Santé

« Avec des poils, avant, je me sentais sale et moche » : à la reconquête de nos poils !

Il y a quelque temps, j’ai posé pour faire la publicité d’une marque de cosmétiques. On m’a donné un bâton de rouge à lèvres, et je devais trouver une pose devant l’objectif du photographe. Je ne savais pas trop quoi faire de moi, j’ai fini par brandir le tube, le bras levé. Mes aisselles n’étaient pas épilées. La photo est parue sur Instagram un mois plus tard. Mes poils y étaient à peine visibles, pourtant les émojis « nausée » et « vomi » ont fleuri sous le post.

Dare dare, Juliette Lenrouilly et Léa Taïeb m’ont écrit pour me faire part de leur soutien. Elles connaissent bien le sujet de la pilophobie, elles ont même écrit un livre sur le sujet :« Parlons Poil ! ». Elles m’ont expliqué : « près de 80 % des Françaises se déclarent contre le retour des aisselles non épilées, le marché des produits dépilatoires se porte comme un charme, et nombreuses sont les personnes qui continuent à associer le poil féminin à quelque chose de viril ou non hygiénique ». Leur travail déconstruit les injonctions à la dépilation et normalise nos poils de femmes.

Lorsque j’ai voulu recueillir un témoignage pour cet article, nombre de portes m’ont été claquées au visage. J’ai compris à quel point Juliette et Léa ont raison quand elles affirment que : « les femmes ont des poils et, au XXIe siècle, c’est un sujet toujours aussi compliqué » !

Heureusement, j’ai fini par rencontrer Victoire Doux. Victoire a 30 ans, et après une première carrière comme journaliste et attachée de presse politique, elle a tout quitté il y a quatre ans pour se lancer dans l’illustration. Féministe, le sujet de l’épilation lui tient particulièrement à cœur.

Le premier rapport aux poils

« Je me souviens très bien de mon premier poil ! Il se trouvait sur la vulve et j’en étais très fière. J’avais 11 ou 13 ans, je ne sais plus, mais ce dont je me rappelle c’est que ce poil m’a fait me sentir femme.

C’est au collège que j’ai ressenti pour la première fois la honte de ne pas être épilée, quand mes amies m’ont conseillé de me raser les jambes. Je les ai écoutées et je l’ai fait avec beaucoup de zèle. Quand je portais des pantalons, je rasais même la petite partie visible des mollets, entre mes chaussettes et le bas de mon jean !

Plus tard, on m’a fait remarquer mes poils entre les seins, et sur le nombril. Mais on m’a déconseillé de les raser, il fallait les arracher pour ne pas que « ça empire » ! Ma mère et ma sœur utilisaient un épilateur électrique, moi je n’ai jamais pu le faire, c’était trop douloureux. Déjà à l’époque, j’avais du mal à accepter que la douleur soit une routine.

Le regard des autres 

À la fac, malgré tout, je passais chez l’esthéticienne pour « être tranquille ». Surtout à la belle saison, il fallait toujours être prête : prête pour la plage, prête pour une soirée où je serais en robe, prête pour faire l’amour. Toute une organisation. Pour avoir des relations sexuelles avec des hommes, je m’épilais. C’était totalement lié : je ne pouvais pas me sentir bien au lit sans être entièrement épilée de partout. Avant mon plaisir, je pensais à leur regard. Avec des poils, je me sentais sale et moche… Ça me révolte aujourd’hui d’y repenser !

De leur côté, que ce soit pour la plage, les soirées ou le sexe, les hommes, eux, étaient toujours prêts, l’esprit libre. Je trouvais ça injuste, c’était encore une inégalité, une de plus. À coup de « il faut souffrir pour être belle », les femmes acceptent que la douleur fasse partie de leur quotidien.

Les poils au travail

Je me sentais révoltée. Quand j’étais attachée de presse en politique, j’ai décidé d’aller au boulot en jupe avec les jambes poilues. J’ai subi de ces regards et de ces remarques… surtout à l’Assemblée nationale où l’image de la femme est extrêmement contrôlée. La première fois que j’ai tenté d’y afficher mes jambes poilues, je suis rentrée chez moi meurtrie, et j’ai tout épilé. La deuxième fois, la colère l’a emporté, et m’a aidée à m’assumer telle que j’étais. Dans les mois qui ont suivi, je me suis mise à parler ouvertement de ma pilosité, et à montrer mes poils presque avec provocation. D’abord ceux des jambes, ensuite ceux des aisselles, puis ceux de la moustache !

Les poils et la sexualité 

Et puis, dans l’intimité, j’ai laissé pousser les poils de mon sexe, de mes tétons, de mon nombril. Côté plaisir, les poils m’apportent beaucoup. Lorsque je me suis épilée pour la première fois la vulve, mon sexe sans poils m’a paru plus sensible sur le moment. Mais ça n’a pas duré, je crois que c’était juste la nouveauté de cette sensation. Maintenant que je ne m’épile plus, je trouve que les poils donnent plus de subtilité aux caresses. Les caresses sur mes poils sont excitantes au niveau de ma vulve. Elles sont plus douces et sensuelles au niveau de mes jambes.

La réconciliation avec les poils 

Aujourd’hui mes poils font de nouveau partie de moi. Je les ai…  oubliés ! Ce qui faisait partie de mon corps et était normal au départ… est redevenu normal. C’est fou quand on y pense.

Avec le temps, j’ai développé des tactiques de défense face aux éventuels partenaires indélicats. S’ils me font une remarque sur ma pilosité, je leur dis :  « tu voudrais que j’ai quoi ? Des plumes ? » en général ça les laisse bouche bée et ça évite le débat. Quand j’ai le courage, je fais de la pédagogie. Par exemple, face à un homme non épilé, je lui retourne la question : pourquoi toi non plus tu ne t’épiles pas ? Ou alors, je réponds juste que c’est mon corps, mes choix ! »


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