Caroline, 47 ans : « J’envisage toujours le pire »

« Cette anxiété maladive, je la dois à ma mère », lâche d’emblée Caroline. « Lorsque j’étais petite, elle me couvait comme un poussin et était terrorisée à l’idée qu’il m’arrive quelque chose ». À 47 ans, la jeune femme a un mari aimant, deux beaux enfants en bonne santé et un travail dans lequel elle s’épanouit, mais c’est plus fort qu’elle : elle appréhende tout.

Côté professionnel

« Je passe mon temps à redouter une catastrophe, aussi bien pour moi que pour mes proches », confie la quadra. « C’est comme s’il ne pouvait pas y avoir de bonheur sans malheur ». Adolescente, Caroline était déjà persuadée que sa vie allait être une succession d’échecs : elle allait rater son bac, ne pas trouver de boulot et devenir un rebut de la société. L’avenir ne lui donne heureusement pas raison : à peine sortie de son école de commerce, elle décroche un boulot. Il n’empêche : en poste depuis plus de vingt ans, elle craint toujours de faire une boulette et d’être éjectée de sa boîte comme une malpropre. « Pour éviter ce scénario d’horreur, je bosse deux fois plus que les autres », confesse-t-elle.

Côté personnel

Côté cœur, la jeune femme a également toujours eu tendance à voir le verre à moitié vide. « Dès que je rencontrais quelqu’un, je me disais que ça allait foirer », raconte-t-elle. « Il a fallu beaucoup de patience et d’écoute à Matthieu pour faire tomber la carapace dans laquelle je m’étais enfermée ». À la naissance de leurs jumeaux, la mère de famille est accablée par la responsabilité. « J’avais le sentiment que la vie de ces deux petits êtres sans défense était entre mes mains, se souvient Caroline. Je redoutais la mort subite du nourrisson, mais aussi que l’un d’eux se fracasse la tête en tombant du toboggan ou se noie dans la piscine de mes beaux-parents ». Pour ne pas avoir à les confier à une baby-sitter, il arrive souvent à la jeune maman de prétexter une migraine. Et lorsqu’elle ne peut pas faire autrement que de sortir et de les laisser, elle est tellement tendue qu’elle n’arrive pas à profiter de sa soirée. Alice et Théo sont désormais deux adolescents, mais Caroline trouve d’autres motifs pour se mettre la rate au court-bouillon.

La peur de l’extérieur

Sa plus grande angoisse ? Conduire. « À chaque fois que je prends le volant, je ne peux pas m’empêcher d’anticiper le trajet dans ma tête », explique-t-elle. « Je me dis qu’un camion va changer brutalement de file sur le périphérique et me percuter. Ou que le feu va passer au rouge au moment où je passerai dans cette rue pentue pour reprendre les enfants au conservatoire, que je vais caler et être incapable de redémarrer en côte ». Un calvaire. Même les départs en vacances sont sources d’angoisse. « Entre les crashs aériens, les cyclones tropicaux et les attaques terroristes, je me dis parfois qu’il faut avoir une sacrée dose d’inconscience pour quitter son chez-soi », poursuit-elle, presque amusée par ses propos.

Depuis plusieurs années, Caroline essaie de se raisonner et de se convaincre qu’il n’y a aucune raison pour que toutes les situations qu’elle vit aient une issue négative. Elle n’a pourtant jamais l’esprit tout à fait en paix. « Toutes ces projections nuisibles empoisonnent non seulement mon quotidien, mais aussi celui de mes proches, affirme-t-elle. Ça me désole d’entendre ma fille me dire qu’elle stresse à l’idée de se faire agresser dans le métro quand elle rentre du lycée ».

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