Complexe du sexe : Sofia, 29 ans, et « son allure d’étoile de mer en missionnaire »

« Quand je suis en missionnaire avec un mec, je me demande souvent ce que font les autres femmes dans cette position, car moi, à part prendre mon plaisir et caresser un dos, j’erre », confie Sofia, 29 ans, qui précise que le souci n’est pas l’ennui, mais le manque de contenance.

En effet, en missionnaire, que l’on pourrait définir – version hétéro – selon la formule « homme dessus, femme dessous », les femmes peuvent se sentir moins actives que celui qui, au-dessus, tient le volant et manie la pénétration. Un sentiment assez répandu, comme en témoigne l’expression de « l’étoile de mer », qui hante bien des esprits : « Je suis une étoile de mer, et quand j’essaie de bouger les bras, les jambes, je suis toujours une étoile de mer, mais qui cette fois remue ses branches un peu niaisement », ajoute Sofia. Pourquoi le missionnaire est-il capable de générer du complexe ?

Le missionnaire, la position qui a mauvaise presse

« Le missionnaire, position sexuelle largement représentée à l’écran de par son caractère populaire, pratique et conventionnel, est associé, à tort, à une sexualité vanille », souligne Angéla Bonnaud, sexothérapeute et thérapeute psycho-corporel, co-auteure de « Vaginismes : comprendre, se soigner, s’épanouir » (éd. La Musardine). Comprendre : le missionnaire, c’est un peu gnangnan, mignon, sentimental et pas très fun. Ainsi, quand on s’empile de la sorte, voilà que l’on manque d’audace et de souplesse. Plutôt que de vivre le sexe avec intensité, on est là, un samedi soir, à jouer les crêpes dentelle. Cette vision du missionnaire est la première à alimenter le complexe de l’étoile de mer : dès lors qu’il s’agit de cette position, on part perdante.

Mais si le fait d’être « en dessous » nous complexe, c’est aussi parce que l’on associe « la bonne meuf au lit » à du sexe en mouvement, du sexe haletant, du sexe « tagada ». Une nana sensuelle bouge, ondule, s’exprime. « Le missionnaire nous limite, il peut donc donner l’impression que l’on s’éloigne de l’archétype de la fille ultra-érotique », commente Angéla Bonnaud. En somme, le missionnaire aurait donc tout faux : à cause de lui, on se sent molle, privée d’une dynamique voluptueuse, et finalement beaucoup « trop simple », voire simplette.

Dans les coulisses, le vagin bosse dur

À première vue, une solution s’impose pour dépasser ce complexe : bouger au maximum, et s’animer (en parlant, soupirant…). Seulement voilà : le champ des possibles, en termes de gestuelle et d’activité, se veut restreint. En missionnaire, on ne peut pas faire la roue. On choisira éventuellement d’onduler le bassin pour accompagner le mouvement pénétratif, de caresser les cheveux d’en face, ou bien de jouer de ses jambes. Mais ces quelques libertés ne suffisent pas toujours à nous détendre quant à la question. En cause ? Le sexe pénétratif, qui, au cœur des rapports hétéronormés, place le pénis au centre et étiquette le vagin de fourreau. « Puisque le vagin accueille le pénis, on a tendance à imaginer que la femme ne fait rien, or, accueillir, c’est du boulot aussi ! Le périnée se contracte, le vagin se resserre et lubrifie… Il faudrait voir la pénétration comme un acte de partage, comme une co-construction », note Angéla Bonnaud.

Parlons même de circlusion, plutôt que de pénétration : circlusion signifie entourer, enrober. Ce néologisme nous rappelle que le vagin joue un rôle et n’est pas seulement le réceptacle du plaisir masculin. Voilà qui nous aide à reprendre notre place, notre pouvoir, et à entendre qu’en missionnaire, les femmes sont actives, malgré les apparences.

La farniente sexuelle, on peut aimer ça

Lorsque l’on creuse, on s’aperçoit que le complexe du missionnaire se renforce quand on l’adore. En d’autres mots, on peut complexer de ne pas bouger suffisamment, mais on peut aussi complexer d’aimer ne pas bouger suffisamment. « Se laisser faire, voire être dominée, peut être très agréable et source de plaisir », note la sexothérapeute. En effet, il est plaisant, parfois, d’être soumise aux mouvements et caresses du partenaire, de la même façon que le missionnaire, étant grandement confortable, nous concède tout l’espace d’apprécier les sensations sans trop d’efforts.

Le missionnaire ne sollicite pas nos abdominaux, nos fessiers ou autres parties du corps susceptibles de réveiller nos muscles les plus endormis. En missionnaire, on est bien, et c’est là que le bât-blesse : pour qui vais-je passer si je ferme les yeux et profite ? Pour la princesse ? « On se rend compte que, finalement, la personne inactive sur le papier est celle qui a le pouvoir, puisqu’elle fait bosser le partenaire tandis qu’elle se délecte du résultat », exagère Angéla Bonnaud pour nous éclairer. Le malaise naît alors : on ne voudrait pas être égoïste. Le plaisir masculin étant vanté, et le plaisir féminin souvent dénigré ou ignoré, on cherche malgré nous à donner, afin de ne pas « trop recevoir ».

Se réconcilier avec l’étoile de mer que l’on est

« En sexologie, on ne parle pas de personne active ou passive, mais de donner et de recevoir », explique Angéla Bonnaud, qui précise alors que « quelle que soit la position, on donne et on reçoit, si on le décide ». En missionnaire, on peut donc recevoir – en pacha, mais aussi donner, en bougeant a minima, en partageant ses ressentis, en papotant, et ainsi de suite. Sans oublier que la zone génitale opère dans l’ombre, et donne aussi. L’équilibre se tient.

L’étoile de mer peut donc être érotique et bavarde, souple et sexy. Elle peut aussi s’enfoncer dans son cliché, et s’offrir à l’autre pour profiter pleinement. Si tous ces cas de figure sont viables, et nous aident à sortir du complexe du missionnaire mou-mou, c’est aussi parce que le missionnaire est une position parmi d’autres. « Le complexe du manque de contenance en missionnaire s’installe généralement avec le temps, quand seule cette position est convoquée, et quand elle est la seule qui habite les rapports », remarque la sexothérapeute. La véritable solution, alors ? Changer. Inverser les rôles, les angles, les ambiances. On jouit d’un missionnaire douillet, puis on se retourne pour donner autrement, recevoir autrement. C’est en ça que le missionnaire est une super position : humble comme tout, il nous autorise à l’aimer, puis à le fuir.

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