Santé

C’est mon histoire : « Le chat de mon ex m’a pourri la vie »

Une fête entre célibataires                               

J’avais beau arpenter les rues de mon quartier, Christine demeurait introuvable. Il était minuit passé. L’air était glacial et il n’y avait pas un chat. Pas cette foutue chatte. La seule chose qui bougeait était la lumière des feux de signalisation qui passait du rouge au vert. Christine pouvait être partout : cachée sous une voiture, derrière une poubelle, piégée dans le hall d’un immeuble… et même dans un appartement en train de se faire dorloter – et vu la perfidie de l’animal, c’était une option. Qu’est-ce que je faisais là, le soir de mes 40 ans, à hurler « Christine » en agitant une boîte de croquettes ! ? À cette heure-ci, j’aurais dû être chez moi, avec mes amis, en train de danser et de souffler mes bougies. J’en venais à regretter les dîners d’anniversaire que m’organisaient mes parents. C’était en général ce qui arrivait quand je n’avais pas la garde de mes enfants à cette date. Mais j’avais dit « non » cette année. Non au repas gargantuesque de ma mère, non à l’analyse politique de plus en plus à droite de mon père. Non à la dispute de fin de repas. Mais oui à une joyeuse tablée à la maison avec mes trois « partners in crime » favoris, oui à la fête et aux discussions interminables sur le sexe ! Nous étions tous les quatre célibataires, et cela faisait des mois qu’il n’y avait pas eu « débriefing ». Petit détail cependant : j’avais aussi dit « oui » au chat de mon ex. Ou plutôt à la chatte de la nouvelle femme de mon ex… C’était pour cette fille que Nicolas m’avait quittée quatre ans plus tôt. Nous commencions tout juste à nous reparler normalement. J’avais mis du temps à digérer la trahison et à ne plus avoir envie de lui arracher les yeux. J’étais prête à tourner la page et, pour nos deux filles, à apaiser nos échanges. Mieux, je voulais être sympa.

Un animal allergique, perfide, effrayant                                                                               

J’avais donc proposé de garder Christine alors que lui et sa femme partaient, avec mes enfants, une semaine à la montagne. « Mais non, vous n’allez pas payer un “cat-sitter” alors que j’habite à deux pas ! » Mes filles étaient si contentes que la chatte « de chez papa et Violaine » fasse un petit séjour chez leur maman. « Comme une vraie famille », avait ajouté Elsa, ma petite de 5 ans. Dès le début de notre cohabitation, avec Christine, j’ai compris que les choses n’allaient pas être si simples. Madame faisait des allergies alimentaires et ne tolérait que le poulet bouilli finement coupé et les croquettes à la volaille fermière. Il lui fallait son arbre à chat (de 2 mètres !), sa fontaine à eau (« parce que les chats détestent l’eau stagnante », me précisa mon ex) et ses petits jouets éparpillés dans mon salon pour ne pas brider son instinct sauvage (« sinon elle déprime »). Elle prenait mon canapé en velours pour sa planche à griffes et miaulait à la mort façon « L’Exorciste » dès que j’étais en « call » pour le boulot. À croire qu’elle le faisait exprès. Elle me regardait bizarrement et pouvait d’un coup me bondir dessus avec le dos rond et le poil hérissé. L’horreur ! Christine avait fini par me coller la trouille. C’est vers 23 heures qu’on s’est aperçu de son absence. Paul venait de mettre « Gigi l’amoroso » à fond sur l’enceinte, la soirée démarrait. Cela faisait un moment que je n’avais pas vu l’animal me toiser. « T’inquiète, elle est par là », lança Lydie, sans lever les yeux de son portable, à la recherche, sur Tinder, d’un tout autre animal. « On fait un tel boucan qu’elle est partie se cacher », tenta Medhi en même temps qu’il sirotait sa dixième coupe de champagne. J’avais un mauvais pressentiment. Reléguant le moment du gâteau et des bougies à plus tard, me voilà partie en expédition dans mon appart, en mode spéléologue, à la recherche de Christine. Rien.     

