortir l’or de son alliance. Des proies ? Il espère bien que, malgré son âge avancé, ces dernières sont consentantes. Le suis-je, moi ? Il me fait en plantant son regard métallique dans le mien. Je baisse la tête. Je dois avouer que son allure ne me laisse pas totalement froide.

Je me détends, je ris à ses bons mots. Je minaude. Je suis dans mon rôle de femme-proie

Flatteries et séduction

La serveuse dépose ma tasse fumante devant moi. Alain poursuit d’une voix posée. Il aime les femmes jeunes qui ont du caractère. Comme moi. Il l’a tout de suite décelé, mon tempérament, quand on a « matché » sur Gleeden. Son flair de dirigeant ne le trompe jamais. D’ailleurs, dans son métier – il gère une société spécialisée dans la construction de bureaux -, il ne fréquente que des gens de haute volée.

Il aime séduire, il aime le sexe – n’ayons pas peur des mots – mais avec quelqu’un de son niveau. Je le coupe pour lui préciser qu’étant mère au foyer (ma couverture), je risque de faire un peu tâche dans son décor. Mais Alain balaie ma remarque d’un coup de menton. Il ne s’agit pas de ça. Et il sait que je sais. Je suis l’élue, il va falloir assumer.

Cette entrée en matière me flatte. Alain n’est pas sans ignorer que pour mettre une femme à l’aise, il faut la jucher sur un piédestal. Mais un piédestal, c’est casse-gueule. Ma longue expérience auprès des hommes me l’a souvent démontré. En tout cas, pour l’instant, ça fonctionne. Je me détends, je ris à ses bons mots. Je minaude. Je suis dans mon rôle de femme-proie. J’ai très mal à mon Mona Chollet.

Par pure curiosité

J’ose le questionner sur sa vie maritale. Depuis quand trompe-t-il son épouse ? Alain se caresse le lobe – le même, charnu, que celui de l’acteur de 24 Heures Chrono. Cette particularité physique me trouble. Vraiment, je le trouve bel homme. Il me confie qu’en vingt-cinq ans de mariage, il n’avait jamais fauté avant de s’inscrire sur le site à la pomme, il y a quatre ans. Je dois afficher un air surpris car il se sent obligé de justifier sa conversion tardive à l’infidélité. C’est à partir de 50 ans qu’il a commencé à regarder les trentenaires avec concupiscence. Ça faisait déjà quelque temps qu’avec son épouse, une ancienne actrice qui a eu son heure de gloire dans les années 90, il ne se passait plus grand-chose au lit.

Grâce à Gleeden, il a rencontré sa première amante. Leur histoire a duré un peu plus d’un an. Il l’a emmenée partout : à Venise, à Lisbonne, aux Canaries… C’est très facile pour lui étant donné qu’il est toujours en vadrouille pour ses chantiers. Sa moitié, elle, passe le plus clair de son temps dans leur maison de campagne. Je lui demande s’il en est tombé amoureux. Il me répond qu’évidemment, c’est compliqué de cloisonner. Que les hommes, comme les femmes, ont besoin d’une certaine alchimie, de sentiments, pour se laisser vraiment aller. Et puis, comme pour son boulot, il privilégie toujours « la qualité à la quantité ». J’acquiesce. Et les suivantes ?

Alain s’arrête pour me dévisager. « Vous êtes sûre que vous n’êtes pas un genre de sociologue ou de romancière ? » Je ris à gorge déployée. Rassuré, il continue son récit. Après cette première expérience, il a connu d’autres filles avant de se fixer à nouveau pour quelques mois avec une autre de manière exclusive. « J’ai un penchant pour la fidélité dans l’infidélité… » Je ne suis pas étonnée que cet homme à poigne ait ce besoin de contrôle.

Conventionnel ou audacieux ?

Je me risque à lui demander dans quels endroits il aime batifoler. Il me glisse que son appartement de Neuilly dispose d’un patio, d’un bel îlot de cuisine… et de trois chambres d’amis. Je rougis. Pour le coup, je ne me vois pas du tout m’envoyer en l’air sur son plan de travail pendant que la bonne est en train de changer l’ampoule du plafonnier.

N’en perdant pas une, Alain s’enquiert de savoir si le cuir des sièges de sa Porsche Cayenne, garée à deux pas, pourrait éventuellement me satisfaire. Il l’a déjà fait, c’était super. Là encore, je botte en touche.

