Complexe du cul : « J’ai des petites lèvres proéminentes »

Noémie, 33 ans, n’a jamais aimé ses petites lèvres, pour la simple et bonne raison qu’elles se « voient » : « Elles devraient être cachées sous les grandes lèvres, non ? Protégées et recouvertes ? », questionne rhétoriquement la jeune femme, qui a développé un véritable complexe au fil des années. « Je préfère faire l’amour dans la pénombre, j’évite les cunnilingus, et il n’y a rien de pire qu’une première rencontre avec un inconnu », confie-t-elle.

La vulve en théorie

Chaque femme arbore un nez différent, et il en va de même pour les vulves : nos petites lèvres, qui font partie des organes génitaux externes, ne ressemblent pas à celles de la voisine. Toutefois, comme le souligne le Professeur de gynécologie-obstétrique Bruno Deval, aussi auteur de « Le périnée féminin » (éd. du Rocher), il existe une définition anatomique de cette partie du corps : « Les petites lèvres mesurent en moyenne 2,5 centimètres de long, 15 millimètres de profondeur et 4 millimètres d’épaisseur. Habituellement, elles ne dépassent pas la superficie des grandes lèvres ». Une réalité physique qui justifie alors le complexe des petites lèvres apparentes ?

En effet, il suffit de se baser sur un précis anatomique et de s’y comparer pour se considérer hors norme face à la moindre inexactitude. Seulement, selon le Pr Bruno Deval, le complexe ne tient pas tant des chiffres ou d’un quelconque schéma auquel les femmes se confronteraient, mais « de l’influence de la pornographie qui définit la vulve idéale, avec des petites lèvres invisibles qui n’excèdent pas le relief des grandes ». Ou comment l’image de la vulve bien dessinée – et bien épilée pour un maximum de précisions – est susceptible de déstabiliser les femmes. Mais le Professeur Bruno Deval se veut formel et rassurant : « La théorie propose un simple cadre de référence. Des petites lèvres proéminentes, ou même asymétriques, ne sont pas difformes. »

Bousculer sa vision du sexe idéal

Pour se montrer toujours plus rassurant, le Professeur précise qu’il existe deux façons d’envisager les petites lèvres : l’école européenne et l’école africaine. C’est-à-dire ? « Au Rwanda et dans d’autres pays d’Afrique, dès la puberté, les jeunes femmes tirent sur leurs petites lèvres pour augmenter la surface érogène de leur vulve. Elles peuvent atteindre 20 centimètres et s’allonger à mi-cuisse », détaille le Pr Bruno Deval, avant d’ajouter que « des petites lèvres étirées, durant l’excitation, ressemblent à des véritables crètes de coq ». C’est, en passant, exactement ce qui chiffonne Noémie à son échelle, puisque lors des rapports sexuels, le sang afflue vers les organes génitaux et fait gonfler les petites lèvres, déjà trop visibles à son goût.

En occident, des petites lèvres qui s’imposent et délimitent la fente de la vulve là où les grandes lèvres sont censées le faire, sont perçues comme inesthétiques, voire étranges. « Prendre conscience que le standard des petites lèvres est avant tout une affaire de culture peut aider à se détacher de son complexe », précise le Pr Bruno Deval. C’est aussi une piste pour assumer : si le nombre de cas de cette « particularité anatomique » est non estimable, partons du principe qu’il s’agit d’une caractéristique comme une autre, à l’instar, par exemple, d’un clitoris plus ou moins renfermé sous son capuchon ou d’un vagin plus ou moins étroit selon la tonicité du périnée. Aussi, tant que la zone génitale n’est responsable d’aucune sensation dérangeante, au repos comme au septième ciel, pourquoi ne pas penser que notre sexe est simplement ce qu’il est ? Un sexe un peu plus expressif, un peu moins rabougri ?

Des petites lèvres proéminentes à l’hypertrophie handicapante

« Sexuellement parlant, des petites lèvres marquées ne changent rien au plaisir. Ce qui peut le perturber, c’est l’obsession pour cette partie du corps, ou bien un dépassement trop important qui donnerait la sensation d’un sexe pendant, non contenu », explique le Professeur Bruno Deval. Ceci étant dit, il convient alors de ne pas confondre des petites lèvres proéminentes avec une hypertrophie de ces dernières : un « léger débordement » est généralement imperceptible au quotidien et dans la sexualité, tandis que des petites lèvres disproportionnées peuvent engendrer, au-delà d’un complexe, une gêne ou des douleurs. « Certaines femmes se plaignent lorsqu’elles sont assises ou font du sport, ou parce qu’elles doivent réintégrées leurs petites lèvres à la vulve, ou encore parce que cela se voit à travers les sous-vêtements. Bien qu’une hypertrophie, là non plus, n’altère pas le plaisir sexuel, elle peut devenir handicapante, auquel cas on peut envisager une nymphoplastie de réduction », précise l’expert.

Cette intervention chirurgicale, qui consiste à raccourcir les petites lèvres, a connu ses heures de gloire. En 2018, le Parisien révélait exclusivement que 4 600 femmes avaient eu recours à un lifting de l’intime – réduction des petites lèvres ou augmentation des grandes lèvres – dans l’hexagone en 2016. Une véritable « mode féminine » selon le quotidien, qui a tiré son observation du 31è congrès de la Société française des chirurgiens esthétiques plasticiens (SOFCEP). « Aujourd’hui, la tendance est moins forte, ce genre d’opération diminue en fréquence », remarque le chirurgien Bruno Deval, même si aucun chiffre ne vient corroborer son propos.

Faut-il oser la nymphoplastie de réduction ?

Toujours étant que la nymphoplastie est loin d’être une opération anodine, d’une part parce que les complications existent, d’autre part parce qu’elle se veut délicate : « Il faut que la résection des petites lèvres se fasse à distance du système bulbo-clitoridien, non pas parce que l’on risque d’altérer le plaisir sexuel, mais parce que des racines endommagées du clitoris peuvent générer des douleurs par la suite », éclaire le Pr Bruno Deval.

« Les professionnels doivent évaluer la gêne de la patiente avant de proposer une réduction des petites lèvres », ajoute le Professeur, qui rappelle que cette opération, autant que faire se peut, se doit d’être médicalement justifiée. Néanmoins, nombre d’interventions passées se sont déroulées à des fins purement esthétiques ; en l’absence d’inconfort autre que psychologique, il n’est pas interdit de recourir à la chirurgie, comme on se fait refaire les seins. Mais avant de se lancer, rien de plus essentiel que de prendre du recul sur les fameux standards du beau sexe que l’on a intégrés jusqu’à douter de notre allure intime. Un dialogue à engager avec soi, puis avec un médecin si nécessaire.  

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