Lire aussi >> C’est mon histoire : « Je n’arrive pas à tromper mon mari »

« C’est ta faute, Paul, ai-je crié. Tout ça parce que t’es pas foutu de fermer la fenêtre d’un balcon pour aller cloper. Ce n’est pas comme si je ne te l’avais pas dit quinze fois ! » Toute au stress que me laissait la disparition de cet animal qui n’était pas seulement une chatte, mais la chatte de mon ex, je fonçais sans réfléchir toquer à la porte de mes voisins de palier. Il était 23 h 45. Ce n’était pas une heure décente, même un samedi soir, mais il y avait urgence. Le premier n’était pas là, les seconds, des jeunes en coloc, déjà bien éméchés, se sont fait un plaisir de me chanter « C’est la mère Cécile qui a perdu son chat… ». Je touchais le fond. Medhi, presque dans le même état que cette bande d’étudiants en école de commerce, m’incita plutôt à aller inspecter la rue. Nous sommes remontés dans mon appart vers 1 heure du matin. Moi, désespérée. Medhi, assoiffé. Au-delà du mauvais présage que m’inspirait, le jour de mon anniversaire, la perte d’un chat noir, j’imaginais les réactions de mon ex. Je l’entendais d’ici me faire son laïus sur mon manque de rigueur qui se manifestait aussi bien avec Christine qu’avec les enfants. Je l’imaginais insister sur le prix de Christine, son british shorthair à la noix, « même si ce n’est pas une question d’argent, Cécile, tu comprends bien ». Et qu’allait penser sa femme ? Que je l’avais fait exprès, que je n’étais qu’une jalouse manipulatrice « chatophobe ». Et mes enfants ? Je voyais déjà leurs grands yeux remplis de larmes…

Un acte manqué, digne de Freud                                                     

« T’es trop à l’écoute de tes marmots, ce n’est pas comme ça que tu vas les faire grandir », me lâcha de nulle part Lydie, qui n’a pas d’enfants. C’était la goutte d’eau. J’explosai. Visiblement personne ne comprenait mon angoisse. « Mais si, on la comprend ! s’énerva Paul, épuisé de m’entendre beugler. Mais toi aussi, quelle idée de garder la chatte de la femme de ton ex ! » Medhi, définitivement saoul : « Mais c’est clair ! Si ça, ce n’est pas un acte manqué, j’y connais rien à Freud ! » Ce soir-là, les mots fusèrent et dépassèrent nos pensées. Tout le monde repartit fâché, sans toucher au gâteau. Le lendemain, je recevais un gentil « Chat va ? » sur notre groupe WhatsApp « Les Winners » que j’aurais bien rebaptisé « La Grosse Lose ». Mais je n’étais pas prête à faire des blagues. Je cherchais à gagner du temps avant d’annoncer la nouvelle. Au téléphone, avec mes enfants, je mentais comme une arracheuse de dents (ou de chat) : « Mais oui, tout va bien, mes anges, Christine est adorable, elle dort beaucoup » – comme si elles allaient me demander de lui parler… « Des photos ? Bien sûr, je vous en envoie. » Heureusement, j’en avais pris pas mal au début, lorsque j’étais encore attendrie par la bête.               

J’ai passé mes quatre derniers jours sans enfants à chercher Christine. J’ai sonné chez tous les voisins de mon immeuble, fait des tours dans le quartier en scrutant chaque recoin, interrogé les commerçants, appelé les pompiers, les vétos, la SPA, dormi la fenêtre ouverte, au cas où elle reviendrait, manquant d’attraper une pneumonie… Il fallait se rendre à l’évidence, Christine ne reviendrait pas. Je devais le dire à mon ex. Lorsqu’il est arrivé chez moi, avec sa femme et mes enfants, mon cœur battait comme un fou, j’avais envie de pleurer. « Qu’est-ce que tu as, maman, t’es bizarre ? » me demanda Rose, mon aînée de 10 ans. « Il est arrivé quelque chose », ai-je murmuré. Et au moment où j’allais prononcer la phrase fatidique, Christine miaula en passant, majestueuse, par la porte du balcon restée ouverte. La peste ! « Attends, tu l’as mise sur le balcon avec le froid qu’il fait ? » m’accusa Violaine. « Si tu savais… » avais-je envie de lui répondre. Mais je n’ai rien dit, esquivant la question et le regard noir de mon ex. J’ai vite rendu la boule de poils à ses propriétaires avec son arbre à chat et son poulet en miettes, et j’ai récupéré mes filles. « On pourra la prendre parfois, maman, steuplait », m’ont-elles suppliée au moment de lui dire au revoir. « On verra, mes anges », ai-je répété en sachant très bien que Christine n’était pas près de remettre une patte chez moi. Même pas en rêve !

Continuer la lecture

close

Recevez toute la presse marocaine.

Inscrivez-vous pour recevoir les dernières actualités dans votre boîte de réception.

Conformément à la loi 09-08 promulguée par le Dahir 1-09-15 du 18 février 2009 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, vous disposez d'un droit d'accès, de rectification, et d'opposition des données relatives aux informations vous concernant.

Afficher plus
Bouton retour en haut de la page