Allo, Giulia ? : « Confiante et indépendante, je crois que je fais peur aux hommes »

« Salut Giulia,

Le courrier du cœur, ce n’est vraiment pas mon truc. Moi, je suis plutôt fonceuse. Dans l’action. En fait, je me suis toujours bougée, dès qu’il y avait un truc qui n’allait pas – parce qu’il y en a eu, hein, évidemment. Je suis comme tout le monde : les moments de blues, ceux où je n’y arrive pas, je connais. Mais mon père nous a appris à nous botter les fesses, à mes frères et moi. Donc je l’ai toujours fait. Et comme j’ai toujours entendu ma mère dire que les femmes achetaient leur indépendance en étant autonomes financièrement… Ben j’ai bossé. Et j’ai plutôt pas mal réussi dans ma branche – je suis dans le luxe, j’ai commencé tout en bas, aujourd’hui, je dirige, en gros, le business Asie. Donc ça, ça va. Les mecs aussi, ça va. J’ai toujours bien rigolé avec eux : grâce à mes frères, je connais les codes, et j’adore ! Alors que les chichis des filles, ça m’a toujours un peu emmerdée, j’avoue… Et puis le côté je minaude, je me laisse draguer, je vois si je veux ou pas, oh et puis non, je veux plus, franchement, ça non plus, je n’ai pas le temps : moi, quand un mec me plaît, je fonce ! Et la confiance en soi, ça paye : je me suis rarement pris de râteaux, je pense. En fait, au début, tout roule : on se plaît, on se marre bien, on couche ensemble, c’est cool… Et ça dure tant que c’est cool. Mais moi, j’ai trop vu ma mère se forcer à sourire, se dire « je reste pour les enfants », pour encaisser et faire semblant quand ça tourne mal. Quand il n’y a plus de désir. Quand on ne se marre plus. J’ai mes potes, j’ai mon job, je ne suis pas « dans le besoin », vous voyez ? Enfin, disons que ça a longtemps été comme ça. Depuis quelques années, j’aimerais bien, moi aussi, me poser un peu, dans un truc un peu plus stable, un peu plus pérenne… Sauf que très vite, je suis déçue. Soit le mec ne me rappelle jamais – moi, quand j’arrêtais une relation, je prenais toujours mon téléphone pour le dire. Soit je me rends compte qu’il a quelqu’un d’autre. Soit il est tellement au fond du trou qu’en fait, il a besoin d’une infirmière et non merci… Bref, au moment où je suis prête, on dirait que mon mojo s’est fait la malle. Ça ne marche plus. Mais vraiment, Giulia : jamais ! C’est moi, ou c’est les mecs qui ont changé ? Mes copines me disent que je fais peur aux hommes : c’est possible, ça ? Non mais c’est tous des gros lâches, ou quoi ? » – Laetitia, 41 ans.

 

« Wow. Laetitia,

C’est vrai que quand vous avez les nerfs, vous êtes un peu flippante, vous… Vous prenez un bon plaid, ou un bon bain, et vous me lisez à tête reposée, d’accord ? En attendant, je vais poser ça là : que les hommes aient une dose de courage inversement proportionnelle à la croissance de leur testicules (a priori limitée dans le temps heureusement), ça n’est pas forcément un scoop. Que les femmes autonomes ne les rassurent pas franchement sur la nécessité de leur présence, non plus. Que les stéréotypes de genre aient permis à une société de fonctionner sans remous pendant des siècles, mais qu’à force, ils nous aient tous contraints, voire asphyxiés, encore moins. Et que les choses, soient enfin en train de bouger, ça, c’est plutôt une bonne nouvelle : aux femmes, et aux hommes, de réinventer leur place, leur rôle, leur fonction, dans la société comme dans leur couple, et yallah ! Un de ces jours, on va tous mieux respirer… Parce que chacun pourra être lui (ou elle) avant d’être le membre d’un groupe, et de devoir, comme tel, adopter les comportements de la meute pour pouvoir y rester. Tant mieux. Ça évitera de s’enfoncer dans le non-sens : l’amour est toujours singulier, pourquoi tenter de le comprendre, et de le contenir, avec un mode d’emploi qui serait le même pour tous ? Aucune étude en sciences sociales ne vous donnera la réponse que vous semblez chercher – même en allant l’arracher avec les dents. Elle n’est pas à l’extérieur de vous, comme si elle était à la fois indépendante de vous, et déterminée par des facteurs sociétaux qui vous échapperaient totalement. L’époque, l’âge des hommes que vous rencontrez, leur milieu social, ou les circonstances de la rencontre au fond, importent peu. La clé est en vous, et vous seule pouvez la trouver. Vous aimez l’action ? C’est parti : interrogez-vous, revisitez-votre passé, questionnez-vos envies, profondes, et chassez-moi donc ces idées toutes faites. Par exemple : d’où vous vient l’idée que les filles sont toutes des chichiteuses minaudantes ? Qui vous a donné ce goût pour l’action ? A quel moment cette dynamique est venue écraser, en vous, l’expression d’une possible émotion ? Pourquoi vouloir, toujours, jouer les gros bras ? Que craignez-vous, au fond, qu’il vous arrive si, tout à coup, vous révéliez une toute petite vulnérabilité ? Vous avez tout donné à votre vie sociale, et à votre vie professionnelle. Peut-être serait-il temps de faire une vraie place à l’Autre, et à vous-même, à celle que vous êtes, tout au fond de vous ? De quoi avez-vous si peur, Laetitia ? Parce que de vous à moi, elle transpire, entre chacune de vos lignes, votre peur… Mais ce n’est pas grave : on a le droit, parfois, de douter, vous savez ? C’est même assez classique, quand on est un être humain. Alors laissez vos craintes remonter à la surface. Solide comme vous l’êtes, elles ne risquent pas de vous aspirer, je vous le promets. Au pire, vous fendrez un peu l’armure… »

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