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ChatGPT et applis de rencontres : l’utilisation de l’IA pour draguer en ligne est-elle judicieuse ? Interview

L’intelligence artificielle (IA) est sur toutes les lèvres, et s’invite même sur les applications de rencontres. Le robot conversationnel ChatGPT, développé par la société OpenAI, suscite un engouement planétaire. D’autres outils, comme Midjourney, permettent de générer des images aussi réalistes qu’invraisemblables. Une révolution du numérique, qui inquiète autant qu’elle fascine, et qui touche tous les domaines.

Selon un sondage réalisé par l’application de rencontres Happn auprès de 1 065 célibataires, 64% des répondant·es seraient prêt·es à utiliser l’IA pour séduire en ligne, et une personne sur trois a déjà sauté le pas. Pour autant, 48% des personnes interrogées ne savent pas si elles sont plutôt pour ou contre cette utilisation, tandis que 29% s’y opposent. Alors, pourquoi les célibataires sont-ils tentés de recourir à l’IA ? Quelles sont les limites de son utilité ? Cette tendance est-elle sur le point de se généraliser ? Éléments de réponses avec Claire Rénier, responsable des tendances chez Happn.

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ELLE. Pourquoi les célibataires se tournent-ils vers l’IA, est-ce plutôt pour le fun ou par nécessité ? 

Claire Rénier. Il y a plusieurs raisons à prendre sous forme de package : premièrement, on ne peut pas nier qu’il y a un phénomène de curiosité autour de l’IA, qui est l’objet de toutes les conversations depuis plusieurs semaines. Par conséquent, que ce soient des célibataires, des personnes en couple, dans le travail ou dans l’intime, les gens ont envie de tester par eux-mêmes. 

Deuxièmement, je pense qu’il y a une vraie nécessité. L’envoi du premier message sur les applications de rencontres n’est pas facile pour les célibataires : il y a une forme de pression, car ils ou elles ont envie d’être drôles mais pas trop, pour montrer qu’ils sont quand même sérieux·ses. Je comprends tout à fait que les utilisateurs et utilisatrices soient séduit·es par cette option, qui peut les aider à varier les messages et accrocher une autre personne.

ELLE. Quels types de questions les célibataires posent-ils aux robots ?

C.R. Ça, on n’y a pas accès, mais si je me mets dans la peau des utilisateur·ices, à qui je parle tous les jours, j’imagine qu’ils ou elles pourraient poser des questions du type : « J’ai vu sur ses photos de profil qu’elle partait souvent en vacances, qu’elle adorait les animaux. Quel premier message pourrais-je lui envoyer pour être sûr·e que ça lui plaise ? ».

« Je l’utiliserais plus comme une source d’inspiration »

ELLE. Quels conseils leur donneriez-vous, pour utiliser l’IA à bon escient ? 

C.R. Dans un monde idéal, je ne recommanderais pas forcément aux utilisateurs et utilisatrices de se pencher sur l’IA comme une solution, mais je le prendrais plus comme une source d’inspiration, sans pour autant copier/coller le message. C’est le même principe que lorsqu’on brainstorme sur la première phrase à envoyer, lors d’une soirée entre copain·es. Ça peut donner des idées, mais ça ne correspond pas toujours à ce dont on a envie.

Prendre en compte les centres d’intérêt et autres indices sur la personnalité de son match, peut être intéressant, d’où l’importance de prendre le temps de créer son profil. C’est un point de départ qui peut permettre de rebondir, autrement qu’avec un classique « salut, ça va ? » qui, je pense, ennuie la Terre entière aujourd’hui. Puis en face, la personne saura que ce premier message n’a pas été envoyé à tous les autres contacts qu’on a envie de crusher. 

ELLE. Si 53% des répondant·es souhaiteraient recevoir de l’aide pour envoyer le premier message, 26% voudraient même que l’IA fasse toute la conversation à leur place. Quelles sont les limites à cette forme d’utilisation ? 

C.R. L’IA peut donner des pistes, mais sachant qu’on est sur un processus de rencontres, pour potentiellement tisser une relation, le robot finira par être à court de réponses. Par exemple, si votre crush vous demande quelles sont vos séries préférées sur Netflix, demander conseil à ChatGPT ne sera pas très utile. Au fur et à mesure de la conversation, quand il s’agit d’en dévoiler un peu plus sur soi et sur ses goûts, forcément, l’intérêt de l’IA se perd.

Chez Happn, on ne recommande pas forcément de l’utiliser sur le long terme, puisque le but n’est pas de transformer ces conversations en relations 100% virtuelles, sans aucun reflet de la personnalité des interlocuteur·ices. Par la suite, lors de la rencontre physique, il n’y aura plus de masque pour faire semblant. Je pense que l’intérêt de l’IA, c’est surtout d’enlever la petite pression du début. 

« On a toujours eu besoin d’un coup de pouce pour rencontrer quelqu’un »

ELLE. Cet attrait pour l’IA sur les applis de rencontres est-il préoccupant selon vous ? 

C.R. Bien sûr que non. Au départ, la montée en puissance des applis de rencontre elles-mêmes, a occasionné les mêmes questions, qu’on ne se pose plus dix ans après. Si on remonte encore plus loin, les agences matrimoniales existent depuis des lustres : on a toujours eu besoin d’un coup de pouce pour rencontrer quelqu’un. Je pense que l’utilisation de l’IA fait sens si elle a une vraie valeur ajoutée, et qu’elle est utilisée de manière éthique.

ELLE. Comment voyez-vous l’utilisation de l’IA évoluer dans le domaine des rencontres en ligne à l’avenir ?

C.R. Il serait en effet intéressant de voir l’évolution de ce phénomène dans le temps. L’année dernière, tout le monde avait le métavers dans la tête, et finalement, ça s’est essoufflé.

En revanche, l’expérience de l’application de rencontres est, à l’origine, plutôt solitaire et intime. Le fait que les célibataires se déclarent intéressé·es par l’IA, montre que nous avons une responsabilité à les accompagner. Au regard des résultats de cette enquête, il pourrait être intéressant de mettre au point une option qui permette de détecter les points communs sur les profils, pour faciliter le contact et la première approche. L’expérience ne doit pas s’arrêter à la proposition de profils : elle doit être beaucoup plus complète. Je suis certaine que les applications s’empareront de ce phénomène et que l’IA y trouvera une place. Reste à définir laquelle, pour qu’elle soit importante et non remplaçante.

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