Allô, Giulia ? « Je suis enceinte, mais j’ai peur d’être avec la mauvaise personne »

« Giulia, allô, help, au secours, 

Ceci est une bouteille à la mer jetée par une femme en panique… Et je blague pour oublier que je flippe. Parce que c’est l’enfer : j’ai toujours cru que j’aurais du mal à avoir des enfants, tous les toubibs me l’ont toujours dit. Je me sépare d’un mec (Basile) que j’adorais, au bout de dix ans – et parenthèse, c’est lui qui me quitte, justement parce que je veux un enfant, alors que lui pas du tout. Je passe un an à pleurer, mais, poussée par des copines qui n’en peuvent plus de me voir regretter un ex qui, d’après elles, ne me rendait pas si heureuse que ça – ça se discute… Bref, je m’inscris sur Tinder. Alors que j’ai horreur de ça. Coup de pot, je tombe sur Ed tout de suite. Et il est l’exact contraire de Basile : il s’appelle Edouard, en fait, et si vous pensez que ça signe un bon milieu social, vous avez raison. Basile est officiellement artiste. En réalité, le jour où il gagne un euro avec sa musique, vous m’appelez ! Edouard, c’est le prototype du gendre idéal : école de commerce, cœur sur la main, brillant avenir en perspective… Et j’ai honte parce que j’ai l’air de me moquer de lui… Mais je panique.

Bref, il est vraiment, vraiment super. Au point que, quand je lui annonce que je suis enceinte de lui, il y a trois semaines, alors que ça ne fait même pas six mois qu’on sort ensemble, lui ne panique pas du tout. Au contraire. Il respire un grand coup, et yallah : il a déjà l’idée du quartier où on devrait habiter, des plans nounous par sa mère, une super sage-femme pour la préparation à l’accouchement… À la fois, son implication me bluffe. En même temps… Elle m’étouffe. Et évidemment, c’est ce moment-là que Basile choisit pour retoquer à ma porte : il m’aime, il a changé d’avis, il veut une vie et un enfant avec moi, et tout le tralala. Mes copines me disent de me méfier. Je sais que je dois me méfier – on ne change pas comme ça. Et puis j’ai cet enfant dans le ventre, moi qui étais censée – peut-être – ne pas devenir mère…Je ne suis pas sûre d’être amoureuse d’Edouard. Par contre, je l’aime suffisamment pour ne pas vouloir lui faire de peine. Et j’imagine sa tête, si je lui disais que, cet enfant, je ne le gardais pas, et ça, ce n’est pas possible. Il ne mérite pas ça. Non. Mais on se connaît si peu… Qui me dit qu’on fera de bons parents ? Qui me dit que c’est avec lui que j’ai envie de signer un CDI ? Parce qu’un enfant, on va pas se mentir, c’est quand même un peu ça, non ? Mais imagine : avec Basile, ça foire. Ou imagine, derrière, je ne peux plus jamais avoir d’enfant. Bref : je fais quoiiiiiii ???? » Alex, 38 ans

« Chère Alex,

Je vous lis, et je vous relis. Et je pèse vos arguments. Et je soupèse le contraire. Et je m’interroge, et je demande des avis autours de moi, et ils sont tous contraires et… Bref, Alex, je ne sais paaaaaaas !!! Mais vous savez pourquoi ? Parce que c’est votre corps. Que c’est donc votre choix. Et que, comme tel, il sera le bon, quel qu’il soit. Si nos mères se sont battues, c’est exactement pour ça : pour que l’on ait, nous, femmes, le droit de décider, en tout liberté, de ce qu’on faisait de notre corps en général, d’une grossesse en particulier. Ça, c’est le principe de départ, totalement inaliénable, sur lequel vous allez pouvoir vous appuyer, pour envoyer bouler quiconque se permettrait d’avoir un avis, pour n’écouter que vous. Si mes calculs sont bons, il vous reste environ deux mois et demi pour vous décider, tout en restant dans les délais légaux d’une IGV. Prenez ce temps là pour chasser tout ce bruit intérieur qui vous obstrue le cerveau : vos croyances, vos présupposés, vos craintes.

Il n’y a jamais de bon moment, de bonnes raisons, ou de bonnes façons de faire un enfant. Tout simplement parce qu’il ne passe pas par la tête : en la matière, c’est le ventre, le cœur, le corps, qui parle… Et cette toute petite voix, tout au fond de vous, que vous finirez par entendre, et qui vous dira si vous êtes prête, ou non, là, tout de suite, maintenant, à déclencher cette petite dose d’inconscience qu’il nous faudra toujours pour devenir mères. Peut-être que ce sera avec Edouard, mais pas parce la raison vous le dicte. Peut-être que ça sera avec Basile, mais pas parce que vos regrets vous y invitent. Peut-être que ce sera avec un troisième, parce que la vie est toujours suffisamment folle pour nous surprendre au moment où on s’y attend le moins. Faites-lui confiance, faites-vous confiance Alex. Et faites-vous couler un bon bain chaud – ou une bonne douche : laissez glisser sur vous vos sensations les plus profondes. Laissez-les vous traverser, observez-les, voyez les muter, semaine après semaine, et suivez les. Un matin, je vous le promets, vous vous lèverez et vous saurez –pour le coup, c’est à moi qu’il faut faire confiance. Mais croyez-moi. Je vous embrasse – et je vous jure que la vie est longue. »

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