Santé

Comme le prince Harry, comment construire sa vie quand on est le vilain petit canard de la fratrie

« Merveilleux ! Maintenant que tu m’as donné un héritier et un suppléant, mon travail est terminé. » Voici la phrase que Charles III aurait lancée à Lady Di, à la naissance du prince Harry en septembre 1984. C’est ce que révèle, en tout cas, le duc de Sussex dans ses mémoires, parues aux éditions Fayard en janvier dernier. Durant toute sa jeunesse, le prince Harry a souffert de son statut de « suppléant » au sein de la famille royale britannique, avec la sensation d’être relégué au second plan, dans l’ombre de son frère William, l’héritier de la Couronne. 

Dans une interview accordée au « Telegraph », l’époux de Meghan Markle a fait part de ses inquiétudes vis-à-vis de ses neveu et nièce. En effet, depuis l’accession au trône du roi Charles III, dont le couronnement est prévu le samedi 6 mai 2023, le prince Louis et la princesse Charlotte figurent au quatrième et troisième rang, dans l’ordre de succession. Pour autant, les Cambridge mettent tout en œuvre pour protéger leur progéniture, à en croire certains spécialistes de la royauté. « William et Kate Middleton tentent de donner à leurs enfants, malgré leur statut royal, une enfance aussi normale que possible, a expliqué l’experte royale Katie Nicholl dans le podcast  »Dynasty ». Sans différence de traitement en fonction de la place dans la ligne de succession. » Pour cause, être considéré comme le vilain petit canard de la fratrie peut avoir des conséquences non négligeables sur la construction de l’enfant. 

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Se tourner vers d’autres repères

Antoine*, 34 ans, a toujours senti une différence de traitement entre lui et ses deux frères – l’aîné ayant 18 mois de plus que lui, et le benjamin cinq ans de moins. « Mon grand frère était sage et exemplaire, alors que moi, j’avais de grosses difficultés scolaires, raconte-t-il. Mes parents étaient bien plus patients avec mon petit frère, qui a pourtant le même profil que moi. Je pense que la place du milieu est la plus compliquée. »  

« Par rapport à mes frères, je disais que j’étais une poubelle pourrie » 

Alors, le syndrome de « l’enfant-sandwich » existe-t-il vraiment ? Selon Marylise Richard, psychologue clinicienne et thérapeute familiale, ces croyances stéréotypées, qui voudraient que l’aîné soit l’enfant-roi, le petit dernier le chouchou, et celui du milieu forcément exclu ou incompris, sont à nuancer. « C’est possible, mais il faut prendre en compte la globalité de l’histoire. Par exemple, certains enfants sont mis à l’écart tout simplement parce qu’ils sont différents des autres, avec des goûts, des aspirations ou un mode de fonctionnement qui font que les autres membres de la famille ne se reconnaissent pas en lui. Parfois, on observe une différence de traitement quand les traits physiques ou de personnalité ressemblent à un aïeul, avec qui les parents ont eu une relation compliquée. Les facteurs peuvent être multiples. »  

Quelles que soient les causes, cette mise à l’écart ou cette différence de traitement peuvent avoir des effets néfastes sur la psychologie de l’enfant et de l’adolescent, et notamment l’estime de soi, précise l’experte. « Mes parents me disaient souvent « Regarde ton frère, il réussit bien, prend exemple sur lui. » Ils m’enfermaient dans ma chambre tout le week-end pour que j’apprenne mes poésies alors que ça ne rentrait pas », raconte Antoine. « Je pense que leur acharnement a renforcé ce manque de confiance en moi. Par rapport à mes frères, je disais que j’étais une poubelle pourrie. » Cette stigmatisation a fait naître en lui de la colère, avec une forme de rébellion. « Je me suis un peu vengé de toutes ces punitions, en me comportant mal en classe. J’ai été viré de quatre écoles ! » 

Heureusement, Antoine a trouvé du soutien auprès du prêtre de son club de football, qui l’a pris sous son aile. En effet, dans ce genre de situation, Marylise Richard recommande « aux jeunes de s’ouvrir à d’autres adultes, créer d’autres relations où ils peuvent se découvrir sous un autre jour. » C’est également aux parents de laisser cette opportunité aux enfants.  

