Santé

Complexe du sexe : Lia, 34 ans, et ses « rapports sexuels une fois tous les 36 du mois »

Lia, 34 ans, est en couple depuis cinq ans avec son partenaire. À quel rythme font-ils l’amour ? La jeune femme le sait très bien, sans doute parce qu’il est plus simple de compter les rapports quand ils demeurent peu fréquents. « Quand on s’est connu, le sexe allait bon train, et puis, comme beaucoup de couples j’imagine, on a ralenti pour, aujourd’hui, faire l’amour une fois par mois, parfois moins… », confie Lia, qui précise que ce bilan la complexe : « J’ai l’impression que quelque chose cloche dans ma sexualité et dans ma relation, et que les autres font l’amour tout le temps ».

D’où peut venir une telle idée, difficile à porter ? Il suffit d’interroger Google sur « le nombre de rapports sexuels idéal » pour lire, à plusieurs reprises, qu’un couple se doit de faire l’amour trois fois par semaine pour être épanoui, tandis que ce chiffre ne présente aucune source fiable. Toujours étant que nous avons toutes en tête ce genre de prescription, et quand bien même nous ne la quantifions pas, nous avons tendance à penser qu’un couple en bonne santé s’envoie en l’air fréquemment. « Je me dis que l’on devrait faire l’amour au moins le week-end, ou avoir envie de sexe autant que de Netflix… », continue Lia.

Pourquoi le rythme sexuel nous préoccupe-t-il autant ?

Selon la sexologue clinicienne Margaux Terrou, faire l’amour assidûment est devenue une injonction qui peut rapidement entraîner de la remise en question, voire de la culpabilité, dans un monde qui ne cesse de nous refiler des ordonnances bien-être : « On ne doit pas trop manger mais manger assez, et c’est la même chose pour la sexualité : on nous fait croire qu’il existe un rythme correct et bon pour le couple », explique-t-elle. Mais derrière le complexe du rythme se cache une question bien plus profonde, celle de la « normalité » : « Les femmes qui me confient qu’elles font peu l’amour s’inquiètent d’être normales et d’évoluer dans un couple normal », observe la sexologue clinicienne. Cette crainte d’être à côté de la plaque tient des normes qu’imposent la société et qu’il nous faudrait respecter pour être validées : rencontrer l’amour, acheter un appartement, faire des enfants, et continuer de mener une vie sexuelle digne de ce nom, preuve de notre solidité conjugale.

« La question de la norme est omniprésente, et c’est sans dire qu’elle est exacerbée par les réseaux sociaux qui renvoient un idéal de vie conjugale et parentale. Ce déballage affectif et érotique peut générer la sensation d’être en décalage avec la norme établie, or la norme n’est qu’une construction sociale qui ne dit rien de nos envies réelles et intimes, et de notre façon d’être heureux, seule ou à deux », développe la spécialiste. Car oui, le plus important, ce n’est pas de savoir si l’on fait suffisamment l’amour au regard de données à la noix ou de sextoys dernier cri à notre disposition, mais simplement au regard de nos désirs. Et si être « normale », c’était être soi-même ?

Le sexe, un pilier du couple… parmi tant d’autres

En somme, pour qu’un couple soit heureux, à ses propres yeux et aux yeux des autres, il faudrait qu’il fasse l’amour souvent, or « être heureux en couple n’est pas seulement une affaire de sexe, et heureusement », explique la sexologue. Pour adhérer à cette idée décomplexante, la spécialiste énumère les piliers du couple, au nombre de cinq : le partage, l’admiration, la communication, la confiance et la sexualité (faciles à retenir via l’acronyme PACCS). « Chaque couple développe ses piliers et leur accorde, sans même s’en rendre compte, un tantième », note la sexologue clinicienne. Autrement dit, notre couple peut rayonner grâce au partage et à l’admiration en octroyant une place moins importante, voire très maigre, à la sexualité : « Une chaise tient sur quatre pieds, on peut se passer d’un cinquième pilier », détend la sexologue.

Identifier ses piliers et apprendre à les aimer, c’est admettre qu’il existe « un contrat implicite du couple » : « Au fil des ans, un couple échafaude ce que l’on appelle un contrat implicite, et ce contrat fait foi dans la sexualité : on trouve son rythme et on est bien ainsi, pas besoin de chercher à en changer puisqu’il devient le fondement de la relation, le cadre qui convient », rassure la spécialiste.

Quand le complexe du rythme sexuel naît face au partenaire

Le complexe du rythme sexuel naît en grande partie des injonctions sociétales et des conclusions que l’on en tire. « En consultation, je reçois des couples malheureux d’avoir le sentiment de ne pas faire assez l’amour, or, quand je leur demande s’ils sont frustrés, ils reconnaissent que non. Ils n’ont rien à faire là ! », s’exclame la sexologue clinicienne. Mais, à l’inverse, il arrive qu’un partenaire frustré, qui émet le souhait de faire davantage l’amour, soit à l’origine du complexe chez sa partenaire. Par conséquent, « les femmes se sentent parfois forcées de faire l’amour pour répondre au désir d’en face », déplore la sexologue clinicienne.

Cette réalité appartient à ce que l’on appelle la « charge sexuelle », soit la charge mentale de la sexualité : on « vit » le sexe de manière à répondre aux attentes d’un partenaire, en faisant passer les nôtres en second plan. A noter qu’une idée reçue alimente cette charge : les hommes auraient davantage de libido que les femmes. « C’est faux, corrige la sexologue. Les hommes et les femmes ont autant de désir sexuel, et le désir sexuel dépend davantage du contexte, de l’état de fatigue, du moral… » Alors n’allons pas croire que nous devons davantage faire l’amour pour nous adapter : « Le consentement à soi-même est rarement évoqué, mais je le rappelle : on doit avoir envie de faire l’amour pour faire l’amour, et s’il y a un décalage avec le partenaire, on active le pilier de la communication pour faire le point, car tant que l’on se sentira obligée de se donner, le fossé perdurera et le complexe qui va avec aussi », conclut Margaux Terrou.

Continuer la lecture

close

Recevez toute la presse marocaine.

Inscrivez-vous pour recevoir les dernières actualités dans votre boîte de réception.

Conformément à la loi 09-08 promulguée par le Dahir 1-09-15 du 18 février 2009 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, vous disposez d'un droit d'accès, de rectification, et d'opposition des données relatives aux informations vous concernant.

Afficher plus
Bouton retour en haut de la page