Santé

Allô, Giulia ? « Ma mère a une relation toxique avec son nouveau copain »

« Je vais vous demander de me croire sur parole…

Oui, je suis du genre à mettre de l’eau dans mon vin. Non, je ne suis plus une gamine. Mais oui, je pense avoir de bonnes raisons de m’inquiéter pour ma mère. Quand elle m’a présenté Marco, j’étais vraiment heureuse pour elle : mon père est mort il y a cinq ans, et j’ai vraiment eu peur qu’elle coule – ils s’adoraient. Là, avec Marco, son « fidanzatto », je la vois se remettre au yoga, faire attention à elle, se maquiller de nouveau – et surtout, elle ne m’appelle plus dix fois par jours pour lui réparer sa box !

Bref, au départ, je l’ai plutôt béni. Donc j’ai passé outre ses bonnes grosses habitudes de macho (pour résumer, il n’en rame pas une à la maison), j’ai fermé les yeux sur les rires gras et les blagues sexistes, et j’ai résisté à la furieuse envie de lui demander ce qu’elle lui trouvait. Mon père était quelqu’un de très élégant, discret, prévenant… Aux antipodes de Marco, mais après tout, c’était sans doute ce qui lui plaisait. Moi, j’allais pouvoir souffler un peu, m’occuper de mon mec, de mes enfants, de ma famille… C’était ce que je me disais jusqu’à l’été dernier.

On est partis en vacances tous ensemble sur la côte basque : ça faisait hyper plaisir à ma mère, et moi, je me disais qu’après tout, un grand père pour mes enfants, ça n’était pas plus mal – du côté de Jean, mon compagnon, il n’y a plus personne depuis longtemps. Sauf que là, on est monté un cran au-dessus dans la catégorie connard : Marco a passé les trois semaines à humilier ma mère, lui faisant des sales petites remarques à tout bout de champ, et pour couronner le tout, il draguait ouvertement la serveuse du bar où on se retrouvait à chaque fin d’après-midi. Mais ça, passe encore…

Parce que le pire, c’était de voir ma mère, plutôt grande gueule habituellement, encaisser, ne pas broncher, et même, se faire toute petite dès qu’il était dans le coin. En gros, elle se tait, et elle sort la carte bleue – parce qu’en plus, il n’a pas un rond, l’artiste incompris… Au milieu du séjour, je n’en pouvais plus, et j’ai tenté de lui parler, mais elle m’a bien fait comprendre de la boucler, et je suis rentrée furax. Je la vois nettement moins depuis… La dernière fois, j’ai eu un choc : elle a beaucoup maigri, et, pour se justifier, elle me dit qu’elle ne dort pas de la nuit… Évidemment, j’en suis sortie encore plus inquiète, et je ne sais pas par quel bout la prendre pour lui faire comprendre qu’il faut qu’elle quitte Marco. Pour moi, ça ne fait pas l’ombre d’un doute : le problème, c’est lui. Même Jean a fini par être d’accord avec moi : il y a un truc qui ne va pas, chez cet homme-là. La question c’est : comment, quand, avec quels mots je lui parle de tout ça ? C’est délicat, c’est quand même ma mère… » -Héloïse, 42 ans.

 

« Chère Héloïse,

 

Oui, je vous crois. Oui, c’est délicat. Et même au-delà : qui peut comprendre ce qu’il se passe réellement dans un couple ? Allez savoir pourquoi ces deux-là se mettent ensemble, allez deviner ce qui les fait tenir, rire, ou jouir…  

Mais oui, c’est assez détestable, je vous l’accorde volontiers, de voir quelqu’un qu’on aime s’enticher d’une endive ou d’un goret. Ne serait-ce que parce que l’endive, ou le goret, va devoir régulièrement rentrer dans notre champ de vision, et dans notre espace vital… Et parce que dans votre cas, flotte encore l’ombre d’un père/d’un époux chéri, qu’on a aucune envie de voir remplacer. Mais ça, je crois que vous l’avez dépassé – fouillez en vous-même, pour vérifier, mais je dirais qu’on est bons… Et je crois qu’on a passé la frontière, ténue, entre l’insupportable et le toxique. Ce qui me permet de le conclure, alors que je ne vous connais pas, ni vous, ni votre mère ? Votre mère elle-même.

A vrai dire, c’est le seul baromètre qui vaille. Vous ne pourriez pas encadrer ce Michel Ange de la Côte Basque, mais vous la verriez heureuse, et amoureuse, vous finiriez par prendre votre mal en patience – après tout, c’est leur histoire, pas la vôtre : vous espaceriez les visites, et elle vous manquerait, mais ce manque-là serait doux, parce que dénué d’inquiétude. Mais comment ne pas se préoccuper pour un proche qui maigrit, pour un proche qui ne dort pas, pour un proche qui rase les murs ? Or c’est exactement l’effet produit par une personne toxique sur celle ou celui qui la côtoie : il la vampirise, elle disparaît.

Malheureusement, chère Héloïse, votre marge de manœuvre est assez réduite. Vous avez tenté l’approche frontale, et vous avez vu le résultat. Normal : tant qu’on est sous emprise, l’ennemi, c’est l’autre, et tout ce qui pourrait interférer dans la relation. Votre mère ne le pense pas, elle ne le conscientise pas, mais, de manière subliminale ou pas, il lui fait certainement passer le message : en dehors de lui, point de salut. Et, voulant à tout prix retrouver son prince charmant des débuts, elle fera, pour l’instant, absolument tout ce qu’il faut pour éviter de le contrarier. En dépit du raisonnable, en dépit du bon sens – et n’essayez même pas de la convaincre du contraire, vous y dépenseriez une énergie précieuse, pour un résultat proche de zéro. 

Soyez plus maligne que lui, contournez. Ne l’attaquez jamais, lui, directement. Ne la prenez jamais, elle, entre quatre yeux. Faites en sorte, simplement, que peu à peu, elle puisse les ouvrir… Et le quitter un jour. Mais pour ça, il lui faut un filet de sécurité. Vous le serez : dites-lui que vous l’aimez, quoiqu’il arrive, ne la jugez jamais. Il la met plus bas que terre ? Rappelez-lui ce qu’elle vaut. Faites-lui faire des choses qu’elle aime, et qu’elle sait faire. Faites-lui retrouver le bon de la vie – quand on en est à se laisser humilier, on l’a certainement oublié… Faites-lui comprendre que vos bras lui seront toujours ouverts, quoiqu’il se passe, et quoiqu’elle fasse – oui. Sur lui, ne lancez jamais la discussion, mais soyez prête à tout entendre – et à passer le relais à ses amies quand c’est trop dur. 

Je sais, j’imagine ce que ça peut vous demander comme patience, ce que ça peut vous coûter en serrage de dents. Mais ce dont votre mère a besoin, là, c’est de savoir qu’il y a, quelque part, une issue de secours. Et de façon très concrète, j’ajouterais : mettez tout en œuvre pour qu’elle puisse garder son indépendance financière. Ils veulent acheter un toit à deux ? Trouvez le moyen, en douceur, de l’en dissuader. Ou bien trouvez lui un notaire, qui lui garantisse, sans le dire, de pouvoir récupérer ses billes au cas où ça tourne mal avec Mister Macho du bac à sable. Accompagnez-la, sur un chemin qui peut vous paraître très, très long… Mais vous pouvez vous faire aider : et si vous lui suggériez d’aller voir un psy, officiellement pour en finir avec cette tristesse, induite par l’absence de votre père ? Choisissez le bien, et il saura faire le reste ».      

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