Mon café terminé, je prétexte un rendez-vous pour prendre congé. Il hoche la tête en me faisant signe de remballer ma monnaie. Je lui claque une bise maladroite et sors du restaurant.

Je dois avouer que mes premiers pas sur la plateforme ont éveillé en moi un désir archaïque

Cadre dans la vie, cadre au lit

Maintenant que j’écris ces lignes, la sur-représentation des « cadres dirigeants » sur Gleeden, essentiellement domiciliés dans l’Ouest parisien, me saute aux yeux. L’ennui bourgeois serait-il le moteur des amours clandestines franciliennes ? Le bovarysme n’est pas que féminin, après tout. Il est aussi intéressant de noter que ces derniers ont du mal à se départir de leur rôle, quitte à frôler le grotesque.

Jean, 45 ans, m’écrit en privé : « Soyons cash, si vous aimez les tables gastronomiques, les jeux sensuels, les week-ends sur la côte, que vous êtes belle et séduisante et appréciez les grands et beaux bruns CSP ++ qui en ont dans le slip et le portefeuille, faisons connaissance. »

Brice, 43 ans, juge bon de souligner que son rang n’empêche pas une grande disponibilité : « Je travaille dans l’industrie en France et à l’étranger. Très pris par mon travail, mes déplacements et mes obligations familiales, je peux néanmoins dégager du temps en journée, et le soir également. Dans l’attente de vous lire, cordialement. »

Quant à William, 49 ans, il a bien du mal à concilier son statut avec son désir de luxure. Après mon refus de me plier à un étrange « questionnaire de sécurité » sur la messagerie Telegram, il préfère couper court : « Je dirige des entreprises et dispose d’une forte notoriété sur les réseaux sociaux et les médias. Pas envie de mettre en danger ce que j’ai construit en 25 ans même si vous étiez Miss Univers ou que vous me proposiez un pass pour le Pays des merveilles. Take good care. »

Poursuivre ou bannir ?

Devant mon écran, je repense à Alain et à son épouse, l’actrice déchue. À leur mas provençal. À leur chienne dont je ne me rappelle plus le nom. Une sorte de caniche idiot, qu’ils gâtent comme une enfant. À leurs deux filles, une étudiante à Londres, l’autre médecin à Paris, dont il m’a exhibé fièrement les photos sur son smartphone. Si elles savaient ce qui se passe dans la vie de leur père… Je suis un peu navrée pour elles.

En même temps, qui suis-je pour juger ? Car je dois avouer que mes premiers pas sur la plateforme ont éveillé en moi un désir archaïque. Mon conjoint en a été le premier surpris. Un soir, alors que je l’embrassais de manière plus appuyée que d’habitude, il m’a regardée en fronçant les sourcils : « Toi, tu me caches quelque chose… »

Le soir même, Alain me relance. Il veut me revoir. Il n’a pas pu s’empêcher de mater mon cul à travers la baie vitrée. Je lui plais. Il a aussi noté que j’avais allumé une cigarette en m’éloignant. J’ai de la veine, d’habitude, les fumeuses, avec lui, sont éliminées d’office. C’est dire que je lui ai tapé dans l’œil pour qu’il outrepasse ses principes.

Dans la nuit, il me fait suivre un cliché de son sexe mais au repos. J’ai trouvé ça étonnant, pour un type se disant aussi « viril ». Presque touchant. J’ai zoomé sur son membre flasque en me demandant si je serais capable de le manipuler. Je n’ai pas donné suite.

De l’histoire ancienne

Un mois et demi plus tard, début janvier, Alain m’envoyait un long pavé où il s’excusait de m’avoir mise sur « liste noire » – je n’avais même pas remarqué qu’il m’avait bannie ! Je devais le comprendre, il était triste. Triste de ne pas avoir réussi à me séduire. Mais c’était indigne de sa part. Pour se faire pardonner, il m’avait rapporté une caisse de Prosecco de Turin, où il avait réveillonné. Il ne demandait qu’une chose, une adresse, un point relais, où il pouvait la déposer en toute sécurité. Je lui ai répondu que j’étais en plein Dry January. Le surlendemain, il m’a relancée en me proposant de me fournir le contact du peintre dont il m’avait parlé lors de notre entrevue. À ce moment-là, j’envisageais de rafraîchir la chambre des enfants. C’est fou ce que l’on peut dire de soi. Marrant de voir ce que les gens en retiennent et comment ils s’en servent.

Il va sans dire que je n’ai toujours pas repeint la chambre – pas le budget. Et que j’ai définitivement bloqué Alain.

La suite au prochain épisode !

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