« Je me réfugiais chez ma tante, qui m’accueillait très bien » 

Léone, 69 ans, qui fait partie d’une fratrie de quatre filles, s’est elle aussi appuyée sur des repères extérieurs. Sa sœur aînée ayant 14 mois de plus qu’elle, et ses deux cadettes étant nées trois ans plus tard, à 15 mois d’intervalle, cette retraitée a longtemps souffert du manque d’amour de sa mère. « Ma grande sœur était la Sainte-Parfaite. On ne l’incriminait jamais de rien », se souvient-elle. « Mes parents voulaient un garçon. Toute mon enfance, j’ai été considérée comme tel. À cette époque-là, la différence de traitement était plutôt positive, avec un rôle très protecteur, temporise-t-elle. Mais tout a basculé quand mon père est mort. »

Léone avait 11 ans quand son père est décédé. Puis, sa mère est tombée malade, d’une sclérose en plaques, peu de temps après. « À partir de ce moment-là, elle s’est reposée sur ma grande sœur, qui jouait le rôle de maman bis et qu’elle appelait ‘ma fille’. Mes sœurs cadettes, c’était « les deux petites », et moi j’étais « l’autre »», poursuit-elle. « Quand quelque chose n’allait pas, c’était toujours la faute de « l’autre ». Elle me reprochait quasiment d’exister. » Dans ce contexte anxiogène, Léone a trouvé du réconfort auprès de sa tante. « Je me réfugiais chez elle, parce qu’elle avait perdu un bébé qui devait naître à peu près en même temps que moi. Je lui rappelais peut-être cet enfant. En tout cas, j’y étais très bien accueillie. » 

Trouver une nouvelle place, dans le couple ou au travail

Ces souvenirs extrêmement douloureux ont lourdement affecté sa santé mentale. « J’ai passé ma jeunesse à pleurer, parce que j’avais l’impression qu’il n’y avait que « sa fille » et « ses deux petites » qui comptaient. Moi j’étais là, comme un pion en plus », confie Léone, qui a souffert de dépression durant plusieurs années. À l’âge de 22 ans, alors qu’elle fréquentait un jeune homme depuis quelque temps, sa mère l’a forcée à l’épouser. « Elle a décidé de me marier car elle voulait à tout prix que je parte de la maison. J’ai divorcé dix ans après », déplore-t-elle. « Si mon mariage n’a pas tenu, c’est en partie à cause de toutes ces destructions mentales. »

Cette mise à l’écart de la part des parents peut également avoir des répercussions sur la construction de l’adulte, indique Marylise Richard. « On observe parfois des personnes qui ont du mal à trouver leur place, parce qu’ils reproduisent le schéma qu’ils ont connu dans l’enfance, explique la psychologue. Spontanément, ils peuvent être amenés à rejouer ce rôle de victime. » 

« Mon conjoint m’a aidée à me libérer de toute cette souffrance » 

« J’ai essayé de plaire à ma mère et à ma sœur aînée, mais ça n’a jamais marché. Toute ma vie, je me suis sentie rejetée, donc je n’ai jamais su trouver ma place et mon identité », confirme Léone. Heureusement, à l’âge de 38 ans, elle a trouvé l’amour dans les bras d’un autre homme, avec qui elle s’est remariée. Une relation qui lui a permis de prendre confiance en elle. « Je m’en suis sortie grâce à mon conjoint, qui a su me rassurer, et me donner ma place là où je devais la prendre. Son tempérament m’a aidée à me libérer de toute cette souffrance, et à gagner en assurance. »

Aussi, Léone s’est investie corps et âme dans son travail, pour compenser le manque de reconnaissance au sein de son premier cercle familial. « J’ai travaillé deux fois plus pour essayer d’être estimée, et de montrer que j’étais capable de réussir. »

C’est également le cas d’Antoine, qui s’est découvert un intérêt pour les études… en alternance. « J’ai vraiment pris confiance en moi en BTS et en Master, parce que j’y ai trouvé un intérêt professionnel », explique-t-il. Depuis, le jeune homme a changé de voie et s’épanouit dans un métier qu’il a appris en tant qu’autodidacte. « Finalement, mes cinq ans d’études ne m’ont pas beaucoup servi, mais je suis heureux et fier d’être là où j’en suis. » 

« J’avais besoin de construire ma propre famille »  

Côté cœur, Antoine est le premier de ses frères à s’être marié. « Je pense que ce n’est pas anodin. J’ai rencontré la bonne personne, et le mariage s’est fait assez vite, peut-être parce que j’avais besoin de construire ma propre famille », confie le père de deux enfants. Quant à Léone, elle a fait du bien-être de ses deux fils et de sa fille, sa priorité. « Je me suis jurée de ne pas faire de différences », assure-t-elle, avant de conclure : « J’ai beaucoup souffert, mais maintenant que ma maman est décédée, il faut que je referme ce chapitre. » 

(*) Le prénom a été modifié

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